17-05-2015

[Ex] 22 - Quand survient le comble du mal

par : le père Alain Dumont
Il y a une différence entre le bien et le mal. Le bien n'a pas de limites : il est libre. Le mal, lui, a une limite qui signe son état de non retour vers la Vie. Quand le “comble” du mal est atteint, YHWH se présente en Personne.
Duration:15 minutes 44 secondes
Transcription du texte de la vidéo :  
Tous droits réservés.
Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
______________________________________________________________

 Bonjour,

Nous voilà arrivés à la 10e plaie d’Égypte, la 10e frappe, mais avant de nous y attarder, je voudrais m’arrêter avec vous sur ce qui est en train de se jouer, et qui est assez essentiel. Pendant 9 épisodes consécutifs, de plus en plus douloureux, on a assisté à une montée de l’endurcissement de Pharaon à un point déjà quasi insoutenable ! Et pourtant, le COMBLE n’est pas encore atteint. Là, c’est très mystérieux, mais il faut essayer de comprendre, parce que vous aurez exactement la même dynamique dans l’Apocalypse de Saint Jean, à l’autre extrémité de la Bible. Ce qui signifie que, du commencement à la fin, la Bible interroge précisément ce mystérieux ENDURCISSEMENT — le fameux « PÉCHÉ » — qui menace n’importe qui, et jusqu’à n’importe quel système politique ayant goûté au pouvoir absolu.

Il y a une chose qu’il faut bien comprendre : le SEIGNEUR, est OBNUBILÉ par la liberté de l’homme, au sens où Il VEUT que l’homme fasse des choix ; il VEUT que l’homme ne se contente pas de recevoir la vie passivement, mais qu’il l’entreprenne activement. C’est encore et toujours Dt 30 : « Vois : Je mets en face de toi la vie et le bonheur ! La mort et le malheur ! CHOISIS la vie ! » (Dt 30,15-20) En substance : c’est À TOI DE CHOISIR ! Je ne peux pas le faire à ta place) ». Cette sentence est la clef de TOUS les récits bibliques qui sont conçus comme une maïeutique de la liberté, un accouchement de la liberté en l’homme, avec à chaque choix posé l’obligation d’assumer les conséquences de ces choix : soit pour poursuivre dans la même voie, soit pour en changer.

Que fait HaShèM en face de Pharaon : en définitive, Il lui manifeste les conséquences des choix qu’il fait. S’il choisit un chemin de mort, il doit assumer que ce chemin fera son malheur et celui de toute l’Égypte ! C’est là le lot des rois… Les sanctions tombent — attention : faites bien la différence entre les sanctions et les punitions ! DIEU ne punit pas Pharaon : il ne le prend jamais par surprise, et chaque frappe est la conséquence des choix de Pharaon. Mais Pharaon refuse d’entendre, prisonnier qu’il est de son système politico-religieux mortifère ! C’est difficile pour nous, parce que nous sommes habités par l’idéologie de la LICENCE : « J’ai le droit de faire des choix de mort, mais il serait injuste que ces choix me retombent dessus ! » Dit autrement, dès que je subis un mal, je me positionne comme victime d’une injustice, alors que j’ai moi-même généré les conditions de ce retour de bâton !

Quoi qu’il en soit, ce à quoi nous allons assister avec la 10e frappe, c’est ce que l’Apocalypse nomme le « COMBLE » du mal. C’est la différence entre le bonheur et le malheur : la vie et le bonheur n’ont pas de limites, mais la mort et le mal, oui. La mort et le mal ont la limite du « COMBLE » que HaShèM leur impose. Tant qu’il n’est pas atteint, HaShèM espère jusqu’au bout que la Vie reprendra ses droits par une conversion. Mais arrive un moment où le mal signe un manifeste de non-retour ! Et là, HaShèM ouvre les SCEAUX du jugement, comme dit l’Apocalypse : au ch. 6:1-17 ; 8:1-5. Vous voyez ? La dynamique est la même, du début de la Délivrance des Fils d’Israël jusqu’à la Délivrance finale, le Salut final, le fameux Jugement Dernier que raconte l’Apocalypse. L’inclusion est parfaite, et on ne peut plus explicite : les frappes de l’Exode sont les figures de ce qui arrivera à toutes les nations qui auront refusé de se convertir à HaShèM et à son Fils, c’est-à-dire qui auront choisi le chemin de mort au lieu du chemin de Vie.

Et donc, entre ces deux bornes, qu’est-ce qu’on nous dit ? On nous prévient qu’il est juste que tout le mal commis reflue sur ses auteurs. Car c’est là où le mal est pervers : on le commet tant qu’il ne nous fait pas de mal à nous, voire même tant qu’il nous fait du bien… Mais en toute justice, si on ne se convertit pas, si on ne change pas de chemin, si on ne change pas de vie, tout ce mal commis, un jour ou l’autre, voire dans l’éternité, reflue sur nous ! C’est ce qui va se passer pour Pharaon, et ce ne sera pas faute de l’avoir averti ! Nous devons toujours nous souvenir qu’un tel franchissement du non-retour, aussi absurde qu’il puisse paraître, est toujours possible. Ou alors notre liberté n’est qu’un leurre. À un moment, on aura été si loin dans le mal, dans l’endurcissement, dans le déni du RÉDEMPTEUR, que les conséquences s’imposeront d’elles-mêmes comme le fruit corrompu de NOTRE liberté obstinée. Arrivé à ce stade, on ne peut plus s’en prendre qu’à soi-même, et LE RÉDEMPTEUR ne peut rien pour nous, puisque nous ne voulons toujours pas de Lui ! C’est terrible, mais c’est comme ça. Et c’est ce que nous raconte cet épisode de l’Exode, qui en définitive nous concerne TOUS ! Nous sommes TOUS sommés de nous prononcer pour ou contre le DIEU de Moïse. Ce n’est pas pour autre chose que paraît le Christ Jésus : en Lui est scellé notre choix, qu’on soit juif ou païen.

Bon. Alors comprenons bien : nos anciens auraient pu nous faire une version light qui énonce simplement les principes à suivre : « Pour être heureux, fais ceci, ne fait pas cela ; mouche to n nez, dis bonjour à la dame… ». Ils auraient pu écrire un manuel de morale, ou de sagesse. Et ils l’ont fait pour une part avec des livres comme celui des Proverbes, de Qohélet, du Siracide, etc. Mais ces livres sont très peu nombreux ; et ils ne sont pas premiers. On ne peut les comprendre qu’à la lumière de la Thora. Pourquoi ? Parce que des leçons de morale, ça séduit l’intellect, mais ça ne touche pas la chair. Donc c’est très joli, plein de bonnes intentions, mais pris tout seul, ça ne porte aucun fruit ; au mieux, ça formate le cerveau, mais ça ne donne pas la vie. Alors que le RÉCIT que nous scrutons, lui, nous travaille. Il travaille notre chair : on n’est pas à l’aise, on se demande : « pourquoi ? », on s’énerve, on entre dans le suspens, on prend parti… Donc ça excite notre chair ! C’est justement ce que cherche à faire le récit ; un récit qu’on va raconter de génération en génération et qui va éveiller les consciences des fils. Pourquoi ? Parce que ça va à leur tour les travailler dans leur chair, et qu’ils vont poser la question : « Pourquoi ? ». Et là encore, on touche quelque chose d’essentiel : la vie ne jaillit que là où jaillit le questionnement. Tant que tu poses des questions, tu vis. Le jour où tu n’as plus que des réponses, tu es mort et tu donnes la mort. Et là encore, là où la foi suscite la vie par un questionnement, l’idéologie, elle, suscite la mort par ses réponses toutes faites, tueuses parce que présomptueuses.

L’art de poser des questions est tellement important que le Deutéronome va même le ritualiser : « Tu le raconteras à ton fils et ton fils te demandera : “Pourquoi ?” ». Et on va encourager les enfants à toujours questionner, sachant que la question, la vraie, celle qui se met à l’écoute, est le plus sûr moyen de ne jamais être l’esclave de quiconque ! Être dans une dynamique de perpétuel questionnement, donc en perpétuelle écoute de la VIE : voilà la libération à laquelle le récit nous convoque, non pas comme une simple valeur mais comme une réalité charnelle : EST-CE QUE, OUI OU NON, NOUS ÉCOUTONS ? Est-ce qu’on est du côté des Fils d’Israël — l’écoute — ou du côté de Pharaon qui refuse d’écouter et n’en fait qu’à sa tête ? Car à partir du moment où l’on écoute, on sort de l’émotion pure et simple, et on pose alors les bonnes questions. Par exemple : qui, dans ce récit, est la victime ? Et de qui est-il la victime ? Et pourquoi y a-t-il des victimes ? Et comment DIEU se révèle-t-il au milieu de cette histoire sordide et ténébreuse ? Et pourquoi intervient-il si brutalement ? Et pourquoi suis-je mal à l’aise lorsque j’entends parler des sanctions de DIEU ? Autant de questions que nous n’avons pas habitué nos jeunes à se poser réellement. Du coup, on lénifie les Écritures en les transformant en contes de Grimm ou en manuel de morale ; on ne la lit pas charnellement, on ne la transmet pas charnellement. On en fait un manuel de réponses, et nos jeunes s’en désintéressent nécessairement. Du coup, ils essayent de faire comme ils peuvent, et ils sont obligés pour ça de revenir au tout début du questionnement humain… Et ils reprennent seuls les errements ancestraux du bouddhisme, de l’hindouisme parce qu’ils ont l’impression de retrouver là quelque chose de charnel, de vivant, qu’on ne leur a pas transmis avec le catéchisme.

Ce qui est en jeu dans le récit que nous lisons en ce moment, et qui reviendra dans tous les récits de la Bible, c’est un combat charnel ! Un combat difficile, mais lumineux ! Et ce combat nous prépare à mener celui du Christ Jésus sous la bannière de l’amour ; cet amour qui est lui-même une mise en questionnement, et même le sommet de la mise en travail charel de l’homme sur lui-même pour le libérer de son endurcissement idéologique et lui permettre d’accueillir pleinement, charnellement, son RÉDEMPTEUR. Lui permettre de recevoir DIEU comme un Père qui ne veut qu’une seule chose : que son enfant vive et donne la vie à son tour, par la chair habitée par l’Esprit de VIE, travaillée comme la pâte par le levain du CHRIST SAUVEUR.

Alors pour terminer, ne croyons pas que le SEIGNEUR jubile à terrasser Pharaon ! Comme le dira un midrash, après la traversée de la Mer, HaShèM se penchera sur les Égyptiens engloutis en pleurant, et en disant : « Eux aussi, ce sont mes enfants ! » Reste qu’il fallait terrasser le mal parvenu à son COMBLE, à un stade de non-retour. Et encore une fois, c’est ça qui nous trouble, et c’est bien. C’est la preuve que le récit nous travaille, qu’il travaille notre chair, donc notre mémoire ; et si nous transmettons cette mémoire de génération en génération, à nos fils et nos filles, non pas comme des principes de morale qui ne peuvent provoquer que l’ennui, mais comme des récits qui nous interrogent aujourd’hui et maintenant, là, il y a des chances pour que la leçon soit entendue ; que nous puissions alors non seulement engager notre liberté, mais que nous y puissions y entraîner nos enfants ! Pas comme un slogan : « Liberté, égalité, fraternité ! » — ça c’est de l’idéologie : pour vous en convaincre, posez-vous cette simple question : « Quand est-ce que la dernière fois, j’ai appelé mon voisin de palier : mon frère ? » Jamais… Donc c’est bien la preuve que ça n’est qu’une idée, complètement désincarnée et donc absolument inefficace, ce qui n’est pas sans interroger la véracité de l’égalité et la liberté qui lui sont associés —. Tout au contraire, lorsque la Torah parle de liberté, de libération, elle ne lance pas un slogan vide. Elle pose le cadre concret de la transmission d’un patrimoine de Vie qui permet efficacement à chaque génération de s’engager charnellement dans l’Alliance avec HaSheM, au cœur du peuple des Fils d’Israël d’abord et de l’Église qu’Il a greffée sur ce peuple. Que voulez-vous : il faut l’APPUI DES PÈRES pour que chaque génération puisse se mettre en marche charnellement dans le sens de la vraie liberté ; dans le sens de la VIE qui regarde en face les désirs de l’homme pour les canaliser avec le secours du DIEU Sauveur. Alors, et alors seulement peut s’opérer l’inversion du mouvement de mort en un mouvement de Vie dans le monde.

Ça, seul HaSheM, qui se révèle en Christ Jésus comme un DIEU Père, peut nous donner de l’expérimenter. Parce que le Père Éternel seul est la Source de cette Vie qui nous questionne charnellement, nous remet debout lorsque nous sommes terrassés et nous fait lever les yeux vers l’horizon de la Délivrance Finale, qui est LE LIEU par excellence de l’espérance biblique. C’est ça qu’il faut transmettre de génération en génération, à nos fils et nos filles. Non comme des idées, encore une fois ; non comme de pures valeurs, mais comme ces récits éternels, comme le livre de l’Exode ; auxquels il faut toujours revenir comme le seul véritable patrimoine charnel de toute l’humanité. Une humanité de qualité, illuminée par l’amour du Christ, le Verbe fait Chair ; un amour combatif, éprouvant, mais qui mène à la vraie JOIE.

Voilà. Il était important qu’à ce stade, nous fassions le point de notre lecture, car si nous ne lisons le récit de la 10e frappe que d’un point de vue intellectuel, idéologique, alors nous nous poserons comme de petits juges moralisateurs, qui regarderont les générations des pères de manière hautaine et médiocre et incapables par nous-mêmes de relever les vrais défis de notre temps. Ce n’est que dans le lien charnel avec ce que nos pères nous ont transmis que nous pourrons être à notre tour des témoins de l’espérance, une espérance dans laquelle il nous faut résolument entrer à présent, toujours en laissant le récit nous travailler… dans la chair.

Je vous remercie.

______________________________________________________________