05-09-2015
[Ex] 41 - Gouverner, c'est déléguer !
Moïse ne peut pas gérer tous les problèmes du peuple à tous les niveaux. Son beau-père, IéTRo, lui conseille de nommer des juges pour les litiges communs, sans quoi Moïse ne tiendra pas le coup !
Duration:13 minutes 50 secondes
Transcription du texte de la vidéo : (Voir la vidéo : http://www.bible-tutoriel.com/gouverner-c-est-deleguer.html)Tous droits réservés.Pour une citation, mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,
Nous poursuivons notre lecture du livre de l’Exode, et nous voici parvenus au ch. 18. Petite pause, pour ainsi dire, au milieu de toutes les contrariétés qu’ont rencontrées jusqu’à présent les Fils d’Israël : pour la première fois, un peuple vient à leur rencontre en AMI. Il s’agit du peuple des Madiânites, chez qui Moïse, rappelez-vous, avait pris refuge lors de sa fuite suite au meurtre de l’égyptien qui frappait les Hébreux. Alors ici, on rencontre une figure pas tout à fait nouvelle, mais presque : celle de IéTRo, le beau-père de Moïse qui vient à sa rencontre avec Çipporah, sa fille et la femme de Moïse accompagnée des deux fils qu’elle a enfanté de Moïse, GerShôM, qui signifie : « ce sol a été ma résidence » et Éli“éZèR, qui signifie « Dieu, mon secours ».
On ne s’étend pas sur les retrouvailles. D’emblée, on nous dit que Moïse sort saluer son beau-père et qu’il lui raconte les merveilles que HaShèM a accomplies en faveur des Fils d’Israël, raison pour laquelle IéTRo BÉNIT HaShèM ! On lit au v. 9 : « IéTRo se réjouit à tout le bien que HaShèM avait fait à Israël », sachant que le verbe H’aDaH, « se réjouir », vient de la racine YaHaD, « s’unir à » ; ce qui signifie qu’il ne s’agit pas de n’importe quelle joie : c’est la joie qui procède d’une communion entre deux êtres. D’autre part, on remarque que IéTRo ne bénit pas seulement ÉLoHîM, mais bien HaShèM, le dieu libérateur, aux v. 10 et 11. Ce qui veut dire que IéTRo connaît HaShèM, contrairement à Pharaon qui avait crié à Moïse : « Qui est ce HaShèM pour que j’écoute sa voix ? Je ne connais pas de HaShèM ! », c’est au début du ch. 5. Et autant le rejet de HaShèM signifiait la condamnation des Fils d’Israël, autant la reconnaissance de HaShèM signifie leur exaltation. Parce que bénir HaShèM, c’est bénir Israël ; et bénir Israël, c’est bénir la descendance d’Abraham, et à travers elle bénir Abraham, c’est-à-dire entrer dans la bénédiction promise aux nations par l’intermédiaire du Patriarche (Gn 12,3). De ce point de vue, IéTRo apparaît comme la lumière après l’ombre ! Il est la figure de l’anti-AMaLeQ ! Là où AMaLeQ tente de détruire les Fils d’Israël, IéTRo les accueille à bras ouverts, ce qui signifie à tout le moins que toutes les nations ne sont pas contre Israël ! Ouf ! Il n’y a donc pas que des AMaLeQ dans le monde, ce qui signifie que les Fils d’Israël peuvent trouver leur place dans le concert des nations. Encore faudra-t-il définir la nature de cette place, mais là, c’est un sujet qui dépasse le cadre de cette vidéo.
Toujours est-il que IéTRo, tout à sa joie, nous dit le v. 12, offre un holocauste, c’est-à-dire un sacrifice où l’animal est tout entier passé par le feu ; ainsi que des ÇéVaH°îM, c’est-à-dire des « immolations » sacrificielles dont une partie constitue le repas fraternel partagé par tous ceux qui les ont offertes. Alors attention : IéTRo offre les sacrifices à ELoHîM, au DIEU créateur — vous vous souvenez de la différence : ELoHîM est le DIEU de la Création, le dieu commun à toutes les religions ; HaShèM est le DIEU du Salut, le DIEU spécifique des Fils d’Israël —. C’est une manière de dire que IéTRo, bien qu’ayant béni Abraham, n’est pas habilité à offrir les sacrifices à HaShèM : ce sera le privilège des Fils d’Israël. Ceci dit, le rituel n’existe pas encore, raison pour laquelle sans doute Aaron et les Anciens du peuple partagent le repas sacrificiel sans y voir de mal… mais, semble-t-il, sans Moïse : comme si, à ce stade, seul Moïse était au fait de la spécificité de HaShèM au point ne pas vouloir mélanger le culte rendu à ÉLoHîM par les nations avec celui qu’Israël devra rendre exclusivement à HaShèM. Voyez, le texte ici, en filigrane, émet une réserve.
Quoi qu’il en soit, voilà pour l’accueil. Donc Israël n’est pas rejeté par tous. Mais il y a plus. Le lendemain, nous dit le récit, IéTRo vient faire le point avec Moïse sur sa manière de rendre la justice au sein du peuple. Alors là, il faut s’arrêter, parce que ce qui se joue ici ne touche à rien de moins qu’au don de la ToRaH. On voit d’abord s’ouvrir ici l’espace judiciaire nécessaire pour que les Fils d’Israël puissent être administrés comme un peuple LIBRE, parce que dans le fond, est libre un peuple que ne régit pas la loi d’un autre peuple. C’est assez évident. Les Fils d’Israël viennent de sortir d’Égypte ; donc s’ils veulent vraiment exister comme un peuple, non seulement libéré mais LIBRE, il leur faut une instance judiciaire propre. Or pour cela, on nous dit que seul Moïse est en position de juge, ShoPhèT en Hébreu.
Pourquoi ? Parce que, dit le v. 15, le peuple vient “consulter” HaShèM, un verbe hébreu, DaRaSh, qui signifie “consulter” au sens CHERCHER, RECHERCHER, SCRUTER. C’est une quête de sens dont on nous parle, et non d’une consultation oraculaire comme on pouvait en pratiquer en Égypte, en Grèce ou un peu partout ailleurs. Les oracles païens étaient faits pour infliger à ceux qui venaient les consulter des réponses qui scellaient définitivement leur destin : pensez à l’oracle de Delphes dans le mythe d’Œdipe, par exemple. Rien de ça ici. On vient voir Moïse, mais c’est d’abord, nous dit-on, parce qu’on « cherche HaShèM », au sens où le peuple attend HaShèM non pas qu’Il lui acène des vérités définitives, mais l’ouvre au contraire à la vraie LIBERTÉ ! Voilà la différence entre la ToRaH et les Oracles : les oracles aliènent l’homme à un destin ; la ToRaH, elle, libère l’homme de tout destin ! Pour celui qui est attaché à HaShèM, TOUT EST TOUJOURS POSSIBLE dans l’ordre de la VIE : la preuve, c’est que HaShèM les a libérés d’Égypte qui leur imposait un destin d’extermination ! Voilà ce qui motive, de la part des Fils d’Israël, leur AMOUR de HaShèM : ce formidable potentiel de LIBERTÉ que procure sa ToRaH, là où les oracles des nations ne peuvent qu’enfermer ceux qui leur confient leur sort ! Quelque part, le récit nous dit que le creuset semble prêt à accueillir ce qui sera le plus grand commandement de la Torah, donné en Dt 6,5 : « Tu aimeras ton Seigneur de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ta force ». En même temps, forts de cette quête commune, les Fils d’Israël viennent demander à Moïse de les aider à s’entendre entre eux, et là, il sont déjà dans la dynamique du second plus grand commandement de la ToRaH, qu’on trouve en Lv 19,18 : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ! » La question n’est pas ici d’être altruiste : on touche vraiment au second socle fondamental de la justice selon la ToRaH ! Une justice rendue au Nom de HaShèM, qui ne se contente pas de gérer simplement un “vivre ensemble”, mais qui permet de vivre EN FRÈRES ! C’est beaucoup plus fort ! Quoi qu’il en soit, pour l’instant, seul Moïse est en mesure d’être ce juge-là, ce ShoPhèT, lui qui est déjà, anticipativement, intuitivement habité par la ToRaH. La fin du v. 16 le dit très clairement : « Je juge entre un homme et son prochain ET je fais connaître les décrets de HaShèM et ses lois. » Voilà. Moïse articule les deux dimensions indissociables de la ToRaH : nul ne peut dire qu’il suis fidèle à HaShèM si en même temps, au nom e HaShèM, il ne pratique pas la justice à l’intérieur du peuple élu. Les prophètes d’Israël, de ce point de vue, seront sans complaisance !
Bref. Toujours est-il que là, à travers la figure de IéTRo, la Sagesse des nations va venir au secours de Moïse, ce qui est prophétique de ce que les nations peuvent apporter aux Fils d’Israël dans la mesure où celles-ci acceptent d’entrer dans la bénédiction d’Abraham. D’ailleurs, beaucoup plus globalement, la Bible n’est pas opposée à la Sagesse des nations ! Elle l’intègre même assez joyeusement, à partir du moment où cette Sagesse reconnaît le plan de Salut de HaShèM qui PASSE PAR LES FILS D’ISRAËL. Et c’est ce qui se passe ici : quand IéTRo prend la parole, on retrouve des intonations qui évoquent, quand on les connaît, le livre des Proverbes ou celui du Siracide : « Écoute, mon fils, la parole de ton père ! » On a la même chose ici, notamment au v. 19 : « Maintenant écoute mon appel, je vais te conseiller, et que HaShèM soit avec toi. »
Et là, c’est formidable, parce que IéTRo va expliciter la place qui sera dorénavant celle de Moïse et qui va permettre de se mettre à l’écoute de la ToRaH. Que lui dit IéTRo ? : « Toi, sois devant HaShèM pour le peuple ! » Et oui : si Moïse est totalement pris par les audiences, il ne pourra pas être pleinement à l’écoute de HaShèM en faveur du peuple. Alors que la mission de Moïse, c’est d’être d’abord et avant tout l’INTERMEDIAIRE entre HaShèM et son peuple. De cette mission propre à Moïse dépend la justice qui régira la vie du peuple élu. Donc il doit se dégager de ce qui ne relève que de procédures judiciaires communes. IéTRo conseille à Moïse de hiérarchiser les litiges, et de confier les affaires mineures à des hommes de valeur, tandis que Moïse, lui, ne jugera que les plus GRAVES. Non pas tellement les plus “importantes”, comme suggérait IéTRo au v. 22, mais les plus GRAVES, comme corrige le v. 26. Il y a une nuance. Parler d’affaires importantes laissent penser à une hiérarchie de personnes ; alors que parler d’affaires graves, c’est désigner les affaires qui mettent en cause le lien entre HaShèM et son peuple ; or de telles affaires peuvent concerner n’importe qui dans le peuple, quel que soit son rang.
En tout cas, très concrètement, on voit clairement s’établir l’institution judiciaire nécessaire pour que les Fils d’Israël puissent se constituer comme un vrai peuple. Grâce à elle, solidement articulée à la mission de Moïse, le peuple est alors prêt pour recevoir la ToRaH de HaShèM à l’HoReV.
Nous verrons cela la prochaine fois. Je vous souhaite une bonne lecture de ce chapitre 18 de l’Exode.
Je vous remercie.
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