05-11-2014

Quelle Bible en français utiliser ?

par : Père Alain Dumont
Choisir une Bible n’est pas toujours si facile. Et d’ailleurs, qu’est-ce que la Bible ? Que dit-elle ? Que contient-elle ? Pourquoi est-elle un best-seller ?
Rubrique :Premiers pas
Duration:14 minutes 23 secondes
Transcription du texte de la vidéo :

(Voir la vidéo : http://www.bible-tutoriel.com/quelle-bible-en-francais-utiliser.html )

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Pour une citation, mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutorielhttp://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,

La première question qu’on se pose en général au moment d’ouvrir la Bible, c’est : « quelle bible utiliser ? »

Ne serait-ce qu’en Français, beaucoup de publications, de traductions différentes : il faut arriver à discerner la version qui vous conviendra le mieux. Alors c’est ce que nous allons tenter de débroussailler dans cette vidéo.

— La BIBLE DE JÉRUSALEM : la plus classique.

La première édition date de 1948, en plusieurs fascicules. Elle est parue en un seul volume en 1955, puis en 1973 pour une deuxième édition revue, et encore en 1999 pour une troisième édition revue et corrigée, afin d’unifier le vocabulaire, les noms, et tenir compte dans les notes des travaux récents de la recherche.

Elle a été commandée juste après la 2de guerre mondiale aux dominicains de l’École Biblique de Jérusalem — une école qui a été le premier centre mondial de recherche biblique sur le terrain, et pas seulement littéraire. Le père Lagrange, qui en fut le fondateur, disait toujours : « Il faut lire le texte dans le contexte. » C’est d’ailleurs ce principe qui guide toutes les vidéos de « La Bible en Tutoriels ».

Bref : Chaque livre a été confié à un auteur de compétence reconnue, qui a travaillé sur le texte original en hébreu ou en grec. La qualité de cette traduction n’a plus à faire ses preuves. Elle se veut le plus pratique possible. Ce sont les dominicains qui ont inventé le système des références en marge qui indiquent d’où viennent les citations du texte qu’on est en train de lire, ou les passages très proches. Ces références permettent de voyager dans la Bible et de faire un vrai travail d’approfondissement. Ça permet de voir notamment, dans l’AT, lorsqu’un verset est repris dans le NT, et comment il a été compris, de sorte qu’on entre mieux dans le sens du verset.

Des notes de bas de page expliquent les choix de traduction, pourquoi on a préféré ceci, ou cela ; expliquent le sens des mots : Fils de l’Homme, Reste… On a aussi des notes synthétiques qui expliquent un thème important de l’Histoire du Salut. Bref, un instrument de travail très complet et très synthétique pour étudier les Écritures sérieusement.

Attention néanmoins à la version de poche : elle est vraiment réservée pour les voyages ou pour ceux qui veulent garder vers eux un texte disponible qui ne soit pas trop lourd. Mais elle ne peut pas constituer une Bible de travail, d’abord parce que les notes ont été réduites à 1/1000, ensuite parce que vu la taille des caractères, assez rapidement, on s’arrache les yeux !

– La TOB, c’est-à-dire la Traduction Œcuménique de la Bible, qui date de 1975 pour la trad. intégrale de la Bible.

Elle se présente de la même manière que la BJ, mais procède d’une autre méthode de traduction. Cette fois, Catholiques et Protestants se sont réunis pour proposer une traduction commune. Chaque traduction, par un auteur, a été soumise à une équipe de relecture œcuménique et l’ensemble a été revu par deux biblistes orthodoxes, puis à l’ensemble des traducteurs de la Bible, puis à des théologiens, des réviseurs littéraires et liturgiques… Enorme travail donc, d’une grande rigueur, avec là encore des notes abondantes autant explicatives du contexte que théologiques. Un bel instrument.

Une difficulté : l’ordre des livres n’est pas le même que ceux d’une bible catholique (nous verrons pourquoi une prochaine fois). On est un peu dérouté au début, mais on s’y fait, somme toute, assez vite.

– La Bible Osty : 1973

Pour le coup, cette Bible est cette fois l’œuvre d’un seul homme : le Chanoine Emile Osty, rejoint et aidé par le père Joseph Trinquet. On peut dire que cette Bible est l’œuvre de toute leur vie. À mon sens, c’est la meilleure Bible du point de vue de la rigueur de la traduction. Même l’Alliance Biblique Française, protestante, qualifie cet auteur de Génie de la traduction. Par boutade, on dit souvent que le Chanoine Osty avait cette particularité non seulement de connaître parfaitement l’hébreu et le grec, mais de connaître aussi le français ! Et c’est vrai que sa traductio, toujours très proche de l’hébreu et du grec, et en même temps très fluide à la lecture en français.

Les notes ne sont pas des synthèses théologiques : elles nous font voyager dans tout le texte biblique, selon le principe que la Bible s’éclaire par la Bible. C’est tout à fait passionnant. C’est à mon sens la meilleur Bible pour travailler, et c’est celle que personnellement je garde toujours avec moi, notamment pour préparer les tutoriels.

– Bible des peuples : 19951 / 20052

Maintenant, si vous n’avez pas de Bible dans votre bibliothèque et que cet univers vous est vraiment étranger, la Bible des Peuples pourrait être la plus judicieuse. La traduction est très différente des bibles précédentes puisqu’elle est en Français courant. C’est une option qui vise à faciliter une première approche.

Mais surtout, il y a des notes pastorales remarquables ! Dans le premier livre de la Bible, la Genèse, on vous explique par exemple le rapport entre le récit de la Création en 7 jour et les données de la science moderne. On peut en effet être chrétien, écouter le récit de la Création et recevoir les données de la science moderne comme savoir que l’univers est âgé de 15 milliards d’années !!! Simplement, il faut bien situer les textes dans leur environnement.

D’autre part, tout n’est pas de même importance dans la Bible. Certains passages, comme des annotations, des litanies de noms etc. sont en caractère plus petit, alors que les passages essentiels sont d’une typologie plus grosse. C’est assez pratique. Et surtout, très pastoral. C’est aujourd’hui la Bible Catholique la plus traduite dans le monde entier.

– La Nouvelle Bible de la Liturgie, sortie en librairie le 22 novembre 2013.

L’ancienne traduction, qui datait de 1974, ne concernait que les passages bibliques proclamés dans la liturgie, c’est-à-dire tout le Nouveau Testament, mais seulement 4000 versets de l’Ancien Testament qui en comporte 21000. Depuis 2013, donc, toute la Bible est éditée, même les passages qui ne sont pas lu aux offices.

Alors pourquoi une traduction liturgique ? Oh, c’est tout simple : Il suffit de faire l’essai de prendre une des Bibles que nous venons de présenter et de tenter de proclamer un passage à voix haute : on verra tout de suite la difficulté de l’exercice, non seulement pour le lecteur, mais surtout pour les auditeurs. Il est évident que ce que les yeux comprennent, la bouche et les oreilles ne l’entendent pas nécessairement. D’où certaines contraintes : les phrases ne doivent pas être trop longues, le vocabulaire doit être adapté à la culture des auditeurs tout en étant fidèle au texte original…

Par exemple :« l’Oint du Seigneur » peut être entendu comme« loin du Seigneur » ; ou chez Isaïe, lire« la vache et l’ours paîtront ensemble » n’est guère élégant, on lui substitue donc cette traduction :« la vache et l’ours auront même pâturage » (Isaïe 11,7)… Ça passe mieux.

Bref, il s’agit d’un travail gigantesque qui a mobilisé 70 spécialistes de toute la francophonie — on pourrait l’appeler la “Septante liturgique” —, qui a subi des milliers d’amendements avant d’être présenté à Rome qui a aussi fait ses propres remarques, dont il a aussi fallu tenir compte… De sorte que c’est désormais ce texte qui fait référence pour le peuple chrétien francophone. Maintenant, c’est une traduction sans note explicative, mais on peut alors mettre en parallèle les notes de la Bible des Peuples qui sont excellentes, alors que la traduction en Français courant laisse un peu à désirer…

Mais ce n’est pas tout :

– La Nouvelle Bible Segond (1999)

C’est un Bible protestante. L’ordre des livres est le même que celui de la TOB, mais il y manque certains livres qui appartiennent à la Bible Catholique, comme les livres des Maccabées, le livre de la Sagesse, le livre du Siracide, etc. La traduction est celle du pasteur suisse Louis Segond, une des traductions françaises les plus répandues, qui date du XIXe siècle, mais qui a été révisée à l’occasion. Pour la première fois, une Bible protestante en français ajoute des notes, un peu à la manière d’Osty, pour expliquer les mots, les expressions et faire voyager dans la Bible. Et surtout, elle adopte un peu la pédagogie des Bibles américaines, avec des tableaux de synthèse, des cartes, des illustrations, un index très fourni, une concordance… bref, un véritable outil de travail « tout en un ». C’est remarquable.

Un seul regret : que la pédagogie n’aie pas été jusqu’à adopter la couleur, comme dans la Bible américaine English Standart Version ESV. Remarquablement pédagogique, avec de vrais illustrations instructives qui permettent de mieux se rendre compte des lieux essentiels comme le Temple de Salomon ou celui d’Hérode, au temps de Jésus…

Et puis, pour terminer, on ne peut pas passer sous silence la

– Bible Chouraqui

Pour le coup un Bible sans notes. Mais l’auteur, André Chouraqui, est juif. Il a voulu faire une traduction qui fasse ressentir le côté rugueux de la langue hébraïque, son substrat sémitique, jusque dans la traduction du Nouveau testament. C’est souvent très intéressant, et très stimulant. Ça ne remplace pas l’hébreu, mais pour ceux qui ne le lisent pas, ça donne tout de même une bonne idée du style et de l’environnement lexical que nos traductions, souvent, sont obligées de lisser.

Quoi qu’il en soit, voilà pour un petit tour d’horizon de ce qui existe. Il y a encore d’autres traductions, protestantes notamment, mais nous avons vu les principales. Nous ne disons rien de la traduction de la Bible Bayard qui est un mixte d’exégèse et de poésie ; inutilisable pour travailler sérieusement. C’est un coup commercial assez énervant pour un bibliste, parce qu’elle relègue la Bible au rang de monument poétique et culturel, ce qu’elle dépasse infiniment. D’ailleurs nombre de collaborateurs de cet ouvrage n’ont pas la foi, et ils le disent. Ce n’est rien de moins qu’une profanation du texte au sens littéral : un texte sacré qu’on récupère pour en faire un texte profane. Donc si elle est dans votre bibliothèque, qu’elle y reste pour caler les bouquins, c’est la seule chose à laquelle elle puisse servir. Et encore…

Quoi qu’il en soit, à vous maintenant de choisir la Bible qui vous conviendra le mieux. En tous les cas, n’oubliez pas, lorsque vous visionnerez un clip de La Bible en Tutoriels, d’avoir toujours avec vous une Bible dont vous pourrez feuilleter les pages à mesure que nous essaierons d’en découvrir les richesses. Et puis surtout lire le texte que nous aurons pris le temps de commenter.

Je vous remercie !