02-12-2015

[Ex] 51 - Donner au peuple un vrai culte

Exode 20:22-26 par : le père Alain Dumont
Il ne suffit pas de donner aux Fils d'Israël un Décalogue. Il faut encore leur donner un culte par lequel il signifiera sa sainteté.
Duration:16 minutes 37 secondes
Transcription du texte de la vidéo :

(Voir la vidéo : http://www.bible-tutoriel.com/message/10-donner-au-peuple-un-vrai-culte.html)
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Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutorielhttp://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article

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Bonjour,

Nous continuons notre lecture du ch. 20 du livre de l’Exode à partir du v. 22 par lequel s’ouvre ce qu’on appelle le « CODE DE L’ALLIANCE », c’est-à-dire tout un ensemble législatif qui nous entraîne jusqu’au ch. 23. Alors, une petite précision avant de commencer la lecture : ALLIANCE est un mot qu’on a déjà entendu, notamment avec AVRâHâM. En hébreu, c’est le mot BeRiT, que le grec traduit par diathèchè, c’est-à-dire des conventions établies entre deux parties, et par extension, les conventions testamentaires ; ce qui fait que le latin traduit diathèkè par TESTAMENTUM. Donc : parler de TESTAMENT à propos de la Bible désigne l’histoire de cette ALLIANCE établie entre les deux parties que sont YHWH d’une part et le peuple qu’Il s’est choisi d’autre part. On parle d’ANCIEN TESTAMENT pour qualifier la PREMIÈRE ALLIANCE, conclue avec AVRâHâM en faveur de sa descendance ; une Alliance en marche vers son accomplissement, son renouvellement en faveur de tous les hommes, ce qu’on appelle la NOUVELLE ALLIANCE. Non pas au sens où elle rendrait obsolète la première, mais au sens où elle s’inscrit dans la même trajectoire que la PREMIÈRE ALLIANCE pour lui donner une ampleur universelle. En attendant, c’est cette PREMIÈRE ALLIANCE que Moïse va codifier pour le peuple des Fils d’Israël, à la fois cultuellement — c’est-à-dire du point de vue du CULTE —, socialement et moralement.

Alors c’est vrai que la lecture, à partir de maintenant, paraîtra peut-être un peu moins exaltante. Tant qu’il y avait des récits, il y avait un côté épique qui disparaît plus ou moins. Pourtant, c’est là qu’on vérifie son désir de véritablement scruter l’Écriture. Parce que ces lois, si pointilleuses qu’elles paraissent, décèlent elles aussi des trésors de VIE. Tout ce qu’on va lire désormais, n’est jamais que l’application concrète du Décalogue, de sorte que ces versets, dans le fond, constituent un formidable rempart contre une lecture trop intellectuelle qui ne parlerait que de “valeurs”. Je vous rappelle que l’ALLIANCE, à partir du Décalogue, est un CADRE charnel au sein duquel le peuple va être travaillé de l’intérieur pour marcher sur le chemin de la LIBERTÉ CRÉATRICE ; or un CADRE, ça s’enracine dans du concret, avec des repères clairs que le texte va donc à présent décliner. Donc à partir d’ici, Moïse va vraiment enraciner le Décalogue dans le concret, dans la chair.

Comme toujours dans les discours d’Alliance, on commence à faire mémoire de ce qui a été vécu et qui fonde ce qu’on va vivre dans la suite. Donc YHWH rappelle au peuple, au v. 22 : « Vous avez vu vous-mêmes que, depuis les cieux, j’ai parlé avec vous ! » Mais attention : n’oublions pas que quand YHWH parle, ce n’est pas comme nos hommes politiques d’aujourd’hui ! Sa parole est agissante, performante, c’est-à-dire qu’elle FAIT CE QU’ELLE DIT. N’oublions pas que c’est par cette PAROLE que DIEU crée, donc attention ! En ce sens, si YHWH PARLE, ça signifie, en langage biblique, qu’il n’est pas une de ces divinités représentée par des statues d’or ou d’argent qui, elles, ne parlent pas — ce sera le refrain du psalmiste pour dénoncer les idoles : « Elles ont une bouche et ne parlent pas, des yeux et ne voient pas, des oreilles et n’entendent pas… » Tout le contraire de l’Expérience de YHWH au cœur de l’Alliance. En conséquence de quoi, YHWH étant reconnu comme le VRAI DIEU, le DIEU UNIQUE et SAINT, c’est à Lui qu’Israël devra rendre un CULTE.

Alors, à propos de CULTE, on est vraiment dans la continuité de l’expérience de l’Égypte dont la religion est essentiellement CULTUELLE. Pourquoi ? C’est quoi, le CULTE ? Le culte, c’est, dans toutes les religions, ce qui établit une relation communautaire entre l’homme et DIEU par l’office d’un SERVICE. Rendre un CULTE, en hébreu, se dit “âVaD, c’est-à-dire SERVIR. Non pas comme des esclaves, mais comme l’expression de la relation qui s’établit entre un peuple et son DIEU. Et si on se rappelle que le langage de la relation, c’est le RITE, eh bien il est normal que la relation entre DIEU et son peuple s’exprime, du point de vue de l’homme, par des RITUELS. C’est tout aussi vrai pour les hommes entre eux. Prenez simplement le repas : c’est un RITE qui vaut plus par la relation qu’il engendre que par la nourriture qui est ingérée. On peut même dire que ce qu’il y a de plus charnel dans un repas, ce n’est pas la viande qu’on mange, mais la relation qu’il instaure. Manger avec un autre, quand le repas est de qualité, on en ressort grandi de l’intérieur ! Non pas seulement intellectuellement, mais au plus profond de soi, charnellement ! Eh bien : le CULTE, c’est l’ensemble des RITES qui établissent un lien CHARNEL, et pas seulement idéologique, entre DIEU et son peuple, de sorte que le peuple qui rend ce CULTE en ressort grandi, affermi dans son identité. Maintenant, là où le CULTE d’Israël est vraiment nouveau, c’est qu’il s’appuie non pas sur des divinités imaginaires, mais sur une EXPÉRIENCE, une EXPÉRIENCE DE SALUT que Moïse prend donc soin d’enraciner dans la MÉMOIRE du peuple, dans sa CHAIR, à commencer par l’édification d’un AUTEL. Pourquoi ? Parce que la préoccupation de Moïse n’est pas seulement de libérer le peuple mais de CONSTITUER ce peuple, de l’unifier, ce qui ne peut se faire qu’autour du CULTE, ce qu’il avait fort bien compris en Égypte. Vous vous rappelez de l’argument de Moïse face à Pharaon ? « Laisse-nous aller dans le désert pour sacrifier à YHWH notre ÉLoHîM » L’argument n’avait rien de fallacieux ! Et si Pharaon se met en colère, c’est parce qu’il a très bien compris ce que signifie le fait d’aller rendre un culte différent de celui de l’Égypte : derrière ce culte, c’est la naissance d’un peuple autonome, libéré de l’Égypte et de ses dieux que Moïse revendique ! Pharaon était peut-être un fou meurtrier, mais il était loin d’être inintelligent !

Donc le passage de l’édification de l’AUTEL est loin d’être anodin ! On est en train de nous dire que sans cet autel, ce n’est même pas la peine d’imaginer pouvoir pratiquer le Décalogue. Le Décalogue est premier, qui fonde l’âme d’Israël, notamment à travers la pratique du ShaBaT ; mais l’AUTEL, c’est-à-dire le culte, c’est ce par quoi Israël va pouvoir ÊTRE CE QU’IL EST. Il ne suffit pas d’être : il faut encore se donner les moyens d’être ce que l’on est ! Faire ce qui définit ce que je suis. Il ne s’agit pas seulement se diriger vers une Terre plus propice ; ni même seulement de pouvoir manger, boire, dormir ou travailler… Ça, c’est du pur fonctionnement. Et pour fonctionner, il faut des fonctionnaires. Mais ce n’est pas le fonctionnement qui me fait être ce que je suis. Le jour où une nation n’est plus régie que par des fonctionnaires, fussent-ils sortis de l’ENA ou de Science-Po, cette nation disparaît. Et si elle ne disparaît pas, c’est parce que le peuple garde, malgré toutes les tentatives de le lui retirer, le sens du religieux, le sens du Sacré, le sens du CULTE, quel qu’il soit. Un CULTE à travers lequel le peuple DIT CE QU’IL EST ; un CULTE à travers lequel le peuple pose des gestes et des paroles significatifs de son identité, et par là, garants de sa liberté. Même aujourd’hui, les chrétiens ou les juifs qui « ne pratiquent pas », comme on dit, seraient infiniment mal à l’aise si la religion chrétienne ou juive disparaissait réellement. Pourquoi ? Parce que l’une et l’autre leur font poser, au moins au moment de la circoncision ou du baptême, du mariage ou de l’enterrement, des actes qui disent QUI ILS SONT en profondeur, et c’est de CULTE qu’il s’agit. Pas de papiers administratifs à remplir.

Donc, pour en revenir à notre texte, certes, il y a la ToRaH dont le cœur est donné avec le Décalogue — un peuple ne peut pas exister sans un fondement légal, sans quoi c’est l’anarchie, et un peuple sans loi est un peuple sans liberté. Mais à cette loi, à cette ToRaH, Moïse adjoint le CULTE, parce que le CULTE scelle charnellement l’identité du peuple d’Israël vis-à-vis de YHWH. Et ce que nous dit le récit, c’est que le CULTE, à strictement parler, s’opère autour de l’AUTEL. Comme en Égypte ! N’oubliez pas que le peuple vient de sortir de l’Égypte, et qu’il est totalement imprégné de la forme essentiellement CULTUELLE de la religion égyptienne. Alors certes, le culte égyptien est vain, mais c’est parce qu’il s’adresse à des faux dieux, des dieux imaginaires. Ça n’est une raison de jeter le bébé avec l’eau du bain ! Le CULTE reste fondamental, et même fondateur, donc incontournable ! Alors comment faire en sorte que le CULTE des Fils d’Israël ne soit pas vain ? Eh bien d’abord en l’adressant au VRAI DIEU, celui qui a manifesté qu’Il n’était pas imaginaire, et qui, par le SALUT qu’Il a opéré en libérant son peuple de l’esclavage, s’est montré autorisé à édicter la ToRaH dont le Décalogue est le cœur. Ce qui veut dire qu’une fois que le Décalogue est donné, il faut envisager le CULTE, comme ce service divin où l’homme vit charnellement sa relation, non seulement au DIEU créateur — ELoHîM — mais plus encore au DIEU Sauveur — YHWH —. Une relation qui ne se paye pas simplement de mots ou d’idées — les fameuses valeurs —, mais une relation charnelle qui se vit à travers les sacrifices par lesquels l’homme se départit des prémices de ses biens — c’est un acte d’humilité — et qui se terminent toujours par un repas, ce qui n’est pas dénué de sens, on aura largement l’occasion d’y revenir par la suite.

Bon, alors maintenant, parler de SACRIFICE, ça nous gêne un peu aux entournures parce que nous vivons dans un monde sécularisé, qui croit que les valeurs roulent par elles-mêmes et pour elles-mêmes. Depuis les années 1970, on a fait du sacrifice quelque chose de méprisable, barbare, violent et j’en passe… Alors qu’en réalité, le SACRIFICE, qui prend en compte la violence, est pratiqué précisément pour la canaliser, de telle sorte qu’elle ne reflue pas sur le peuple, mais qu’offerte à YHWH, elle soit transformée par Lui en ÉNERGIE DE VIE. Un homme comme RENÉ GIRARD a amplement développé cette question, notamment dans un ouvrage célèbre qui s’intitule : « la violence et le sacré ».

Quoi qu’il en soit, j’espère que vous voyez que ce qui se passe au pied de l’HoReB n’est pas simplement une petite halte sur le chemin de la Terre de la Promesse. Sans cette étape, aucun horizon ne serait possible, parce que, d’une certaine manière, c’est LÀ que la Terre est reçue, à l’HoReB. Parce qu’il est inutile de s’avancer vers une terre si le peuple qui est appelé à l’habiter n’est pas constitué comme tel ! C’est à l’HoReB que le peuple d’Israël voit s’ouvrir l’accès à la Terre promise. C’est à tel point vrai qu’à chaque fois que, dans son histoire, le peuple oubliera la ToRaH, il rendra le culte vain — fût-ce le culte de YHWH, et il perdra sa Terre : YHWH l’enverra en Exil. En revanche, une fois que le peuple aura retrouvé le sens de la ToRaH ; une fois qu’il se sera repris pour revenir intérieurement au VRAI DIEU, pour faire TeShouVaH, en hébreu, YHWH lui ouvrira à nouveau l’accès à la Terre de la Promesse. Donc vous voyez combien le lien est fort entre la ToRaH, dont le Décalogue est le cœur, le CULTE et la Terre ! C’est TOUT CET ENSEMBLE qui constitue proprement l’ALLIANCE, sans jamais oublier que cette PREMIÈRE ALLIANCE prépare son déploiement à tous les hommes que YHWH compte mener sur le chemin de la LIBERTÉ et de la VIE. Donc l’enjeu, à ce moment de l’Exode, est absolument primordial, et redoutable à la fois !

La chose est tellement importante que nous y reviendrons encore un peu dans la prochaine vidéo, avant de passer au ch. 21.

Je vous remercie.



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