Il faut maintenant envisager de construire un Sanctuaire pour permettre à YHWH de demeurer au milieu de son peuple.
Instructions préliminaires.
Transcription du texte de la vidéo : (Voir la vidéo : http://www.bible-tutoriel.com/un-sanctuaire-pour-yhwh.html) Tous droits réservés. Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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LA SAGA DE MOÏSE (44)
25,1-9 Bonjour,
Avec le ch. 24 de l’Exode, on a achevé la partie vraiment fondamentale de la ToRaH, sur laquelle tout le reste va à présent se bâtir. Ça a pris du temps et on a accepté d’être patient, mais je crois que ça en valait la peine. À partir d’Ex 25, la lecture va se faire un peu plus rapide, jusqu’au ch. 32 qui va nous relater le drame du Veau d’Or. Avant d’en arriver là, s’ouvrent sept chapitres sur les prescriptions relatives à la construction du sanctuaire et à ses ministres, pris parmi les fameux Fils de Lévi.
Alors techniquement, littérairement, c’est vrai que le style change. On parle ici d’un style Sacerdotal, qui est la seconde grande classe d’écrits bibliques. Les écrits de style sacerdotal sont très méthodiques, descriptifs, normatifs, alors que les écrits de style deutéronomiste aiment mieux raconter, insérer les prescriptions dans une histoire. Le plus évident, c’est quand on compare l’histoire des rois rapportée dans les livres de Samuel et des Rois, avec les livres des Chroniques : c’est la même histoire, mais rapportée sous deux styles complètement différents. Le style des Chroniques s’attarde sur de longues généalogies, sur les mesures, les directives légales posées sous la lumière de la sainteté… alors que le style Deutéronomiste — on l’appelle comme ça parce que le livre du Deutéronome en est l’exemple type, mais toute l’histoire des Patriarches et les premiers chapitres sur l’histoire de Moïse relèvent du même style deutéronomiste ; ce style, donc, est plus fluide, plus narratif. Il comporte aussi une part législative, mais plus regardé sous un angle prophétique, dans un élan, une dynamique de Salut. Quand il énonce des lois, comme avec le Décalogue, le style deutéronomiste aime donner le sens de ce qu’il énonce ; alors que le style sacerdotal, lui, est plus strictement directif. Un autre exemple : comparez Isaïe et Ézéchiel dans leur vision du Ciel : Isaïe, lui, va raconter les affaires : ça chante, ça fume, ça boit, ça mange etc., alors qu’Ézéchiel, lui, va architecter les dimensions du Temple avec une précision au cordeau posée comme une évidence :
« Voici les dimensions de l’autel en coudées : une coudée de hauteur et une coudée de largeur ; son rebord sur son pourtour : un empan. Voici la hauteur de l’autel : depuis le soubassement jusqu’au socle inférieur : deux coudées, et la largeur : une coudée ; depuis le petit socle jusqu’au grand socle : 4 coudées et la largeur : une coudée, etc. » ( Ez 43,13-14). Voilà : c’est vraiment une description au carré ! Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas de sens, mais ce sens sera surtout dans la signification des chiffres et des nombres utilisés pour les mesures. Alors, sans aller jusque-là, on entre en tout cas, avec le ch. 25 de l’Exode, dans une partie de style sacerdotal, qui va paraître plus aride, mais qui ne manque pas d’être pourtant intéressante. Alors évidemment, ça pose la question : si c’est Moïse qui a écrit la Torah, comment peut-il changer de style ? C’est une vraie question, que je vous traiterai en son temps. On consacrera toute une vidéo sur ce sujet : Qui a écrit la Bible ? En attendant, on va rester sur cette donnée traditionnelle : c’est Moïse qui a reçu la ToRaH, donc, d’une manière ou d’une autre, c’est lui qui écrit.
Ceci admis, il s’agit à partir de maintenant de construire un SANCTUAIRE. Rappelez-vous que la notion de Sanctuaire est première en Égypte ! Les Pharaons n’ont de cesse que d’en construire. Pourquoi ? Parce que le Sanctuaire est le lieu où l’on rencontre la divinité, où on la nourrit, où on l’honore parce que là se joue l’harmonie de l’univers. Rappelez-vous : Pharaon, est vénéré en tant que Grand Prêtre de toute l’Égypte dont soutient le cours de l’histoire, notamment avec le retour des crues du Nil chaque année, avec le secours des dieux. Donc un Pharaon sérieux, c’est un Pharaon qui d’un côté, fait la guerre pour manifester la puissance de l’empire ; mais qui, d’un autre côté, n’oublie pas de construire des Sanctuaires pour gérer les affaires intérieures. Ceci dit, avec le Sanctuaire d’Israël, on sort de tous ces considérations — jamais on ne nous dira par exemple qu’on offre des sacrifices pour nourrir YHWH, ce serait une abomination ! —, mais on garde l’idée que le Sanctuaire est un lieu de rencontre. Maintenant, quelle rencontre ? C’est là où tout prend une autre dimension.
Alors d’abord, pour construire un Sanctuaire correct, il faut des matières nobles. Où Moïse va-t-il les trouver ? Au sein du peuple, dont on se souvient qu’en quittant l’Égypte, ils ont repris les biens précieux qui leur avaient été spoliés par les Égyptiens. C’est dit au ch. 12, v. 35 et 36. Maintenant, on ne va pas tout prendre ! On va faire un prélèvement, c’est-à-dire une sorte d’impôt si vous voulez, mais c’est un prélèvement DU CŒUR, c’est-à-dire qu’on ne l’impose pas. En même temps, on le sollicite fortement : c’est tout de même un commandement de YHWH, qui sonde les reins et les cœurs, comme dit le Psaume. Donc ça ne plaisante pas. Et là, les v. 3 à 7 nous donnent la liste des matériaux précieux nécessaires : cette liste comprend des métaux — remarquez qu’on ne parle pas du fer ; l’âge du fer commence à peine au Moyen Orient à cette époque (je vous rappelle qu’on est dans l’hypothèse d’une chronologie basse, c’est-à-dire vers la fin du XIe siècle avant J.-C.) , donc le fer n’est pas un métal très répandu, contrairement au bronze. On nous parle d’étoffes, qui tirent toutes sur le rouge de la pourpre et de l’écarlate, sans doute en laine. Mais aussi du lin — bon, là c’est plus problématique, parce qu’où trouve-t-on du lin en plein désert du Sinaï ? Voyez ? C’est là de ces petits indices qui font dire que ces textes sont sans doute plus tardifs que Moïse, et font déjà référence aux matériaux utilisés à l’époque du Temple de Jérusalem —, on nous parle de poils tressés d’animaux, de peaux de TaH.aSh — on traduit souvent par dauphin, mais c’est là encore problématique. On y reviendra à propos du v. 14. On nous parle d’onguents, d’encens et de pierres semi-précieuses. Il va donc falloir tresser des tissus, fondre les métaux, donc aménager des fours.
A priori, ça n’est pas un problème si on se souvient que dans le peuple, les Fils de Lévy au minimum sont aguerris aux technologies enseignées dans le Sanctuaire mémorial de Joseph-Aménophis. Et puis dans tout ce peuple, il y avait nécessairement des forgerons.
Ceci dit, construire un sanctuaire en toile n’était pas non plus, en soi, une innovation. On sait que les artisans égyptiens fabriquaient des sanctuaires mobiles en toile depuis très longtemps. En 1925, on en a retrouvé un dans la tombe d’une reine morte 2500 ans avant J.-C. : c’était un châssis de bois recouvert de feuilles d’or et garni de rideaux. On a retrouvé une structure similaire dans le tombeau de TouTaNKhaMôN : un rideau de lin décoré de marguerites de bronze doré représentant le ciel étoilé, protégeait le corps du jeune roi, et une série de 4 tentes démontables s’emboîtaient les unes dans les autres, un peu à la manière de ce qui va être décrit par après dans le récit. Donc vous voyez : même si on révise leur finalité, on garde bien des éléments de l’Égypte. On ne part jamais de rien.
Le v. 8 précise que, grâce à ce Sanctuaire, YHWH pourra résider au milieu de son peuple, littéralement : « dans » le peuple, ce qui dit à la fois « au milieu », mais aussi AU SEIN du peuple, en son cœur si on se rappelle que le peuple forme un CORPS. Donc c’est une présence intérieure, et non pas seulement spatiale. Et c’est très important, parce qu’on a là rien de moins que la première étape de la réalisation du plan de YHWH dès la fondation du monde ! Il y a un très beau texte à ce propos d’un auteur juif, Isaac AVRaVaNeL, qui a vécu au XVe siècle, dans son Commentaire Biblique :
« YHWH voulait souligner qu’Il n’avait pas abandonné la terre en plaçant son trône dans les cieux, loin des hommes. Bien au contraire, Il leur demanda de Lui ériger un Sanctuaire afin que les hommes prennent conscience du fait que le Dieu vivant est parmi eux et que sa Providence s’attache à eux. » C’est très fort, parce qu’AVRaVaNeL exprime un aspect essentiel de la foi : Dieu veut faire Alliance avec l’homme ! Si le péché a signé en son temps, comme le raconte l’histoire d’Adam et Ève, le refus de cette Alliance, ça n’a pas relégué le dessein de Dieu aux oubliettes ! Au contraire : on peut dire que ça n’a fait que stimuler, pour ainsi dire, le génie divin pour parvenir à ses fins, pour que les hommes entrent dans sa Joie. Donc voilà : avec l’érection du Sanctuaire, on a là une étape vraiment importante, qui ne pouvait se vivre qu’après le don du Décalogue qui est là, précisément, pour ouvrir le cœur de l’homme à cette Alliance.
Maintenant, il faut que tout ça se construise sur la base de plans précis, dont le v. 9 nous dit qu’ils procèdent d’une vision de Moïse. Là encore, c’est très important, parce que c’est là où l’on comprend que le Sanctuaire matériel est le reflet, le RAYONNEMENT du Sanctuaire divin ; ce qui fait que la liturgie qui va être célébrée sur terre répond à la liturgie céleste. Ce sanctuaire s’appelle en hébreu le MiShKâN, c’est-à-dire la DEMEURE au sens d’une TENTE. Ce nom désignera aussi le Saint des Saints du Temple de Jérusalem, délimité par un grand rideau qui rappelle le sanctuaire du désert, le lieu où repose la future Arche d’Alliance. Mais en même temps, tout céleste qu’il soit, le texte nous dit que le Sanctuaire divin est aussi une Tente ! Une manière de dire que dans le Ciel, rien n’est figé ! On y marche, avec YHWH au milieu ! Bref, il y a de la vie, une vie tout organisée autour de la liturgie céleste assurée par les anges, mais à laquelle, par le Sanctuaire que Moïse va édifier, les hommes aussi sont appelés à participer. C’est ça, l’Alliance, qu’on retrouvera jusque dans le livre de l’Apocalypse, à la conclusion de toute la Bible , avec un Sanctuaire céleste au sein duquel règne l’Agneau vainqueur, vers qui convergent tous les justes qui ont écouté YHWH en suivant son Christ. Alors de là à penser que ce que voit Moïse, c’est la Jérusalem Céleste, la tradition chrétienne l’évoquera volontiers, mais évidemment, on n’en est pas encore là à ce stade du récit. Quoi qu’il en soit, ce qu’il faut retenir, c’est vraiment ce lien intime qui relie les deux sanctuaires, céleste et terrestre, qui fait que lorsque la liturgie commence dans la Tente terrestre, c’est d’emblée un rayonnement de la liturgie céleste qui brille dans l’histoire des hommes. Pour la première fois, on a au sens fort un SIGNE — un SACREMENT de la rencontre des hommes avec Dieu. Du coup est exprimée là la véritable finalité de la Sortie d’Égypte ; la véritable finalité de la liberté rendue à ce peuple : le culte n’est pas seulement un moyen de rencontrer Dieu : c’est un BUT, c’est-à-dire que Dieu se rencontre dans le CULTE d’abord et avant tout, qui anticipe la rencontre finale, lorsque les temps seront tous accomplis. Si les chrétiens avaient plus conscience de ça, la perspective de la messe dominicale serait bien plus réjouissante !
Voilà. Quoi qu’il en soit, on s’arrête là pour l’instant. Je vous souhaite une bonne lecture de ces quelques versets qui, vous le voyez, sont loin d’être banal.
Je vous remercie.
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