18-02-2016

[Ex] 64 - Les habits du Grand-Prêtre (2)

Exode 28:29-43 par : le père Alain Dumont
Le manteau, le diadème, jusqu'aux... sous-vêtements des prêtres.
Duration:15 minutes 49 secondes
Transcription du texte de la vidéo :

(Voir la vidéo : http://www.bible-tutoriel.com/les-habits-du-grand-pretre-2.html)
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Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,

Nous poursuivons notre lecture du ch. 28 du livre de l’Exode, et notre découverte des habits du Grand-Prêtre, en regardant une autre dimension du Pectoral que le v. 29 appelle le PECTORAL DU JUGEMENT. Alors, pourquoi un tel nom ? Parce qu’on nous dit ici qu’en réalité, le pectoral n’était pas simplement un carré de tissus serti de pierres, mais une POCHE dans laquelle étaient déposés le ‘OuRîM et le TouMMîM, ou plus exactement LES ‘OuRîM et LES TouMMîM, puisque ce sont deux noms au pluriel. Ceci dit, autant l’avouer tout de suite, personne ne sait ce que sont ces objets. ‘OuRîM vient, encore une fois, de la racine ‘OR, mais pas n’importe laquelle, vous vous souvenez. ‘OR, c’est la lumière du premier jour, celle qui rayonne au commencement de la Création, alors même que les luminaires ne sont pas encore en place. C’est une lumière intérieure, une lumière de VIE. Les rabbins aiment dire que c’est la lumière qui se profile lorsqu’un visage devient rayonnant. Donc les ‘OuRîM, ce sont des objets qui ILLUMINENT INTÉRIEUREMENT, pour ainsi dire. Quant aux TouMMîM, ce mot vient de la racine TâMaM qui signifie ÊTRE INTÈGRE, être innocent, voire en hébreu moderne ÊTRE NAÏF. En fait, les ‘OuRîM et les TouMMîM ont à voir avec la DIVINATION, mais sous un angle un peu particulier. Je vous rappelle que les pratiques de divination sont dénoncées comme idolâtres par la ToRaH, pour la raison que les oracles qu’ils délivrent enferment les personnes qui les consultent dans leur destin. Une fois l’oracle prononcé, le destin est scellé. Vous pouvez faire n’importe quoi, ce qui a été prédit va se passer : les Oracles grecs de la Pythie en sont le meilleur exemple tragique. Or si les ‘OuRîM et les TouMMîM pouvaient servir à la consultation de la part des Fils d’Israël, ils ne pouvaient en aucun cas, dans le cadre de l’Alliance, attenter à la liberté. La tradition rabbinique raconte que lorsqu’on venait consulter le Grand Prêtre, certaines lettres gravées sur les pierres s’illuminaient, et le Grand-Prêtre devait les déchiffrer, trouver le mot que ces lettres suggéraient et se prononcer en fonction de son interprétation. Ces textes citent l’exemple de la venue de H.aNNaH, la mère de Shemouèl, au temple de Silo, où était entreposée l’arche avant que David, plus tard, ne la transfère à Jérusalem. Alors qu’elle demande à YHWH de la rendre féconde, auquel cas elle lui consacrera son enfant, la tradition orale nous raconte que le Grand-Prêtre  “ÉLi consulte les OuRîM et les TouMMîM, et que ceux-ci lui livrent quatre lettres : KaPh, SîN, RèSh, Hé, qui peuvent donne KeShaRaH, le féminin du mot KaShèR : comme si H.aNNaH était une femme digne ; ou encore Ké SaRaH, comme SaRaH, la femme de ‘AVRâHâM : H.aNNaH était alors désignée comme la digne descendante de la matriarche. Sauf que “ÉLi se trompe et interprète : ShiKoRaH, désignant H.aNNaH comme une femme ivre. D’où sa réflexion qu’il lui lance à la figure : « Tu es saoule ! Va cuver ton vin ! » C’est en 1Sa 1,19. C’est une manière de dire que les ‘OuRîM et les TouMMîM ne scellaient rien : ils donnaient une indication que le Grand-Prêtre devait donc interpréter, mais sans que cette interprétation ne lie la personne au jugement qui avait été prononcé. En l’occurrence, H.aNNaH lui répondra : « Non, mon maître : je n’ai bu ni vin ni boisson forte ; j’épanche mon âme devant YHWH ! »

Enfin bref. En fait, vous avez diverses interprétations de ce qu’étaient les OuRîM et les TouMMîM, dont il faut bien admettre que personne, en définitive, ne sait ce que c’est. Quoi qu’il en soit, le pectoral contient donc ces instruments qui placent le Grand-Prêtre en position de prophète en Israël, habilité, dans les cas de consultation, à rendre un avis, un jugement éclairé par ces objets saints. Ceci dit, à partir du moment où paraissent les prophètes, les OuRîM et les TouMMîM ne seront plus consultés.

Les v. 31 à 35 nous parlent quant à eux du MANTEAU du Grand-Prêtre, le Me“YL dont nous avons parlé lors de la dernière vidéo. Bon, là, pas de difficulté majeure : C’est une longue robe sans manches, tissée d’azur, donc tirant plutôt sur le bleu, qui s’enfile comme une chasuble, ou comme un poncho, si vous préférez. L'ourlet inférieur était bordé de clochettes d'or alternant avec des glands de lin et de laine en forme de grenades, en azur, pourpre et écarlate. Toujours ce même jeu de couleurs qui font que le Grand-Prêtre ne fait qu’un, en quelque sorte, avec le Sanctuaire qui resplendit des mêmes teintes. Ceci dit, si vous lisez le livre d’Esther, vous retrouverez les mêmes catégories : « Le roi Assuérus […] montra la richesse de la GLOIRE de son royaume et l’honneur de la SPLENDEUR de sa grandeur pendant de nombreux jours. — rappelons-nous quand YHWH demande que Moïse confectionne les habits de ‘AHaRoN, il parle des vêtements de la sainteté « pour une gloire et pour une splendeur. » Ce sont les mêmes termes. — Et […] le roi fit pour tout le peuple qui se trouvait à Suse la citadelle un festin de 7 jours […]. Ce n’était que tentures de lin blanc et d’AZUR, attachées par des cordons de byssus et de POURPRE à des anneaux d’argent et à des colonnes d’albâtre, etc. » (Est 1,2.4-6) On sent bien que les univers sont les mêmes entre le clinquant de la cour Perse et celui de l’habit du Grand-Prêtre. C’est ce qui fait dire aux exégètes que ce texte de l’Exode date probablement de l’époque perse, au VIe siècle avant J.-C. Alors on qualifierait volontiers aujourd’hui un tel étalage de richesses de « bling-bling », que le Moyen-Orient affectionne encore aujourd’hui, y compris pour l’habit du Grand-Prêtre, mais voilà : tout cet étalage de couleurs, de tissus, d’or, de pierres brillantes a du sens, et c’est à ce sens que la ToRaH tente de nous éveiller. Jusqu’à ces fameuses clochettes qui semblent élever le style kitsch au sommet du mauvais goût esthétiquement parlant. Ceci dit, on retrouvera des clochettes jusqu’à aujourd’hui sur les encensoirs orthodoxes par exemple, qu’on entend tinter quand le diacre disparaît aux yeux du peuple derrière l’iconostase, c’est-à-dire le mur couvert d’icônes qui sépare le chœur aux yeux du peuple dans la nef ; ou alors quand la procession s’avance dans l’église : le tintement éveille le peuple à la liturgie qui se déroule. Eh bien ici, c’est un peu pareil. Quand le Grand-Prêtre entre dans le Sanctuaire, les clochettes de son vêtement disent sa présence et son office au nom de son peuple. N’oublions pas que le Grand-Prêtre porte avec lui le péché du peuple — c’est le sens des épaulettes gravées des noms de chaque tribu d’Israël, or le péché est ce qui, en toute justice, conduit à la mort. Seulement il porte aussi le pectoral qui, lui, dit l’unité de ces mêmes tribus fondée sur leur fidélité à YHWH. Donc le Grand-Prêtre est comme enserré entre le péché du peuple et la justice de YHWH ! Du coup, par leur tintement, les clochettes témoignent que le Grand-Prêtre ne meurt pas, comme dit le v. 35, et donc que la miséricorde de YHWH l’emporte sur sa justice, non seulement en faveur du Grand-Prêtre, mais aussi en faveur du peuple dont il est le représentant face à YHWH. Alors peut-être que ces clochettes font un peu kitsch, mais en attendant, elles ont leur importance !

Reste le diadème posé sur le front de ‘AHaRoN, que nous décrivent les v. 36 à 38. Il s’agit d’une lame d’or, littéralement une « fleur d’or », ÇiÇiT désignant la fleur — fixée sur le devant de la coiffe du Grand-Prêtre, et sur laquelle est inscrit, littéralement : QiDèSh LaYHWH, « Saint pour YHWH » ; en se rappelant toujours que ce n’est pas tant le Grand-Prêtre que LE PEUPLE qu’il représente, qui est « Saint pour YHWH ». Et le texte de poursuivre : « ‘AHaRoN portera l’iniquité des choses saintes que sanctifieront les Fils d’Israël, tous leurs dons de saintetés. » (v. 38), à savoir leurs sacrifices. Être Grand-Prêtre est donc loin d’être un privilège : s’il officie, c’est précisément en tant qu’il est responsable, devant YHWH, des péchés du peuple ! Voilà sa couronne… qui deviendra une couronne d’épines en bois de ShiTTîM, en bois d’acacia, pour le Grand-Prêtre de la Nouvelle Alliance qui porte le péché du monde ! Je ne sais pas si vous le sentez, mais le Grand-Prêtre est tout, sauf un homme de pouvoir. Il représente le peuple devant YHWH, à la fois dans ce que ce peuple a de plus fort, à savoir son élection, et dans ce qu’il a de plus fragile, à savoir son péché, c’est-à-dire cette propension à désobéir à YHWH, comme le révélera dramatiquement l’épisode du Veau d’Or que nous verrons dans quelques chapitres. C’est donc un peuple pécheur, bien que néanmoins appelé à la fidélité, que le Grand-Prêtre représente devant YHWH, qui, devant ce signe d’humilité — parce que c’est de ça qu’il s’agit —, agrée les sacrifices. Là, on est complètement sorti du système sacrificiel de l’Égypte, et plus généralement de toutes les religions qui n’offrent des sacrifices que pour amadouer les divinités, alors que là, l’essence du sacrifice dans le culte de Moïse relève d’une confession du péché et d’un appel à la miséricorde en vue de la conversion du cœur. Les deux conceptions sont diamétralement opposées, et les rites chrétiens assument remarquablement cette vision lorsque, se présentant pour l’Eucharistie, ils commencent immanquablement par une confession des péchés de chacun, qui sont par le fait même, les péchés du peuple auquel ils appartiennent. Ce culte devient, au sens fort du terme, un culte de VÉRITÉ.

Bref. La fin du chapitre développe le reste du vêtement, non seulement cette fois du Grand-Prêtre mais de tous les prêtres, à travers les fils d’‘AHaRoN. Ce qui signifie que tous les prêtres, parmi la tribu de Lévy, seront désormais de la lignée d’‘AHaRoN. Tous ne seront pas Grand-Prêtre, mais tous seront prêtres. Les autres familles de lévites seront, eux, au service du Sanctuaire, mais sans caractère sacerdotal. Ceci dit, au niveau du vêtement, le Grand-Prêtre est habillé comme tous les autres, sauf qu’il revêt encore par-dessus le vêtement commun les insignes de sa qualification. Alors : ce vêtement commun est composé d’une tunique de lin tenue par une ceinture, ainsi qu’un turban sur la tête, toujours en lin, donc tirant plutôt sur le blanc. Le v. 41 précise que les prêtres reçoivent une onction, bien que sur ce point, tout ne soit pas très clair. Si vous lisez le passage du livre du Lévitique, ch. 8, v. 12, on nous dit que seul ‘AHaRoN reçoit l’onction, mais Lv 7,36 ou 10,7, pour ne s’en tenir qu’à ceux-là, l’étendent à tous les prêtres. Remarquons que Moïse, lui, n’a pas été oint ! Donc l’onction, au sens restreint de l’onction sacerdotale, signifie une consécration particulière, une destination de toute la personne AU CULTE. Un peu plus loin, au ch. 30, YHWH dira à Moïse la manière de confectionner l'huile, ou le parfum d'onction, dont non seulement les prêtres mais aussi les vases du tabernacle devront être oints, avec différents parfums. L'onction a pour effet d’extraire de l’usage ordinaire, donc pas question, par exemple, d’utiliser des ustensiles consacrés pour la cuisine profane ! Le livre du Lévitique nous décrira le rituel de cette onction. Pour l’instant, seul le principe est donné.

On termine par une curieuse précision : les caleçons, toujours en lin, pour couvrir la nudité. Était-ce pour se distinguer de l’habillement des prêtres égyptiens qui, eux, n’en portaient pas ? J’ai tendance à le penser. En tout cas, le caleçon ne faisait pas partie de l’habit commun des Fils d’Israël, et il revêt donc ici une marque particulière, bien qu’il soit difficile de préciser laquelle. À tout le moins, il était déjà question de couvrir la nudité après le péché originel, donc ce caleçon peut lui aussi signifier, comme le disent de nombreux rabbins, qu’il est un signe d’humilité : le prêtre qui officie dans le Tabernacle est pécheur, jusque dans son intimité. À nouveau, son caractère sacerdotal n’est pas un privilège : il officie pour appeler la miséricorde de YHWH sur lui, toujours au nom du peuple pécheur, ce que confirme le v. 43.

Voilà pour le vêtement des prêtres. Donc maintenant, les instructions pour le Tabernacle sont données, celles pour le vêtement des prêtres qui officient, on va pouvoir lancer les affaires, à commencer par l’institution du sacerdoce. On n’est pas au bout de nos peines, on le verra par la suite. D’ici là, je vous souhaite une bonne lecture de cette seconde partie du ch. 28 du livre de l’Exode.

Je vous remercie.
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