16-09-2016

[Lv] 2 - Sacrifice ou Offrande ?

Levitique 1:1-2 par : le père Alain Dumont
Nous parlons souvent des "sacrifices" de l'Ancien Testament, mais comment la ToRaH comprend-elle ces sacrifices, qu'elle préfère appeler QâRBâN, c'est-à-dire « Offrandes ».
Duration:13 minutes 39 secondes
Transcription du texte de la vidéo :
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Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,

Nous avons essayé la dernière fois de comprendre les fondements de la pensée du livre du Lévitique et on a mis en évidence cette fameuse PENSÉE ANALOGIQUE qui est au soubassement de tout le développement de la ToRaH sous l’angle du rédacteur sacerdotal. Alors je vous rappelle rapidement que cette pensée analogique, c’est l’archétype, ou le modèle à partir duquel se forge tout univers culturel qui, en quelque sorte, façonne les peuples : les Chinois au cours de la longue dynastie Zhou pensent à travers le modèle du corps de l’empereur ; les Égyptiens, pendant 2500 ans pensent à travers la figure du Pharaon ; les Aztèques, quant à eux, pensent tout à travers l’archétype du Soleil, etc. C’est plus que de la mythologie ! C’est le fondement du fonctionnement de la raison qui va développer à partir de là tout un système de pensée mathématique, physique, etc. ! Alors pour vous faire rire, il paraît qu’aujourd’hui certains Chinois — encore eux ! —, qui sont les champions du monde de mathématique, se font toujours damer le pion par les scientifiques israéliens qui raflent semble-t-il tous les prix décernés aux scientifiques dans le monde. Ils se sont donc demandé ce que les Israéliens avaient de plus qu’eux, et ils ont découvert le Talmud ! Du coup, un certain nombre de scientifiques chinois se sont mis à l’étude du talmud ! Pourquoi ? Parce qu’ils ont l’intuition que son UNIVERS ANALOGIQUE est plus efficace que le leur ! Alors ce serait trop long d’en dire plus ici, mais quoi qu’il en soit, la pensée des Fils d’Israël va donc se modeler à partir de l’archétype du MiShKâN, du Sanctuaire ; et n’allons pas croire que la pensée chrétienne échappe à cet univers puisqu’elle est fondée sur l’archétype du Corps du Christ. Or rappelons-nous cette affirmation de Jésus dans l’Évangile de Jean : « Détruisez ce Temple et en trois jours je le rebâtirai… Il parlait du Temple de son corps » C’est en saint Jean au ch. 2. Alors là, soit Jésus est en train d’imaginer une jolie métaphore, soit il s’inscrit fermement dans la pensée analogique de la tradition biblique qui remonte, par le Temple, jusqu’au MiShKâN du désert ! Une pensée analogique dont il faut donc s’imprégner si on ne veut pas passer à côté du sens des paroles du Christ et plus globalement à côté du sens de tout le Nouveau Testament.

Bref. Donc le Lévitique nous initie dans la PENSÉE ANALOGIQUE de la ToRaH organisée sur la base du MiShKâN, du Tabernacle et de la dynamique des Offrandes qui lui est associée. Alors ceci posé, entrons dans cet univers et ouvrons à nouveau le Lévitique pour aller un peu au-delà du seul premier mot, VaYYiQRa‘, qui nous a déjà emmenés assez loin ! Cette convocation jaillit, nous dit le v. 1, depuis la TENTE DE LA RENCONTRE, qui est un autre nom pour désigner le MiShKâN. Et d’emblée, le v. 2 nous parle du QâRBâN, c’est-à-dire de l’OFFRANDE, en l’occurrence l’offrande d’animaux. Le mot QâRBâN est important parce que c’est un terme spécifique à l’écrivain sacerdotal qu’on ne trouve que dans le livre du Lévitique et dans le livre des Nombres. On ne le retrouvera ailleurs que deux fois dans le livre de Néhémie et deux fois dans le livre d’Ézéchiel. Et puis une fois, on le trouvera dans le NT, dans l’Évangile de Marc qui traduit QâRBâN par dôron, en grec, c’est-à-dire DON ou OFFRANDE ? C’est en Marc, ch. 7 v.11.

Étymologiquement, QâRBâN, en hébreu, vient de la racine QâRaV qui signifie APPROCHER ou S’APPROCHER. Du coup, le v. 2 pourrait se traduire par : « Quand un Homme, un ‘âDâM parmi vous fera approcher ce qu’on approche vers YHWH, si c’est du bétail, ce sera du gros ou du petit bétail que vous approcherez. » Donc le QâRBâN, c’est CE QU’ON APPROCHE devant YHWH, mais c’est surtout dans le même temps S’APPROCHER soi-même de YHWH ! Or dans la mesure où YHWH, le premier, s’est approché de son peuple grâce à l’aménagement du MiShKâN dont il fait sa demeure dans la Création, ça signifie qu’à sa manière, le Lévitique met en place les conditions d’une RENCONTRE entre l’Homme, ‘aDâM, et YHWH qui s’approchent en quelque sorte l’un de l’autre !

Et là commence notre INITIATION, dont l’objectif est précisément de RENCONTRER YHWH. Encore une fois, pénétrer dans le parvis du Sanctuaire ne consiste pas à visiter un musée ! Alors regardons les choses profondément : si c’est par le QâRBâN que l’Homme s’approche de YHWH, quel est le lien mystérieux qui les relie l’un à l’autre ? Eh bien ce lien, disent les rabbins, est tout simplement la NATURE ANIMALE qu’ils partagent. Dit autrement, à travers cette offrande, l’homme associe la nature animale de la victime à sa propre nature animale pour la FAIRE APPROCHER de la nature divine et pouvoir être transformé, transfiguré par cette rencontre. Alors pourquoi passer par une pauvre bête ? Mais parce que nul homme ne peut rencontrer YHWH ici-bas sans mourir ! Donc le QâRBâN va permettre à l’Homme de s’approcher de YHWH en s’offrant lui-même sans mourir pour autant. Alors pour l’instant, prenez ça pour argent comptant : on y reviendra. En attendant, comprenons bien que le QâRBâN restaure un CHEMIN D’ÉLÉVATION de l’homme vers YHWH, chemin qu’a brisé le péché puisque le péché, à l’opposé, est ce qui ÉLOIGNE de YHWH, ce qui éloigne de la Source de Vie. Alors la suite du texte nous permettra de préciser tout ça, mais on voit déjà que la dynamique de l’Offrande est toute POSITIVE. C’est une dynamique d’ÉLÉVATION ! Et là par exemple, on comprend mieux ce que veut dire saint Paul quand il écrit que l’ ‘aDâM, tout pécheur qu’il soit, est la figure de ce qui doit advenir en Christ, à savoir précisément cette rencontre devenue improbable à cause du péché, de la nature humaine avec de la nature divine. C’est en Ro 5,14. Vous voyez ? Le CADRE DE PENSÉE DE PAUL, c’est le MiShKâN et la dynamique sacrificielle qui lui est associée qui réenclenche d’une certaine manière le chemin de l’homme vers YHWH.

Bien. Alors passons maintenant au fameux gros et petit bétail au v. 2, c’est-à-dire en gros le bœuf et le mouton. On peut aussi amener une chèvre, mais restons-en au bœuf et au mouton pour faire simple. En fait, nous disent les rabbins, le bœuf et le mouton sont les symboles de deux civilisations, respectivement sédentaire et nomade. Le bœuf est avant tout une bête de somme pour le travail des champs, pour la production. Quant au mouton, c’est l’animal qui fournit la laine pour les vêtements. Or traditionnellement dans la Bible, ces deux civilisations, sédentaire et nomade, s’opposent : pensons à Caïn, le sédentaire cultivateur, et Abel, le berger au ch. 4 de la Genèse. Or les rabbins observent que la civilisation sédentaire est axée sur la production alors que la civilisation nomade elle, à travers la laine, travaille à habiller ce monde, c’est-à-dire, disent-ils, à lui donner une ÂME. Pour eux, cette fameuse nature animale que l’homme fait approcher de YHWH est marquée par ces deux dimensions qu’il va s’agir de réconcilier en lui pour qu’à la fois l’homme sache produire et faire fructifier la création selon le commandement de Gn 1, mais qu’il n’oublie pas pour autant d’habiller cette création de sorte qu’en s’approchant de YHWH, ces deux modes d’être humain, primitivement ennemis, puissent s’harmoniser dans la paix. C’est lorsque ces deux dimensions sont harmonisées en lui que l’homme devient véritablement ‘aDâM, et non plus seulement ‘iSh. ‘iSh, c’est l’homme brut de décoffrage que ‘ÈLoHîM crée au ch. 1 de la Genèse. C’est l’homme qui se contente de son état et qui ne cherche pas à changer : « Je suis comme ça ! Il faut me prendre comme je suis ! », comme on dit. Or l’objectif de YHWH, en créant l’homme en tant que ‘iSh, c’est que ce dernier devienne un ‘aDâM accompli, comme dit saint Paul en Éph 4, v. 13 ; à savoir cet homme qui choisit de s’approcher de YHWH ; qui travaille à UNIR SA NATURE animale à la nature divine de YHWH. Une quête à laquelle YHWH ouvre le chemin du QâRBâN, le chemin de l’Offrande !

Toute l’idée de CONVERSION est là. Non pas seulement au sens où d’immoral, l’homme deviendrait un être moral : pour ça, pas besoin de révélation. Il s’agit d’une CONVERSION au sens où toute l’existence vise à une plénitude au sein de la rencontre de deux être absolument différents, à savoir YHWH et ‘aDâM, tous deux en quête l’un de l’autre. Voilà : ça, c’est le cœur de l’Alliance. Du coup, sous cet aspect, le Lévitique n’est pas sur une autre trajectoire que celle du prophète Osée ou du Cantique des Cantiques : ce que vise le Lévitique, c’est l’UNION NUPTIALE entre l’homme et YHWH, ce dont l’Apocalypse annoncera l’avènement à travers les Noces éternelles de l’Agneau. Voyez : toujours ce lien indispensable entre l’univers analogique de l’AT et celui du Nouveau !

Bon, tout ça est un peu compliqué je l’admets, et croyez-moi, ça n’est pas facile à expliquer en l’espace de seulement quelques minutes. Mais quoi qu’il en soit, le v. 1 prend une dimension vraiment fulgurante : VaYYiQRâ‘ ‘èL-MoShéH VaYeDaBéR YHWH = « Et Il convoqua Moïse en lui parlant ainsi, YHWH » : cette convocation n’ouvre rien de moins avec Moïse que cette voie d’APPROCHE et de RENCONTRE que permet désormais le MiShKâN. Cette convocation préside à tout le livre du Lévitique, et nos frères juifs ont donc éminemment raison de le désigner par ce mot : VaYYiQRâ‘, Et Il convoqua ! Ceci dit, à quoi convoque YHWH ? Mais à cette RENCONTRE qui nécessite de vivre en authentique ‘AdâM, c’est-à-dire habité du désir de s’approcher de YHWH comme on cherche à s’approcher d’une Source pour venir s’y abreuver. Et là, comment ne pas songer aux Psaumes : « J'ai demandé une chose au Seigneur, la seule que je cherche : habiter la maison du Seigneur tous les jours de ma vie pour admirer le Seigneur dans sa beauté et m'attacher à son Temple. » (Ps 27/26,4) Eh bien voyez : ce Psaume ne peut formuler une telle prière que GRÂCE AU LEVITIQUE qui donne à cette requête sa dimension charnelle ; qui vient l’incarner dans le concret des Offrandes.

Alors on verra le sens de ces offrandes la prochaine fois, en allant un peu plus vite je vous le promets, mais je crois qu’il était important de s’arrêter sur ces versets introductifs capitaux pour essayer de comprendre le soubassement analogique qui soutient TOUT ce livre du Lévitique et à travers lui toute la ToRaH, et toute la Bible, NT compris. Je vous laisse à ces considérations en attendant la prochaine vidéo. Je vous remercie. 
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