16-09-2016

[Lv] 3 - Holocauste ou Montée ?

Levitique 1:3-17 par : le père Alain Dumont
D'abord et avant tout : les règles concernant les holocaustes. Mais que se passe-t-il derrière ce mot à la signification si sombre aujourd'hui ?
Duration:15 minutes 31 secondes
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Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,

Nous sommes toujours au premier chapitre du livre du Lévitique par lequel nous sommes maintenant prêts à nous laisser initier pour permettre à cette fameuse pensée analogique de porter ses fruits en nous, quand bien même ces fruits, dirait saint Paul, soient pour nous ceux d’un greffon, puisque nous ne sommes pas Fils d’Israël.

Pour commencer, le ch. 1 va affiner l’idée de QâRBâN, l’idée d’OFFRANDE, en nous parlant dans un premier temps de l’HOLOCAUSTE. Holocauste est un terme qui traduit l’hébreu “oLâH, de la racine “âLâH qui signifie MONTER ou FAIRE MONTER. C’est le verbe par lequel on va dire par exemple qu’on « monte au Temple ». Dans le même sens, la préposition “âL, qui est de même racine, signifie ce qui est AU-DESSUS : donc toujours cette notion d’élévation. par ailleurs, on peut aussi évoquer la racine “OL qui signifie cette fois le JOUG qu’on place SUR les épaules, ce qui donne à penser que l’holocauste est un acte de soumission : on prend sur soi le Joug de YHWH, qui est un Joug de VIE certes, mais une VIE que je ne peux recevoir qu’en Lui donnant TOUT puisque l’holocauste consume l’animal dans son entier. C’est d’ailleurs le sens du terme grec holokaustôma, de holo, entier, et kaiô, allumer, faire brûler, donc HOLOCAUSTE désigne l’Offrande en tant qu’elle est tout entière passée par le feu. Pour notre part, on traduira plus explicitement “oLâH par MONTÉE pour rester au cœur de l’Offrande qui consiste en une élévation, et non en une destruction.

Alors, ceci posé, le ch. 1 distingue trois types de MONTÉES : la MONTÉE de gros bétail (v. 3 à 9) ; la MONTÉE de petit bétail (v. 10 à 13) et la MONTÉE d’oiseau (v. 14 à 17). Il ne s’agit pas de hiérarchie ici : une montée d’oiseau est agréée de la même manière qu’une montée de gros bétail. Ce qui importe, c’est que quand on fait une MONTÉE, on procède toujours de manière spécifique et cela seul, nous dit le texte par trois fois, constitue un parfum apaisant pour YHWH. Alors qu’est-ce que tout ça signifie ?

Ça signifie d’abord que pour entrer dans le sens véritable du QâRBâN, il faut mettre de côté tout ce qu’on peut dire aujourd’hui sur les sacrifices d’une manière purement extérieure, souvent même avec une grosse pointe de mépris devant un acte qu’on qualifie de barbare. En fait, quel est le sens de l’holocauste ? Eh bien, dans le CADRE du MiShKâN — et pas ailleurs ! —, l’holocauste, on l’a dit, est en réalité une MONTÉE ; une montée qui traduit un désir d’élévation pour RENCONTRER YHWH, mais pas n’importe quelle rencontre ! Une RENCONTRE toujours tournée vers la VIE, vers la LIBERTÉ, donc en définitive une rencontre NUPTIALE, féconde que celui qui offre demande à l’animal d’assumer en son nom. Et quand bien même cette assomption passe par l’immolation d’un animal, l’abattage n’est ni anarchique, ni frénétique : il suit au contraire un rituel très précis, cadré, qui retient précisément tout débordement. Il n’est pas sûr, soit dit en passant, qu’une société qui au nom de son émancipation de toutes religions, a fait de l’animal un pur produit de consommation et de profit ait les moyens, de se prémunir de telles dérives. Toujours est-il que le regard biblique sur l’animal qu’on fait approcher est avant tout un regard de reconnaissance pour un chemin qu’il permet d’ouvrir et dont toute la création bénéficiera puisqu’il ne s’agit rien de moins que de l’élévation, de la sublimation pourrait-on dire, de l’Homme au-dessus de sa propre nature animale, et à travers lui il s’agit de l’élévation de toute la création à la rencontre de la nature divine de YHWH.

Alors poursuivons notre lecture. Le v. 3 précise qu’il s’agit d’un mâle sans défaut. On verra qu’à d’autres occasions, on peut sacrifier aussi des génisses ou des brebis, mais si on considère le fait qu’ici, le mâle doive être sans défaut, ça signifie à tout le moins qu’il n’était pas castré. Il ne s’agit donc pas d’un bœuf, mais d’un taureau ou d’un bélier. Le v. 4 précise quant à lui que l’offrant appuie sa main sur la tête de la victime qu’il apporte à l’entrée de la Tente. Il ne s’agit en aucun cas d’un rite par lequel le péché de l’offrant passerait sur l’animal, parce que si c’était le cas, ça rendrait tout bonnement l’animal en question impropre à être offert. Ce geste signifie que la CHAIR de l’offrant est liée à la CHAIR de l’animal qu’on approche de YHWH. La fin du verset est souvent traduit par : « pour lui servir d’expiation », mais le texte hébreu dit simplement : LeKhaPéR “âLâV ; littéralement : « pour le couvrir par-dessus ». Alors certes, le terme est utilisé ailleurs pour parler d’une faute “couverte” au sens de “pardonnée”, mais aussi simplement pour parler de la purification. Et en ce sens, l’imposition des mains a plutôt pour effet de rendre cet animal APTE pour le QâRBâN, non pas au sens où on le « rendrait pur », puisqu’il l’est par nature sans quoi on ne le présenterait pas, mais au sens où, en tant que pur, sans défaut ET en tant que lié nominativement à l’offrant par l’imposition des mains, cet animal se trouve dès lors député au QâRBâN. Dit autrement : le rite de l’imposition des mains a pour effet de conférer un lien CHARNEL entre l’offrant et l’animal qui devient alors apte, dans sa CHAIR, à entraîner la CHAIR de l’offrant en l’élevant avec lui jusque vers YHWH ; une ascension qui rejaillit sur toute la vie du Fils d’Israël, et par lui sur la vie de tout le peuple d’Israël ! Il y a déjà quelque chose de SACRAMENTEL dans tout ça.

Alors maintenant, voyons la répartition des éléments de l’animal, à commencer par le sang dont traite le v. 5. On procède à l’abattage, la SheH.i‘TaH en hébreu, c’est-à-dire un abattage rituel par égorgement opéré par un abatteur professionnel, le ShoH.èT — et là, un prêtre est obligatoirement un ShoH.èT, c’est-à-dire un homme à la main exercée qui ne fasse pas souffrir inutilement l’animal et qui accomplit son office après une prière de bénédiction — ; suite de quoi on recueille le sang qu’on amène auprès de l’autel non pour le “verser” dessus, mais pour l’en ASPERGER, d’un geste vif et fort. Pourquoi ? Eh bien parce que le sang, c’est la vie, comme le dira puissamment le ch. 17 ! Or dans la Bible, “verser” le sang, c’est donner la mort ; donc le « verser » sur l’autel serait contradictoire avec la puissance de vie qu’il est censé recevoir de YHWH et à qui on la rend, puisque la vie Lui appartient. Ce qu’on rend n’est donc pas un sang versé ; on ne tue pas pour YHWH ! Ce qu’on rend, c’est un sang ASPERGÉ vigoureusement pour traduire la vitalité qui est inscrite dans ce sang. C’est un rite spontanément facile à comprendre parce qu’il est profondément CHARNEL ! Et il faut le prendre comme tel, parce que si on commence à tout anatomiser intellectuellement pour le faire rentrer dans des cases purement analytiques, aussi idéologiques que désincarnées ; si on ne fait qu’observer les choses de l’extérieur, de manière soi-disant détachée, on ne fera en fait que projeter sur cet acte tous les fantasmes d’écologie à la petite semaine uniquement motivée par la charge émotionnelle du moment ; on cherchera alors à “déconstruire”, comme on dit, et on perdra tout ce que ce rite a patiemment construit sur le mode CHARNEL depuis des millénaires de manière très efficace en termes de conscience socioreligieuse qui a façonné l’âme de ce peuple et lui a permis de traverser courageusement toutes les affres de l’histoire sans jamais disparaître ! Enfin bref, voilà pour le sang.

Vient ensuite le dépeçage, l’aménagement du feu sur lequel on dépose tout : les quartiers de viande, la tête, les viscères — non sans prendre le temps de nettoyer les intestins et l’entrejambe : on n’offre pas à YHWH les excréments ! On fait fumer le tout et, nous dit-on, l’holocauste est accompli lorsqu’il devient, dit la fin du v. 9, un « parfum apaisant pour YHWH ». Une curieuse expression sur laquelle il faut qu’on s’arrête un peu parce qu’elle est très riche. D’abord, un parfum apaisant… Alors là évidemment, quand on n’y connaît rien, on s’empresse de faire haro sur une soi-disant “colère de Dieu” que les sacrifices auraient la vertu de calmer ! Sauf qu’on nage en plein délire pagano-animiste ! On calomnie YHWH en le faisant passer pour une pure idole fantasmagorique et donc c’est un blasphème parmi les plus graves qui soient ! Où le texte dit-il que YHWH est en colère ? Nulle part ! Tout au contraire, il n’est question que de RENCONTRE, d’ÉLÉVATION, de SUBLIMATION de la nature humaine qui reprend le chemin vers YHWH là où le péché l’en avait éloigné ! Celui qui s’approche pour offrir l’holocauste n’est même pas pécheur au sens où s’il a désobéi volontairement à l’un des commandements du décalogue, parce que si c’était le cas, il ne pourrait tout simplement même pas s’approcher de la Tente. Celui qui s’approche est le Fils d’Israël qui, vivant des commandements, perçoit qu’ils ne sont, dans le fond, que les préliminaires à un projet infiniment profond, infiniment exaltant, infiniment vivifiant qui n’est rien de moins que de vivre de la Rencontre avec YHWH ! Or, font remarquer très justement les rabbins, quand un homme s’approche de sa femme et qu’il sent le parfum de sa peau, un tel homme n’est-il pas apaisé ? Est-ce qu’il a besoin d’avoir été en colère juste avant pour goûter à cette paix ? Et ainsi apaisés, l’un et l’autre ne redoubleront-ils pas d’ardeur dans leur amour mutuel ? Eh bien c’est la même chose ici : en faisant approcher charnellement sa nature animale et en la faisant passer par le feu à travers le QâRBâN, la proximité entre la créature et son créateur, entre l’épouse et l’époux dira plus tard Osée ; cette proximité est source de joie et de paix pour YHWH. Alors certains diront que c’est de l’anthropomorphisme ? Et alors ? YHWH Lui-même emprunte ce langage pour parler à l’homme précisément parce que c’est un langage CHARNEL qu’il comprend facilement ! Et puis c’est surtout un langage où l’on ne peut pas mentir ; c’est un langage VRAI, contrairement au langage des idées qui peut faire dire tout et son contraire ! Quand vous posez de tels gestes, toujours dans le cadre de l’Alliance évidemment ; toujours dans le cadre de cette pensée analogique qui met le MiShKâN au cœur de votre compréhension du monde, vous ne pouvez pas jouer un double jeu pour le pervertir, sans quoi vous vous anéantissez vous-mêmes !

En tout cas, tout ça pour dire que le parfum apaisant du QâRBâN est de même nature que celui que porte la Bien-Aimée du Cantique des Cantiques et qui lui fait chanter : « Qui est celle qui monte du désert comme des colonnes de fumée, odorante de myrrhe et d’encens ? Qu’il est beau ton amour, ma sœur et mon épouse ! Qu’il est beau ton amour, meilleur que le vin et l’odeur de tes parfums vaut mieux que tous les baumes ! » (Ct 3,6 ;4.10) Surtout si on se rappelle que, d’après Ex 30, la fumée du QâRBâN est relayée par l’autel de l’encens, juste devant le rideau de l’Arche, quand bien même le Lévitique n’y fasse guère allusion. En tous les cas, ce qui préside à ces rites, on l’aura compris, c’est vraiment et d’abord ce mouvement de rapprochement de l’ ‘aDaM avec YHWH au cœur du Sanctuaire où il réside, et ça quel que soit l’animal qu’on offre puisqu’on retrouvera le même schéma pour le bélier, du v. 10 au v. 13 ; et pour l’holocauste d’oiseau du v. 14 au v. 17, quand bien même il y ait quelques variantes de l’un à l’autre sur lesquelles il serait trop long de s’attarder dans le cadre de nos vidéos.

Voilà pour quelques éléments de réflexion à propos du ch. 1 du livre du lévitique. Nous verrons la suite la prochaine fois. Je vous mets en document une petite nomenclature des animaux purs et impurs selon la tradition rabbinique, pour ceux que ça intéresse. Je vous remercie.
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