16-09-2016

[Lv] 6 - Les Sacrifices de Paix

Levitique 3:1-17 par : le père Alain Dumont
Si l'Offrande de Montée est importante, le Sacrifice de Paix l'est encore plus, tant il traduit la communion qui s'établit entre YHWH et le Fils d'Israël fidèle.
Duration:14 minutes 41 secondes
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Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,

Nous ouvrons aujourd’hui un chapitre assez court du livre du Lévitique qui concerne cette fois ce qu’on appelle les SACRIFICES DE PAIX, en hébreu ZèVaH. SheLâMîM. Là, on a un mot nouveau différent du QâRBâN, de l’offrande qu’on avait jusqu’à présent : le ch. 3 parle traite du ZèVaH., un terme qui se construit sur la racine ZâVaH. qui signifie immoler, égorger, d’où sacrifier au sens sanglant qu’on entend aujourd’hui. Et dans SheLâMîM, on reconnaît la racine ShaLoM, la paix, d’où la traduction : Sacrifice de paix. C’est un terme qu’on a déjà trouvé plusieurs fois dans le livre de l’Exode.

Formellement, on retrouve la même distinction qu’avec l’holocauste : sacrifice de gros bétail du v. 1 au v. 5 ; sacrifice de petit bétail du v. 6 au v. 16. Cette fois néanmoins, le texte précise qu’on peut offrir un mâle ou une femelle, ce qui n’était pas le cas pour l’holocauste du ch. 1 où l’on n’offrait que des mâles, mais quoi qu’il en soit, l’animal doit être à nouveau sans défaut. On en découvrira la raison un peu plus loin. Pour l’heure, on retrouve les mêmes rites de l’imposition des mains, qui lie charnellement l’animal et celui qui vient l’offrir pour être immolé en son nom à l’intérieur de l’enceinte. On retrouve l’aspersion du sang sur l’autel par le prêtre, le KoHéN en hébreu. Pour le sens de ce geste, je vous renvoie à ce que nous en avons dit à propos du ch. 1. En revanche, je ne crois pas qu’on ait pris le temps d’expliquer le sens du mot KoHéN qu’on traduit en général par le « prêtre » en français : c’est un terme qui signifie littéralement DÉVOUÉ, DÉDIÉ. On pourrait dire « consacré ». André Chouraqui traduit par « desservant », mais on ne peut certainement pas en tout cas traduire par “sacrificateur” comme on trouve dans les traductions protestantes. Alors bien sûr, une de leurs fonctions est d’immoler les animaux, mais on ne peut vraiment pas réduire l’office du KoHéN à ça ! Par ailleurs, c’est en ce sens de CONSACRÉ ou de DESSERVANT que les traditions catholique et orthodoxe ont gardé le mot de « prêtre », le hiéreus en grec, c’est-à-dire celui qui est chargé des hiéra, des choses saintes. Le rôle majeur du prêtre chrétien est d’élever sur les autels l’offrande du Christ à son Père à travers le pain et le vin consacrés, mais il n’est en aucun cas “sacrificateur” ; le prêtre chrétien ne “réitère” pas le sacrifice du Christ pendant l’Eucharistie ! Ce sacrifice a été fait une fois pour toutes par le Christ dans l’offrande totale de sa vie sur la Croix ! Ce qui nous revient, c’est d’un faire MÉMOIRE comme Jésus nous a dit de le faire en présentant cette offrande au Père pour communier à ce sacrifice qui nous sauve. Donc en ce sens, on peut légitimement dire que celui qui officie à l’autel chrétien est « consacré » à ce service dans la ligne du KoHéN lévitique — en faisant évidemment attention à ce qu’on dit, puisque le prêtre chrétien n’est pas Lévite évidemment ! Reste que c’est en revêtant le Christ, et seulement en revêtant le Christ qu’il peut officier ! Le Christ dont l’épître aux Hébreux nous dit qu’il est le Grand-Prêtre du renouvellement de l’Alliance en faveur de tous les hommes.

Toujours est-il qu’ici, l’animal est effectivement immolé par le KoHéN, et voilà qu’on répartit les divers éléments qui composent le corps de l’animal : une part est entièrement passée par le feu, nous disent les v. 3 et 4 : il s’agit de la graisse qui recouvre les viscères qu’on placera PAR-DESSUS L’HOLOCAUSTE. Ce qui veut dire qu’on offre le sacrifice de paix en même temps que les holocaustes, comme pour nous dire que le sacrifice de paix s’inscrit toujours dans le mouvement d’élévation du QâRBâN ! Là encore, on ne vient rien acheter ou négocier avec la divinité ! On signifie qu’on s’approche de YHWH dans un but bien particulier : celui de la PAIX. On y reviendra.

Ceci dit, pour en revenir à la fonction du KoHéN, on attend effectivement de lui qu’il soit ici un boucher compétent qui sache parfaitement découper la bête, ce qui est un vrai métier ! — ce qui ne veut pas dire qu’il est un sacrificateur ! Allez donc dire à votre boucher au coin de la rue qu’il est sacrificateur, vous allez voir ! En tout cas, le moins qu’on puisse dire, c’est que la description est très précise ! La graisse à prélever n’est pas ici « toute » la graisse de l’animal, mais celle qui se trouve au niveau de ses entrailles, au-dessus des intestins, le long du lobe du foie et autour des rognons, c’est-à-dire des reins, nous dit-on très précisément. C’est sûrement important parce qu’on va retrouver ce cadre à plusieurs reprises. Et là, il faut regarder les choses d’un peu près pour comprendre.

D’abord, la graisse dont il est question n’est pas n’importe quelle graisse : H.éLèV, c’est la graisse viscérale. L’autre graisse, musculaire ou sous cutanée répartie ailleurs dans le corps, c’est le mot ShèMèN. Donc le H.éLèV, c’est spécifiquement cette graisse dure et blanche qui protège la cavité viscérale dans laquelle se trouvent les intestins, le foie et les reins… ce que la Bible désigne sous le mot QéRèV, les ENTRAILLES qui sont toujours dans la Bible les organes de la VIGUEUR. Mais ce sont aussi les organes de la PENSÉE liée en particulier aux émotions : ce sont ces organes qui se retournent, qui sont bouleversés et d’où jaillit la miséricorde, la consolation, la tendresse, autant de réalités qui appartiennent aux hommes autant sinon plus qu’à YHWH. Eh oui : YHWH a des entrailles, ce qui signifie que le DIEU de la Bible a une dimension CHARNELLE… Ce qui ne veut pas dire qu’il a un corps, mais Il est CHARNEL ! Ça c’est certainement un des points les plus originaux de la pensée biblique à laquelle les chrétiens devraient être sensibles, parce que du coup, quand saint Jean parle du VERBE, de la MeMRaH de YHWH qui se fait CHAIR, ça n’a rien d’incompatible avec la nature divine dans la mesure où la CHAIR de l’homme qui est précisément ce qui le met le plus en phase, pour ainsi dire, avec le trésor de justice et de miséricorde de YHWH. Enfin bref, on n’en dira pas plus ici parce que ça n’est pas notre objet, mais c’était important de le noter en passant.

Maintenant, revenons au texte et laissons-le encore parler parce que QèRèV, les entrailles, s’avère être un mot de la même racine que QâRBâN : Qof, Resh Bet, sachant que le Bet se prononce soit B, soit V, comme en espagnol. Alors là, tout s’éclaire, parce que si dans le QâRBâN, ce qui importe, c’est d’entrer dans un processus de rapprochement avec YHWH — on a suffisamment insisté sur ce point à propos du ch.1 —, alors dans le ZèVaH. SheLâMîM, le sacrifice de paix, ce qu’on fait approcher de YHWH concerne la partie de l’animal la plus en phase avec Lui, pour ainsi dire, puisqu’il s’agit du H.éLèV, la graisse des entrailles ! C’est par ailleurs ce que dira un grand commentateur de la Torah du 13e siècle du nom de Nahmanide : entrer dans l’enceinte du Tabernacle, c’est comme entrer dans les entrailles de YHWH, de la même manière qu’ouvrir un animal en lui cisaillant la peau, c’est entrer dans ses entrailles de sorte qu’on accède à ce qu’il y a de plus précieux dans l’animal ! Alors attention : à part les rognons, on ne brûle pas les entrailles en elles-mêmes, mais on brûle la graisse qui les protège, comme pour LIBÉRER ces entrailles de ces graisses qui les entourent ! Dit autrement : l’homme qui apporte l’animal lui impose les mains pour se lier à lui ; dès lors, l’opération qui consiste à libérer les entrailles animales de leur graisse propre rejaillit sur l’offrant dont les entrailles sont comme libérées elles-mêmes devant YHWH : il ne peut pas être plus en vérité, plus à nu, donc plus en communion avec YHWH ! C’est d’ailleurs une des traductions que vous trouverez dans vos Bibles à propos du ZèVaH. SheLâMîM : sacrifice de COMMUNION.

Du coup, on comprend mieux pourquoi cette partie de l’animal est interdite à la consommation et doit être brûlée tout entière, par-dessus même l’holocauste que le sacrifice de paix accompagne, parce que si brûler cette graisse est un ACTE DE LIBÉRATION, il ne peut donc revenir qu’à YHWH, le DIEU LIBÉRATEUR ! Si vous voulez, cette graisse, ce H.éLèV est synonyme d’EMPRISONNEMENT des entrailles, d’emprisonnement de la capacité de miséricorde et de compassion ! En termes chrétiens, on parlerait d’un emprisonnement de la capacité de CHARITÉ dont la parabole du riche et du pauvre Lazare fournit le meilleur exemple, c’est en saint Luc au ch. 16. D’où les commentaires rabbiniques sur cette graisse qu’il faut remettre à YHWH comme le signe qu’on se libère d’une installation trop facile dans une vie de rente qui nous rend aveugle à toute compassion ! Ce qui est assez bien observé parce que cette graisse prolifère en général chez les riches, ce qui leur donne entre autres leur embonpoint significatif ! Rappelons-nous saint Paul qui fustige ceux dont le ventre est leur dieu en Phi 3,19 : Ils ont mis leur sécurité dans leur graisse ! Dit autrement : offrir cette graisse spécifique, c’est revenir à la source de la véritable sécurité, une sécurité qui n’est donnée que par YHWH au Fils d’Israël qui obéit viscéralement aux commandements de vie ! Et donc cette offrande, nous dit-on, fait monter dans les narines de YHWH une odeur apaisante, toujours dans le sens de la rencontre nuptiale dont on a parlé à la fin du ch. 1. Donc : brûler ces graisses entièrement, c’est inconditionnellement NE mettre sa confiance QU’en YHWH, s’en remettre à Lui comme une épouse s’en remet à son époux lorsqu’ils se rencontrent en vérité ! C’est donc un véritable sacrifice de paix, un véritable sacrifice de COMMUNION.

Avec tout ça, le texte ne présente plus de difficulté majeure, et surtout manifeste un puissant élan spirituel à travers des actes CHARNELS, c’est-à-dire des actes qui engagent toute la personne à travers l’offrande de ces animaux. On est à l’opposé le plus extrême de toute espèce de carnage sanguinaire comme on aurait tendance à interpréter ces sacrifices quand on les aborde de haut en ignorant tout de leur dynamique interne ; en ignorant tout de cette pensée analogique qui retentit charnellement sur la vie de ce peuple pour lui faire franchir des étapes spirituelles qui façonnent peu à peu en lui la capacité, à terme, de recevoir le Messie et par Lui de pouvoir enfin embarquer l’humanité tout entière dans cette aventure fantastique qui mènera tout le genre humain à la rencontre nuptiale avec YHWH !

Alors pour l’heure, le texte ne décrit que le rite en lui-même : on ne nous dit rien sur ce que le reste de l’animal va devenir : ça viendra plus tard. On reviendra sur ces histoires de disposition du H.éLèV par-dessus l’holocauste, parce que ça nous dit quelque chose d’assez inattendu, mais avant d’envisager cette question, il nous faut lire la suite et à partir du ch. 4, nous laisser conduire par le rituel du sacrifice pour les péchés. On retrouvera les mêmes éléments qui commencent tout doucement à devenir familiers et vous verrez qu’on pourra lire assez rapidement le texte. En attendant, je vous souhaite une bonne lecture du ch. 3 du Livre du livre du Lévitique qui, je l’espère, vous fera goûter charnellement — puisque c’est là son langage —à son message hautement spirituel ! Je vous remercie. 
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