09-10-2016

[Lv] 13 - La consécration des prêtres. Mais qui donc est Moïse ?

Levitique 8:1-36 par : le père Alain Dumont
Moïse instaure le sacerdoce lévitique et commence alors à s'effacer. Pour bien l'inscrire dans notre mémoire, nous revisitons sa figure au cours de cette vidéo.
Duration:21 minutes 25 secondes
Transcription du texte de la vidéo :
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Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article

Document Nostra Ætate à télécharger : nostra-aetate2.pdf
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Bonjour,

Nous entamons aujourd’hui la deuxième partie du livre du Lévitique, à partir du ch. 8 jusqu’au ch. 10 qui nous décrivent l’investiture des prêtres et les tout premiers sacrifices qu’ils offrent. Là, on renoue un cours instant avec le récit qui nous relate la stricte application des directives données par le livre de l’Exode, les ch. 28 à 30.

Alors : les v. 1 à 3 résument les préparatifs : les habits (Ex 28) ; l’huile de l’onction (Ex 29,7 et 30,22-34) ; le taureau du sacrifice pour le péché (Ex 29,2.10 ; Lv 4,3-12) ; les deux béliers (Ex 29,2.15) ; la corbeille des azymes (Ex 29,2-3.23) et la convocation de la COMMUNAUTÉ : alors vous vous rappelez que la Communauté n’est pas seulement le peuple mais un CORPS qui se rassemble à l’entrée de la Tente de la Rencontre, toujours à l’extérieur du parvis évidemment ; un CORPS en tant qu’il TÉMOIGNE, puisque “éDâH signifie par ailleurs le TÉMOIN, de la racine “âDâH qui veut dire « faire passer ». Donc en cet instant si important, le peuple des Fils d’Israël est cette Communauté Témoin chargée de TRANSMETTRE ce qu’elle reçoit, d’une part aux générations qui suivent et d’autre part aux Nations, non pas tant comme une doctrine qu’à travers la SAINTETÉ à laquelle YHWH les convoque charnellement à travers la fidélité au culte qui s’ouvre en ce jour, solennel s’il en est.

Là, j’ai envie de vous laisser lire, parce que vous n’allez pas rencontrer de difficulté particulière. Normalement, tout ce qui est décrit nous est désormais familier, ce qui n’est pas sans procurer une certaine satisfaction : le travail de lecture attentive est payant et on n’est plus perdu dans une sorte de monde parallèle ! Alors maintenant, on peut avoir l’impression d’une redite, mais quand le texte prend le temps de redire les choses, c’est d’une part pour qu’elles s’inscrivent bien dans la mémoire, et d’autre part pour signifier que là, Moïse est dans l’OBÉISSANCE la plus parfaite aux prescriptions qui lui ont été données par YHWH : c’est un signe d’humilité : il ne travaille pas pour lui mais pour les générations à venir et il le sait, donc il importe que tout soit accompli dans l’ordre et méticuleusement. Lisez tout ça en essayant d’imaginer la scène : vous allez voir, c’est non seulement très vivant, mais bouleversant ! On imagine sans peine l’émotion qui devait habiter la communauté à ce moment initial de l’inauguration formelle du sacerdoce, et donc du culte dont je vous rappelle qu’il travaille CHARNELLEMENT ce peuple ; il le travaille aux entrailles !

Alors comme le texte se lit pour ainsi dire tout seul, je voudrais en profiter pour en revenir sur la figure de Moïse avec vous, puisque c’est lui le grand acteur de ce chapitre. Je voudrais essayer de vous faire sentir la grandeur de cette figure absolument unique en son genre pour que vous lisiez vraiment ces lignes sous sa lumière, et en même temps comment Jésus lui-même s’enracine en Moïse.

Remarquons d’abord que Moïse est l’acteur principal de tout ce grand rituel d’inauguration : il habille ‘AHaRoN, il immole et offre l’holocauste, consacre les autels ; il immole et offre les offrandes pour le manquement, pour l’investiture, jusqu’au rite de balancement… Si vous vous souvenez, on a dit qu’en tant que descendant de Lévi, il avait été le Grand administrateur du Sanctuaire mémorial de Joseph Aménophis et que ‘AHaRoN lui, en a vraisemblablement été le Grand-Prêtre. Donc il y a une logique à ce que Moïse l’institue Grand-Prêtre de ce nouveau départ cultuel : Moïse n’est pas en train de faire du népotisme, mais en même temps, on ne part jamais de rien ! Maintenant, il y a ce statut très étrange de Moïse qui là, fait objectivement office de prêtre ! Alors ? Eh bien alors : son statut est UNIQUE, comme le sera celui du Christ Jésus. De par la volonté de YHWH, Moïse est ici plus que le Grand-Prêtre puisqu’il institue le Grand-Prêtre… On pourrait dire en hébreu qu’il est KoHéN KoHaNîM, LE prêtre par excellence, par essence, en amont du sacerdoce lévitique. Il est celui par qui s’opère une forme de continuité, puisque les fils de Lévi reçoivent ici la récompense de leur fidélité à la tradition de Joseph Aménophis ; mais il est celui aussi par qui s’opère en même temps une rupture irréversible : ce n’est plus seulement le Dieu de Joseph, donc des patriarches, que servent les lévites, mais celui de Moïse : le Dieu Libérateur. Moïse dont le charisme unique fait de lui une figure unique, liée au MiShKâN du désert, donc immémorial au sens où le désert constitue le socle de la Mémoire d’Israël. Raison pour laquelle d’ailleurs Moïse n’entrera pas en Terre Promise. La chose n’est en rien une punition : c’est la condition de la perpétuité du culte et du sacerdoce qu’il instaure. S’il entre en Terre Promise, ça signifie que quand la Terre sera perdue, Moïse sera perdu ! Moïse restera donc au désert, parce que le désert, lui, ne disparaîtra jamais de la mémoire des Fils d’Israël. Moïse est la figure fondatrice, mythique, inaltérable en qui le sacerdoce du Temple restera enraciné pour toujours.

Vous voyez, c’est sous cet angle inaugurateur que le Nouveau Testament fait le lien entre Moïse et Jésus. Non au sens où Jésus institue une nouvelle religion, mais au sens où, SUR LA BASE du culte de la sainteté institué PAR MOÏSE, le Christ Grand-Prêtre RENOUVELLE cette alliance PERPÉTUELLE en la déployant pour toutes les nations. Et ce faisant, il ACCOMPLIT, il mène à son sommet en s’appuyant sur la ToRaH dont il ne retire pas même un seul YoD — le YoD n’est pas seulement la plus petite lettre de l’alphabet : c’est la lettre à partir de laquelle s’écrit CHAQUE LETTRE DE L’ALPHABET HÉBREU ! Retirez le YoD et la ToRaH devient illisible ! — Bref : Jésus mène à son sommet la mission de la “éDâH, la COMMUNAUTÉ d’Israël dont il est un des fils ! Donc Jésus se reçoit pleinement et irréductiblement de Moïse et de l’institution perpétuelle qui lui est attachée — on ne peut pas séparer les deux ! ; et dans le même mouvement, la Communauté, la “éDâH chrétienne se reçoit de la Communauté d’Israël et de son élection perpétuelle dont elle étend le rayonnement au sein de toutes les nations de la terre ! Ça, voyez, c’est un des fruits les plus essentiels du Concile Vatican II qui a scellé définitivement dans la tradition de l’Église ce lien irréductible, irréformable avec Israël comme cet Olivier Franc sur lequel est greffée la vie, la CHAIR chrétienne : « L’Église du Christ, en effet, reconnaît que les prémices de sa foi et de son élection se trouvent, selon le mystère divin du salut, chez les patriarches, Moïse et les prophètes. Elle confesse que tous les fidèles du Christ, fils d’Abraham selon la foi [Ga 3,7], sont inclus dans la vocation de ce patriarche, et que le salut de l’Église est mystérieusement préfiguré dans la sortie du peuple élu hors de la terre de servitude. C’est pourquoi l’Église ne peut oublier qu’elle a reçu la révélation de l’Ancien Testament par ce peuple avec lequel Dieu, dans sa miséricorde indicible, a daigné conclure l’antique Alliance, et qu’elle se nourrit de la racine de l’olivier franc sur lequel ont été greffés les rameaux de l’olivier sauvage que sont les Gentils [Rm 11,17-24]. L’Église croit, en effet, que le Christ, notre paix, a réconcilié les Juifs et les Gentils par sa croix et en lui-même, des deux, a fait un seul [Éph 2,14-16]. » C’est au n. 4 de la Déclaration Nostra Ætate. Et un peu plus loin, on lit : « selon l’Apôtre, les Juifs restent encore, à cause de leurs pères, très chers à Dieu, dont les dons et l’appel sont sans repentance [Rm 11,28-29]En outre, l’Église, qui réprouve toutes les persécutions contre tous les hommes, quels qu’ils soient, ne pouvant oublier le patrimoine qu’elle a en commun avec les Juifs, et poussée, non pas par des motifs politiques, mais par la charité religieuse de l’Évangile, déplore les haines, les persécutions et les manifestations d’antisémitisme, qui, quels que soient leur époque et leurs auteurs, ont été dirigées contre les Juifs. » Ce texte est essentiel ; je vous le mets en document téléchargeable.

Alors pour en revenir au texte du Lévitique, l’institution des prêtres dure donc 7 jours, toujours d’après Ex 29, v. 35. Vous pourriez d’ailleurs aller relire l’ensemble du ch. 29 de l’Exode : normalement, même chose : tout nous est désormais familier ! Et c’est là, qu’il faut revisiter intimement la figure de Moïse : rappelons-nous au début de l’Exode, au ch. 7, YHWH dit à Moïse : « Je t’établis comme ‘ÈLoHîM pour Pharaon, et ton frère, ‘aHaRoN, sera ton prophète ! » c’est au v. 1. Donc vraiment, comme on l’a déjà dit, Moïse est plus qu’un prêtre ! Plus que le Grand-Prêtre, et plus qu’un prophète, vous vous rendez compte ? YHWH parlera aux prophètes en visions ou en songe, mais à Moïse, Il parle Bouche à bouche, dit le livre des Nombres au ch. 12 au v. 8 : on est là au plus charnel de l’amitié, là où les souffles se rencontrent : le souffle de YHWH et le souffle de ‘âDâM. Moïse, dira Nb 12, v. 7, est le ‘aMâN de YHWH, le Amen de YHWH = la vérité même de YHWH qui transparaît ! Et on comprend alors que le peuple croit d’un seul tenant en YHWH et en Moïse son serviteur, comme le disait formidablement Ex 14,32 juste après la traversée de la Mer des Roseaux : les deux sont indissociables. YHWH lui parle bouche-à-bouche et non pas en énigme, et Moïse contemple l’Image de YHWH… Je n’invente rien : je cite toujours le livre des Nombres, ch. 12. Donc quand Moïse parle, c’est YHWH qui parle ; quand Moïse fait, c’est YHWH qui fait. Alors vous pensez bien que, quand il parvient sur l’autre rive et que la mer se referme, le peuple s’est interrogé devant tant de puissance : « Qui est donc cet homme pour que le vent et la mer lui obéissent ? » C’est la question des disciples concernant Jésus juste après la tempête apaisée, mais c’est avant eux celle du peuple sauvé d’Égypte… Vous voyez comment Moïse et Jésus se répondent ? Se correspondent, devrait-on dire au plus fort du terme ! Et là, il faut évoquer Saint Paul qui dit de Jésus, en s’appuyant sur la figure de Moïse : « Pour ce qui concerne toutes les promesses de DIEU, c’est en Jésus Christ qu’est le OUI ; c’est pourquoi encore l’AMEN par Lui est prononcé par nous à la gloire de DIEU ! » (2Co 1,20) Et plus encore Jean, dans l’Apocalypse : « Voici ce que dit l’AMEN, le témoin véritable, le commencement de la Création de DIEU ! » (Ap 3,14) Moïse est avant ‘AHaRoN et Jésus vient après ‘AHaRoN, pour donner à l’histoire son inclusion, c’est-à-dire son accomplissement ! Ce que visait Moïse, c’était Jésus, mais PAS SANS LE CHEMIN DE ‘AHaRoN ; pas sans le chemin du CULTE de sainteté !

Alors continuons : on se souvient qu’à travers le visage de Moïse, on pouvait voir la Gloire de YHWH quand il retirait la toile de dessus son visage, et Jésus, une fois, dévoile sa Face sur la montagne en compagnie de… Moïse, avant qu’on ne le voie à nouveau seul, voilant à nouveau cette Gloire du Père qui l’habitait.

Toujours au livre des Nombres, harassé par la foule qui a faim, Moïse dira à YHWH : « Si on ramassait pour eux tous les poissons de la mer, en aurait-il assez ? » (Nb 11,22), et c’est Jésus qu’en pareille circonstance, les apôtres interrogent semblablement, en Jn 6,5 à 9. D’ailleurs, Jésus posera la question : « Qui a donné la manne ? Moïse ou YHWH ? » (Jn 6,31) Quand Jésus multipliera les pains, les gens se plaindront que le signe ne vienne pas du ciel, à quoi Jésus réponde que LUI vient du ciel ! Cela voulait-il dire que YHWH était indissociable de Jésus comme il l’était de Moïse ? Or Jésus avait dit juste avant : « Si vous croyiez en Moïse, vous croiriez en moi. » (Jn 5,46) Alors ça ne veut pas dire que Jésus est le « nouveau Moïse », parce qu’il n’y a qu’un seul Moïse. Mais Jésus confirme la figure de Moïse, il confirme la ToRaH, il ne l’abolit pas : il lui donne de porter son fruit le plus savoureux, le plus inattendu, le « fruit de la Passion », si vous me permettez ce jeu de mots, qui est en même temps le fruit de la Résurrection, de l’accomplissement inimaginable de tout ce que la ToRaH a porté depuis ce moment où Moïse institue le sacerdoce lévitique ; un sacerdoce qui permettra au peuple élu de s’élever vers YHWH à la suite de Moïse et au fil de 1000 ans d’histoire de préparer la venue d’un prophète « comme Moïse », c’est au ch. 18 du Deutéronome, aux v. 15 et 18. Voilà : Jésus est COMME Moïse, mais riche de tout ce que la ToRaH aura porté à travers le culte de la sainteté pour ouvrir le chemin des Noces entre YHWH et ‘aDâM, l’homme véritable tel que le projet de YHWH l’avait conçu dès la fondation du Monde. « Je ne suis pas venu abolir mais accomplir ! » Accomplir quoi ? Sinon ce qui est en train de se mettre en place là, au cœur du livre du Lévitique, par Moïse ? C’est ce qui fait que derrière Jésus, il y a partout Moïse ! Aucun nom propre de l’Ancien Testament ne figure plus souvent dans le Nouveau Testament.

Par ailleurs la tradition orale juive dit que Moïse, sur le Sinaï, a contemplé le Temple : non seulement le Temple de Salomon, mais le Temple éternel ; il a vu l’accomplissement de ce qu’il était chargé de faire germer : non seulement faire sortir le peuple d’Égypte — ça c’est ce qu’on retient habituellement, mais c’est trop peu ! Il y a aussi et surtout semer dans le cœur de ce peuple le désir quotidien de s’élever vers YHWH ! Génération après génération ! Une élévation qui trouvera son accomplissement dans l’ascension du Christ auprès du Père, et cela aussi, selon la tradition chrétienne, Moïse l’a vu. C’est ce que nous dit à sa manière l’épisode de la Transfiguration dont on vient de parler, et dont d’ailleurs nous avions déjà parlé à propos de la fin du ch. 34 de l’Exode. Pour ne rien dire de l’Apocalypse qui, aux ch. 21 et 22, si on prolonge la tradition juive dans la tradition chrétienne, ne décrit rien de moins que la vision de Moïse sur le Sinaï ! Ce qui veut dire que Moïse a contemplé l’Agneau qui est LE SANCTUAIRE de la Nouvelle Jérusalem ! Vous pourriez aussi aller relire ces deux chapitres avant de lire le ch. 8 du Lévitique pour en saisir tous les enjeux…

Donc voilà : Moïse est à l’origine de tout le culte lévitique, celui qui l’institue, une figure comme on n’en rencontre qu’une dans toute l’histoire humaine… Mais est-ce Moïse ou est-ce YHWH qui fait tout cela ? L’un et l’autre sont-ils dissociables ? Et ne prépare-t-il pas sous cet angle l’avènement de Jésus en qui le Verbe en Personne et la CHAIR de l’‘âDâM sont intrinsèquement unis ? Je vous laisse sur cette question qui pourra animer toute votre lecture de ce chapitre grandiose. On ne nous explicite évidemment pas tout ce que j’ai pu développer avec vous, mais tout y est inscrit CHARNELLEMENT ! Si vous entrez dans ces lignes par la chair, vous ne serez pas déçus. Si vous n’y entrez que par l’intellect, il ne vous livrera pas grand-chose, tout au plus quelques éléments de culture religieuse… Une petite note pour finir concernant les v. 10 à 12 : si vous avez assisté à la consécration d’une église ou d’un autel, c’est exactement les mêmes rites que l’évêque pose avec le saint-chrême qu’on verse avec abondance, notamment pour oindre l’autel. Là aussi, là encore, c’est du CHARNEL !

Je vous souhaite une bonne lecture. Nous verrons la suite la prochaine fois. Je vous remercie. 
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