05-11-2016

[Lv] 18 - Des animaux purs et impurs

Levitique 11:1-23 par : le père Alain Dumont
Vous allez enfin comprendre pourquoi le porc (entre autres) est un animal impur au regard de la ToRaH ! Et puis ce passage nous pose la question de notre rapport à l'obéissance, ce qui n'est pas non plus sans intérêt.
Une petite confusion s'est glissée dans la vidéo entre le Chameau et le Dromadaire... Le Dromadaire — ou "Chameau d'Arabie — n'a bien qu'une seule bosse alors que le Chameau — le "Chameau de Bactriane” — en a deux, et ne vit d'ailleurs qu'en Asie... On est peu de choses...
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Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,

Nous ouvrons aujourd’hui le ch. 11 du livre du Lévitique, et encore une fois, de manière tout à fait inattendue pour des chrétiens, c’est un ch. qui va s’avérer essentiel ! Dans la logique du texte, rien de vraiment surprenant : le ch. 10 a introduit la notion de séparation entre l’impur et entre le pur, c’était au v. 10, on en a longuement parlé. La distinction étant posée, toute la partie des ch. 11 à 16 va s’en emparer, à commencer par les lois alimentaires domestiques.

Alors pour qu’on soit bien d’accord : en ce qui concerne la vie du Sanctuaire qu’on a vu dans la première et la deuxième partie, celle-ci concerne la SANCTIFICATION, c’est-à-dire l’élévation vers YHWH par la présentation des Offrandes. Pour des chrétiens, la notion de sanctification n’est pas différente : c’est par l’Offrande du Christ que ceux qui ont revêtu le Christ se laissent saisir par son élévation. Et c’est cette élévation, que nous célébrons en chaque eucharistie, qui rejaillit sur notre manière d’habiter le monde. Je le répète : la sanctification chrétienne ne consiste pas à adopter des valeurs morales, mais à s’unir à l’Offrande du Christ sur la Croix, une Offrande qui rassemble en elle toutes celles que Moïse a mises en place dans les ch. 1 à 7 et qui ne seraient rien, je vous le rappelle, si elles ne se greffaient elles-mêmes sur la fête de la Pâque dont elles sont, pour ainsi dire, le déploiement.

Donc déjà, redisons-le, la SAINTETÉ ne recoupe pas la simple notion de « sacré » qu’on retrouve dans les autres religions, Islam compris. Par ailleurs, notre chapitre nous apprend que cette SAINTETÉ se prépare par une discipline ascétique qui, pour ce qui lui revient, travaille la séparation entre l’impur et le pur. Or ce travail s’opère avant tout EN DEHORS du Sanctuaire. Aussi à l’intérieur, mais d’abord à l’extérieur et concerne en particulier la nourriture, non pas en elle-même mais en tant qu’elle est la matière de ce qui doit être MANGÉ, c’est-à-dire ÉLEVÉ. Manger, pour un juif pratiquant, c’est élever la Création, encore aujourd’hui ! Et c’est rester intimement, charnellement, en lien avec les Offrandes du MiShKâN qui demeurent en tant qu’institution perpétuelle ! Là où le Fils d’Israël poursuit sa mission d’élévation, c’est par le repas ! S’il ne peut pas manger de porc, par exemple, ça n’est pas que le porc soit impur au sens où ce serait souillé en soi comme dans l’Islam ! Le v. 8 est très clair à ce propos : « Ils seront impurs POUR VOUS », au sens où MANGER du porc ne permet aucune élévation dans le cadre de l’Alliance. Cet interdit s’inscrit donc par essence dans la vocation d’Israël à élever la création jusqu’à YHWH, ce pour quoi il a été élu et ce qui fait de lui un signe parmi les nations.

Or n’oublions pas que cette discipline du pur et de l’impur a constitué la colonne vertébrale de la vie et du témoignage du Christ ! Et si nous, en tant que pagano chrétiens, nous ne sommes pas soumis à ces lois, à ces MiTsVoT, elles sont pourtant essentielles à connaître pour au moins deux raisons : d’une part au sens où, sans elles, le Christ n’aurait tout simplement pas pu être manifesté ; et d’autre part au sens où, même si nous n’y sommes pas soumis, il serait fort imprudent pour nous de rejeter toute discipline alimentaire, non pas simplement en termes de jeûne ou de privation, mais en termes d’ASSOMPTION de ce que nous mangeons ! Je vais dire une grosse bêtise, mais est-ce que les chrétiens n’auraient pas intérêt à reconnaître impure la malbouffe ? Celle qui est sacrifiée sur les autels de l’idole souveraine aujourd’hui : l’idole de la finance ; un sacrifice qui n’élève rien au demeurant, mais au contraire rabaisse tout au rang de l’utilitaire, de l’esclavagisme, les hommes autant que les animaux et les végétaux ? Est-ce que nous ne pourrions pas prendre à notre compte cette perspective du MANGER au sens d’ÉLEVER plutôt que de l’assimiler au simple fait d’INGURGITER, de CONSOMMER ? Dans le fond, toutes ces prescriptions ne disent qu’une seule chose : l’homme n’est homme que lorsqu’il ÉLÈVE ce dont il se nourrit, sans quoi il n’est qu’un parasite ! Un parasite d’autant plus dangereux pour la création qu’il est évolué !

Bien ! Maintenant, toute cette discipline ne se décrète pas non plus en un jour. C’est un travail de longue haleine qui commence avec Moïse ; un travail séculaire, millénaire… À transmettre de génération en génération pour amener peu à peu un peuple ENTIER à s’élever, c’est-à-dire à abandonner volontairement la bestialité : l’homme remis à sa seule spontanéité, à ses seules pulsions dirait Freud, et qui s’abaisse ainsi EN DESSOUS de son animalité. Et donc pour ça, il faut structurer la vie de ce peuple et passer pour ça par des INTERDITS dont les raisons peuvent échapper mais dont la pratique porte ses fruits. Ce qui ne dispense pas d’essayer de comprendre malgré tout.

Ainsi, quand YHWH dit, au v. 2 : « Voici les bêtes que vous mangerez parmi tout animal qui est sur la terre », on comprend à présent qu’Il dit en substance : « Voici les bêtes aptes au mouvement d’élévation ». C’est déjà un premier acquis. La suite est plus subtile, puisqu’au v. 3, YHWH précise : « Tout animal au sabot fendu et qui rumine. » Pourquoi ce critère ? Alors grâce à ce qu’on a déjà vu, sur la base de la pensée analogique du MiShKâN et de son culte, on peut discerner une logique : d’abord le fait de ruminer exclut tout animal carnivore au sens où celui-ci verse nécessairement le sang pour se nourrir : donc aucun félin, ni rapace, ni chien ni renard, etc. Mais l’exigence de la rumination exclut aussi de la pureté les omnivores comme le cochon qui mange sans discernement. Alors celui-là est l’objet des pires haros dans la mesure où c’est l’animal hypocrite par excellence : il a les sabots fendus et mange de la verdure, alors il pourrait faire croire qu’il est pur, sauf qu’il mange aussi de la chair et du sang, et ça : ça ne pardonne pas ! C’est le loup au milieu de la bergerie ! Le symbole par excellence de l’idolâtre qui mange à tous les râteliers ! Ceci pour la rumination.

Maintenant, pourquoi le sabot d’un animal pur doit-il être fendu ? Eh bien si vous regardez bien, vous verrez que tous les animaux à sabots fendus sont pacifiques, ce que ne sont pas les équidés par exemple qui, eux, peuvent servir à la guerre et dont le cheval est l’éponyme. Alors ok, l’âne à la guerre, ça n’est peut-être pas le plus performant, pas plus que le zèbre, mais en tant qu’équidés, donc assimilables au cheval, ils sont impurs ! Ce qui ne veut pas dire qu’on ne peut pas les toucher ou les enfourcher, mais en tout état de cause, on ne peut ni les offrir ni les MANGER parce qu’ils sont inaptes à toute élévation. Ceci dit, parmi tous les animaux ruminant au sabot fendu, les moutons, les chèvres et les bovins sont à leur tour des éponymes pour la seule raison qu’ils sont les plus accessibles. Les autres, ma foi, il faudrait les chasser, ce qui est moins évident !

Alors on peut se demander pourquoi le texte s’arrête spécifiquement au v. 4 sur le GgâMâL, le chameau qui rumine, certes, mais n’a pas le sabot fourchu, ce qui est une évidence puisqu’il n’a pas de sabot du tout ; puis les v. 5 et 6 s’attardent sur le ShâPhâN et la ‘aRNèVèT qu’on traduit d’habitude le Daman et le Lièvre, y compris en hébreu moderne. Alors à la limite, on pourrait dire que le lièvre rumine, dans la mesure où son estomac, effectivement, possède un appendice où les végétaux mastiqués sont transformés par des bactéries en petites boulettes noires protéinées, récupérées et avalées durant la nuit. Mais le daman, quant à lui, ne rumine pas du tout ! et quoi qu’il en soit, comme pour le chameau, ni le lièvre ni le daman n’ont de sabot. Alors pourquoi les nommer spécifiquement ? Ici, les théories fusent : certaines enseignent que la ‘aRNèVèT serait en réalité le dromadaire — à deux bosses — tandis que le ShâPhâN serait une sorte de Lama… Pourquoi pas ? Mais force est de constater en définitive que personne ne sait à quels animaux fait allusion le Lévitique. Peut-être des ruminants plus ou moins familiers à l’époque mais disparus depuis ? En 3000 ans d’histoire, ça n’est pas impossible.

Bref. Concernant les animaux aquatiques à présent, à partir du v. 9, seuls sont purs les animaux à nageoires et à écailles. Donc exit les batraciens ou les reptiles — alors qu’ils sont tout à fait consommables et même très bons —, et exit aussi les crustacés : on ne peut pas être juif pratiquant et s’offrir des plateaux de fruits de mer ; non pas au sens où ce serait répugnant mais au sens où il s’agit tout simplement d’une véritable ASCÈSE, et comme toute ascèse qui touche au corps, la vigilance de l’âme s’en trouve renforcée de sorte que l’esprit est plus à même de s’approcher de YHWH. Ne cherchons pas d’argument scientifique ou diététique ; ne tombons pas non plus à l’inverse dans les raccourcis qui exaltent la soumission aveugle à YHWH façon coran. La vérité est que l’ascèse maintient l’esprit en éveil. Et si vous vous surprenez à tenter d’expliquer les vertus gustatives de la langouste ou des huîtres à un Juif… quelque part, vous jouerez à être face à lui le serpent de la Genèse « Mais si ! Vas-y ! Si c’est bon à manger, pourquoi aurait-on le droit de te l’interdire ? » Résultat : s’il est faible, il goûtera, il trouvera ça bon, relativisera le commandement de YHWH, se fera lui-même le seul critère du bien et du mal — comprenez : ce qui LUI fait du bien et ce qui LUI fait du mal, un hédonisme qu’il étendra rapidement à l’universel : ce qui LUI fait du bien sera censé faire du bien à tous, ce qui LUI fait du mal sera censé faire du mal à tous. Sa vigilance tombera et comme l’homme ne peut jamais transgresser un interdit sans devoir ipso facto se justifier, la justification qui s’imposera sera nécessairement qu’il n’a plus besoin de la religion pour être ce qu’il a envie d’être et bénéficier de ce qui LUI fait du bien ! Ça y est, la boucle est bouclée : « Vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal ! », c’est-à-dire décidant par vous-mêmes ce qui est bien et ce qui est mal. Ce qui consiste à réduire le monde à soi et pour soi ; suite de quoi il adorera LE DIEU DE LA RAISON PURE, l’idéologie qui se fait l’ennemie jurée du DIEU de la ToRaH qui, Lui, est fondamentalement CHARNEL au sens où le chemin qu’Il ouvre de la liberté authentique se vérifie dans la CHAIR. Une adoration qui le conduira à la mort, si tant est que river la liberté à la raison pure, proclamer son indépendance revient tout simplement à scier la branche sur laquelle on est assis en étant persuadé que c’est le tronc qui va se casser la figure…

Bref. Tout ça pour dire que dans ces versets se joue quelque chose de vraiment essentiel, y compris pour nous chrétiens : le rapport à l’OBÉISSANCE. On reste donc dans le droit fil du ch. 10 qui a précisément introduit pathétiquement cette question ! La ToRaH dit : ces animaux aquatiques sont interdits, sans justifier. Du coup, selon le rapport qu’on a vis-à-vis de YHWH, soit on obéit, soit on fait ses valises ! Voyez : avec ces interdits, on est vraiment sur le fil du rasoir, là où ‘aDaM décide s’il mangera ou non du fruit de l’arbre de la connaissance du bien ou du mal ! Or c’est là qu’Israël joue précisément sa SAINTETÉ : là où les nations contestent et jalousent la préséance de YHWH — ce que raconte l’histoire de la Tour de Babel, YHWH donne à Israël d’être un signe parmi elles, en convoquant son peuple à faire le choix de l’obéissance, à être saint au milieu des nations, pour vivre l’Alliance qui le conduira à la rencontre nuptiale promise. Le but de toutes ces prescriptions n’est donc nullement de maltraiter Israël, mais de guider l’‘ADâM sur le chemin de la SAINTETÉ, de l’aider à renouer avec la LIBERTÉ qui caractérise la vraie VIE ! Vous voyez jusqu’où nous conduit le livre du Lévitique ? Et tout ce que je vous raconte trouvera sa confirmation à la fin du ch. 11 lorsque YHWH dira pour la première fois : « Soyez Saints car Moi, je suis SAINT ! »

Ceci dit, on constate que les animaux aquatiques sans nageoire et sans écaille ne sont pas qualifiés de TaMé‘, impur, mais de ShèQèTs, qu’on traduit par IMMONDE, non pas au sens de répugnant mais au sens où on les rejette purement et simplement. Ils ne sont pas impurs au sens où ils ne rendent pas impurs : ils sont juste interdits !!! Ce qui est aussi valable pour les oiseaux et bestioles volantes que traite la suite du chapitre. Alors d’une part, concernant les oiseaux, on remarque qu’il s’agit principalement d’oiseaux de proie, donc d’une manière ou d’une autre, qui versent à nouveau le sang ; même la mouette qui est capable de jouer le rôle de charognard. En revanche, pas de problème pour le canard ou le poulet dont les fils d’Israël ont fait leur plat commun. D’autre part, concernant le SsèRèTs du v. 20, là, c’est un peu plus compliqué. SsèRèTs est parfois traduit par insecte, mais en réalité, c’est la bestiole ; SsèRèTs Hâ“OPh, c’est la bestiole qui vole. Et le texte précise : « toute bestiole volante qui marche à quatre pattes » !!! Déjà ça limite le champ d’investigation, parce que des bêtes à quatre pattes qui volent, il n’y en a pas des masses. Cela dit, SsèRèTs est bâti sur la racine SsâRaTs qui signifie foisonner, grouiller, et là, on a peut-être un indice, parce que des bestioles volantes à quatre pattes qui grouillent, ça peut à tout le moins désigner les chauves-souris ! Nos anciens étaient suffisamment observateurs pour savoir que les insectes avaient 6 pattes, donc on oublie la traduction de SeèRèTs par insecte. Ceci dit, la sauterelle est tout de même classée dans cette catégorie dans la mesure ses pattes postérieures sont tellement difformes par rapport aux pattes antérieures qu’elles peuvent laisser croire que l’animal n’en a que 4. En tout cas la question a dû se poser puisqu’elle est traitée ici ! Maintenant, pourquoi seules 4 espèces de sauterelles sur les 9 connues à cette époque sont-elles permises ? Difficile à dire : aujourd’hui encore, certaines espèces sont dédaignées par les Arabes nomades qui les consomment. Donc c’est qu’il y a une raison.

Alors on s’arrête là pour aujourd’hui, mais prenons vraiment le temps de lire ces versets dans l’esprit qu’on a essayé d’introduire, et vous allez voir : même si nous ne sommes pas appelés à suivre ces préceptes en tant que paganochrétien, ce passage ne manquera pas de nous interroger sur notre rapport à l’obéissance vis-à-vis du Père, vis-à-vis du Christ Jésus comme vis-à-vis de l’Église. Et peut-être, qui sait, cela nous amènera-t-il à nous interroger sur notre disposition à la SAINTETÉ ; sur le travail de différenciation auquel nous sommes prêts, dont le lieu n’est pas le simple débat d’idées mais l’ascèse CHARNELLE que nous décidons de pratiquer ou non dans cette optique de sanctification. Pourquoi je la pratique, pourquoi je ne la pratique pas ? Et faisons attention aux arguments que nous nous présenterons parce qu’ils nous diront rapidement si nous sommes ou non sur le chemin de la sainteté, c’est-à-dire de la différentiation ou de l’indifférenciation vis-à-vis des nations pour être dans ce monde de vrais SIGNES du Christ. C’est un bon test. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse : il y a simplement un positionnement clair par lequel se définit la liberté en Christ à laquelle nous aspirons.

Quoi qu’il en soit, je vous souhaite une bonne lecture. Nous terminerons le chapitre la prochaine fois. Je vous remercie. 
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