20-11-2016

[Lv] 33 - Les Rencontres annuelles (1)

Levitique 23:1-22 par : le père Alain Dumont
Quand les fêtes rythment l'histoire d'un peuple.
Duration:16 minutes 3 secondes
Transcription du texte de la vidéo :
(Voir la vidéo : http://www.bible-tutoriel.com/les-rencontres-annuelles-1.html)
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Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,

Nous ouvrons aujourd’hui le ch. 23 du livre du Lévitique qui s’adresse cette fois à tous les Fils d’Israël, toujours par la médiation de Moïse. Le vocabulaire change : on y parle du MO“éD, de la Rencontre, non plus seulement au sens du ‘oHèL MO“éD, la Tente de la Rencontre comme on l’a vu jusqu’à présent, mais au sens de la Rencontre de tout le peuple avec HaShèM — ce que les Bibles traduisent souvent par « solennité », ce qui est vraiment dommage parce qu’on passe à côté de la dynamique propre du Lévitique : ce qui était jusque-là dévolu à Moïse puis aux prêtres, à savoir entrer dans la Tente de la Rencontre qu’est le MiShKâN, est maintenant offert à TOUT le peuple ! Et tout cela en perspective de LA Rencontre promise qui n’est autre que la Rencontre Nuptiale avec HaShèM. Donc traduire MO“éD par « solennité », c’est d’une certaine manière réduire cette dynamique à un statut cérémoniel, formel pour ne pas dire pompeux, alors que l’idée n’est pas du tout là ! Le MO“éD, c’est la fête qui célèbre les prémices de la Rencontre de HaShèM avec son peuple ; c’est un moment d’éternité dans la durée de l’histoire ; c’est un mémorial de la bonté de HaShèM pour son peuple en même temps que de son exigence envers lui, pour le mener jusqu’au bout de sa vocation de peuple élu à la face des nations. Le MO“éD, c’est à tout le moins tout ça, donc bien plus qu’un simple cérémonial façon parade du 14 juillet.

On y parle de MiQeRâ‘, l’assignation, de la racine QâRâ‘ qui signifie assigner comme au début du ch. 9 quand on nous dit que Moïse assigne ‘aHaRoN à entrer dans sa fonction sacerdotale. Donc on pourrait traduire le v. 2 ainsi : « Parle aux fils d’Israël en disant : “les Rencontres de HaShèM auxquelles vous les assignerez sont des assignations saintes !” » Et d’une certaine manière on peut dire que ce chapitre, après tous les autres qui nous ont introduits dans l’ESPACE du Sanctuaire, le ch. 23, lui, nous introduit dans le TEMPS affilié au Sanctuaire. Un temps rythmé, cadré, bien à l’image du rédacteur lévitique qui aime que les choses soient en ordre !

Alors on n’est pas surpris par le v. 3 qui nous parle, avant toute chose, du ShaBaT. Donc la première MiQeRa‘ QoDèSh, la première assignation sainte est HEBDOMADAIRE et n’est pas affilié, pour le coup, à tel ou tel lieu. Partout résonne cette assignation primordiale sans laquelle toutes les autres assignations annuelles sont vidées de leur sens. C’est exactement comme pour les chrétiens qui ne viennent aux rassemblements qu’à Noël ou à Pâques : le sens de ces fêtes leur échappe complètement pour n’être plus réduit qu’à une manifestation folklorique que les générations qui suivent abandonneront rapidement ; alors que pour celui qui célèbre fidèlement chaque dimanche, ces fêtes, ces rencontres annuelles revêtent évidemment une tout autre dimension. Ici, c’est la même chose ! On remarque ici que le commandement du ShaBaT n’est plus motivé, ni par la création, ni par la libération d’Égypte, mais ce dernier thème ne disparaît pas tout à fait néanmoins puisqu’on le retrouvera au cœur des rencontres qui vont suivre.

Ceci posé, vient la première assignation annuelle, non pas selon la chronologie des mois de l’année mais par ordre d’importance. On commence donc par PèSaH., la Pâque, intimement associée à la semaine des Azymes qui suit et qui lui est comme enchâssée. Le premier mois est celui de NiSâN, vers mars-avril, appelé jadis le mois de ‘aViV, le mois des épis. La fête est célébrée du crépuscule à la tombée de la nuit, immédiatement suivie de la semaine des Azymes, des MaTsOT — MaTsOT est le pluriel de MaTsaH. On n’y revient pas : on a suffisamment traité la question à propos du ch. 12 du livre de l’Exode. Que ces journées ne soient accompagnées d’aucun travail d’esclave dit bien le lien intrinsèque qui les rattache à la libération d’Égypte où précisément les Fils d’Israël étaient asservis, comme le répétait à l’envi le début de l’Exode. Or précisément, si l’assignation est SAINTE, À PART, c’est parce qu’elle est tout entière habitée par la LIBERTÉ ! N’oublions jamais que SAINTETÉ rime avec LIBERTÉ ; et toute la mise à part d’Israël est là pour manifester le CADRE de cette LIBERTÉ. Un feu restera constamment devant HaShèM pour les OFFRANDES sans que soient précisés lesquelles.

Vient ensuite la fête de l’offrande de la première gerbe des moissons, du v. 9 au v. 14. On est donc vraiment dans une législation qui anticipe l’installation dans la Terre de la Promesse. Cette fête s’inscrit dans le droit fil de la Pâque et des Azymes dans la mesure où le mois de NiSâN est celui où les épis commencent tout simplement à mûrir, en particulier pour l’orge. Elle est célébrée au cours du ShaBaT qui suit la Pâque. Je vous livre ici un commentaire rabbinique qui dit bien le sens de ce geste : « HaShèM nous a ordonné d’accomplir une MiTsVaH — c’est-à-dire une œuvre méritoire — avec les prémices afin que nous prenions conscience du fait que tout Lui appartient et que l’homme ne possède en ce monde que ce que HaShèM nous accorde. L’homme s’en rendra compte en offrant à HaShèM ces prémices qui sont ses fruits les plus chers et pour lesquels il a œuvré et consacré ses efforts de longue date. Pourtant, aussitôt venus au monde, il s’en dessaisit et les remet au Créateur. » (Élie Munk, La Voix de la ToRaH, comm. sur Ex 13,2). On a déjà rencontré le balancement dont parle le v. 12, entre autres lors de l’institution des prêtres par Moïse. Un balancement de haut en bas et de droite à gauche, dont Rachi explique qu’il exprime que cette offrande est faite à Celui a qui appartiennent les 4 points cardinaux. Donc par cet acte, l’homme manifeste qu’il n’est pas lui-même le Créateur et le dispensateur de ces produits de la terre, mais que c’est bien HaShèM qui bénit le sol et qui accorde ses fruits. Et quelque part, l’articulation avec la fête de PeSaH. — la fête de la Pâque — est assez belle : commémorer la libération d’Égypte ne consiste pas à simplement se souvenir d’un événement du passé comme les Français, par exemple, se souviennent de la prise de la Bastille le 14 juillet sans que ça change quoi que ce soit dans leur vie ; sans même qu’il y ait le moindre mouvement de gratitude pour ce qui semble avoir fait la France d’aujourd’hui, ce qui est symptomatique d’une histoire dont la France n’ose pas être si fière que ça… On sort les élites de leur placard pour les faire parader et les feux pour les faire pétarader, aussi artificiels les uns que les autres. Ça distrait superficiellement la populace, mais ça n’a rien à voir avec la commémoration de la sortie d’Égypte par Israël lors de la Rencontre — la Solennité de PeSaH. ! On prend conscience que cette terre poursuit, en quelque sorte, le travail de libération qui, d’extérieur, est devenu INTÉRIEUR. Ce qui féconde cette terre, d’une certaine manière, est moins l’abondance naturelle des pluies dans le Nord que la force d’un peuple qui inscrit charnellement la liberté dont il bénéficie dans sa capacité à faire fleurir LE DÉSERT ! Toujours cette dynamique de VIE, stigmatisée par le PASSAGE, devenu possible avec HaShèM, de la Mort à la VIE dont le premier moment, et non des moindres, est la sortie, ou la MONTÉE d’Égypte comme le formulait si justement le v. 45 du ch. 11 du Lévitique. Voilà PeSaH., associée à l’offrande des premières gerbes, qui est donc la commémoration du premier moment de cette MONTÉE, de cette ÉLÉVATION dont les Offrandes du MiShKâN inscrivent le mouvement dans le quotidien du peuple des Fils d’Israël. Cette fête des premières gerbes est donc une fête de gratitude qui s’inscrit le lendemain du Shabbat de la semaine des Azymes, autrement dit un dimanche, ce qui ne peut pas laisser des chrétiens indifférents. C’est encore une autre dimension associée à la résurrection, ce passage de la mort à la vie où sont offertes au Père, non plus seulement les prémices de la récolte mais celles de cette nouvelle humanité dont le Christ est le Premier-né, « Premier-né d’entre les morts » dira saint Paul dans sa lettre aux Colossiens, ch. 1 v. 18. Ce qui est d’autant plus fort que cette gerbe, dit le v. 13 de notre ch. 23 du Lévitique, va permettre de confectionner l’oblation — rappelons-nous le ch. 2 — qui accompagne l’holocauste, comme pour relancer toutes les oblations qui suivront jusqu’à la prochaine Pâque. Or qu’est-ce que le pain eucharistique sinon, d’un point de vue chrétien, le lancement, pour ainsi dire, d’une oblation nouvelle fondée, entée sur le sacrifice unique du Christ qui ouvre cette fois, non pas tant une nouvelle année qu’une nouvelle ère ? D’autant plus, à nouveau, que cette fois, cette oblation est accompagnée d’une libation de vin, à la fin du même verset. Alors encore une fois, je ne dis pas que le dernier repas du Christ n’a pas été un repas pascal, mais il ne s’y réduit pas plus que PeSaH. ne se réduirait elle-même au repas qui lui est associé : c’est beaucoup plus large ! PeSaH. relance chaque année l’ensemble de la dynamique d’élévation dont le MiShKâN est porteur, ce que la Pâque du Christ fait à son tour lorsque survient la Résurrection, le relèvement du Christ en qui tous les sacrifices de l’Ancienne Alliance sont accomplis, Lui qui est le Nouveau Temple de DIEU.

Toujours est-il, pour en rester au Lévitique, que ces fêtes rythment l’histoire, ce qui est essentiel ; on ne peut pas faire que fonctionner. Donc on interrompt, on fait mémoire, et on reprend. C’est le seul moyen de rester LIBRE, de donner du sens à ce qu’on vit et de bâtir le TEMPS qui accompagne et garde unies chaque génération les unes aux autres ! Voilà l’Histoire avec un grand H, qui n’a rien à voir avec du journalisme des temps passés. Je ne dis pas que faire des enquêtes sur le passé n’est pas important ; je dis simplement que ce n’est pas ce qui façonne l’Histoire d’un peuple, ce qui façonne sa CHAIR et réunit les générations entre elles. La preuve en est qu’aujourd’hui où l’historien s’assimile à un enquêteur, les populations contemporaines ne se perçoivent plus en lieu avec celles qui les ont précédées, et ça, c’est le symptôme grave d’un chaos en train de gagner une société qui n’en a plus que le nom, et donc de sa mort programmée. Et là, évidemment, les chrétiens ont un rôle éminent à jouer pour déjouer l’emprise de ce chaos en se ressaisissant de l’Histoire pour la transmettre et en célébrer les moments clefs, ensemble, et Dieu merci, c’est ce à quoi veille l’Église au Nom du Christ.

Bref. À partir du v. 15 s’ouvre ce qu’on traduit en français par la PENTECÔTE, à savoir une fête célébrée 7 semaines plus tard, plus précisément le 50e jour qui suit le Shabbat des gerbes : c’est la fête, en hébreu, de ShaVOu“OT, d’après Ex 34, v. 22 ; le pluriel de ShâVOu“a qui signifie « semaine ». La date chrétienne de la Pentecôte suit d’ailleurs ce précepte : on compte bien 50 jours à partir du lendemain du ShaBaT de Pâque qui, pour nous, est le jour de la Résurrection du Christ Jésus. Toujours est-il que ce jour-là, les Fils d’Israël offrent à nouveau une Oblation végétale, un QâRBâN MiNH.âH qui marque la fin des moissons. Là, le texte ne pose pas de difficulté majeure, le contexte nous est maintenant familier, sauf que… en soi, on ne voit pas très bien en quoi cette fête vient s’inscrire dans le calendrier des Fils d’Israël : on ne voit pas de rapport entre cette fête et la libération d’Égypte, alors que c’est assez évident pour PeSaH., pour le YoM KiPPOuR, pour SouKKoT, etc. Sauf que les rabbins vont faire le décompte et faire le lien entre cette fête et le jour où HaShèM a donné sa ToRaH sur le Mont HoReV, au début du 3e mois après la sortie d’Égypte. Et comme ShâVOu“a est de même racine que  SheVOu“aH qui signifie SERMENT en hébreu, on célèbre le SERMENT de l’Alliance que HaShèM a conclu avec les Fils d’Israël ce jour-là. C’est ce qui fait que ShaVOu“OT est une fête majeure puisque c’est un des trois pèlerinages, ShaLOSh RéGaLîM en hébreu, avec Pessa‘H qu’on vient de voir et SouKKoT qu’on va voir dans quelques versets. Alors du point de vue rituel, on retrouve le Sacrifice de Paix, les Offrandes pour les manquements, l’Holocauste… c’est-à-dire tout un ensemble qui exprime le sentiment d’adoration, de repentir et d’action de grâce qui habite l’âme du peuple des Fils d’Israël.

Alors tout à coup on a le v. 22 qui reprend ce qui a déjà été prescrit au ch. 19, v. 9. C’est un peu surprenant, mais c’est sans doute pour rappeler que si la relation à HaShèM est première, la relation à l’autre, et en particulier au plus pauvre, n’est pas moins importante. C’est ce que dira en son temps HiLLeL en associant le plus grand des commandements tiré du Deutéronome au ch. 6 : « Tu aimeras HaShèM, ton ‘ÈLoHîM de tout ton cœur, de toute ta NèPhèSh et de toute ta force », à celui du Lévitique au ch. 19 : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. ». Jésus reprendra mot pour mot cette association, mais déjà, à sa manière, le Lévitique les articule et les rend indissociables.

Voilà pour cette première partie du ch. 23 du livre du Lévitique ; ça fait déjà pas mal d’informations. Nous verrons le second ensemble la prochaine fois qui nous entraînera vers d’autres fêtes. Je vous souhaite une bonne lecture de ces versets 1 à 22, en essayant d’entrer dans l’esprit qui habite toutes ces prescriptions rituelles où le Temps se bâtit pour unir les générations en une seule Histoire d’élévation, depuis la Montée d’Égypte jusqu’à a la Délivrance Finale. Je vous remercie.
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