20-11-2016

[Lv] 38 - Bénédictions et Malédictions

Levitique 26:1-46 par : le père Alain Dumont
Toute Alliance dans l'Antiquité comporte in fine une série de Bénédictions et de Malédictions.
Énumérant ces Bénédictions et Malédictions, le ch. 26 du Lévitique présente donc l'ensemble du livre comme un vaste CONTRAT D'ALLIANCE. Ce qui ne manque pas d'intérêt !
Duration:17 minutes 36 secondes
Transcription du texte de la vidéo :
(Voir la vidéo : http://www.bible-tutoriel.com/benedictions-et-maledictions.html)
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Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,

Nous entamons dans cette vidéo l’avant dernier chapitre du Lévitique qui va conclure le livre par une série de bénédictions et de malédictions : bénédictions pour ceux qui écoutent, malédictions pour ceux qui refusent d’écouter. Au terme de tout cet ensemble, à Israël de choisir en toute connaissance de cause. Et ça n’est pas si évident ! Ça n’est pas parce que vous dites à un enfant : « Choisis de travailler et tu en récolteras les fruits plus tard » qu’il va choisir de travailler, certains parents en savent quelque chose ! Et c’est d’ailleurs là que se pose l’une des plus mystérieuses questions de l’univers : comme l’homme fait-il, en connaissant les conséquences, pour se fourrer dans des guêpiers invraisemblables alors même qu’il connaît les conséquences de ses actes ? Nous savons très bien que si nous continuons à gaspiller les ressources mondiales au rythme actuel, il ne faudra plus attendre longtemps avant que ne survienne la catastrophe ! Oui, mais non ! Pour l’instant ça tient encore, alors on verra après ! Quand tout se sera effondré, on avisera ! Dit comme ça, ça paraît dément, et pourtant…

Tout ça pour vous dire que ce ch. 26 n’est pas autre chose qu’un appel à la sagesse, comme on en trouvera un, à nouveau, à la fin du Deutéronome au ch. 30 : « Vois, je mets devant toi le bonheur et le malheur, la vie et la mort, choisis la vie ! » Et HaShèM ne choisira pas à la place d’Israël ! Ce qui lui importe n’est pas d’avoir des esclaves à son service, mais des fils LIBRES ! LIBRES, c’est-à-dire SAINTS. J’aime bien personnellement cette vision du MiDRaSh TaNH.ouMaH qui fait ce petit récit pour expliquer ce que représente en définitive la ToRaH : C’est comme un homme qui tombe du pont d’un bateau dans la mer. Le capitaine lui lance alors une corde et lui dit : « Accroche-toi bien ! Ne lâche pas ! Si tu lâches, tu perdras la vie. » Eh bien : la ToRaH, c’est la corde de vie, ou la ligne de vie si on préfère du peuple juif. S’il s’y accroche fidèlement, les Fils d’Israël vivront ; s’ils l’abandonnent et l’ignorent, ils périront. Du coup, les bénédictions comme les malédictions sont remises au choix qu’ils font de tenir ou de lâcher cette ligne. Mieux que ça : ils sont OBLIGÉS de choisir ! Ils sont obligés d’être libres, et ça n’est pas le moindre des paradoxes que de comprendre que, du point de vue de HaShèM, l’homme n’est pas libre d’être libre !!!

Donc voilà. Après avoir décliné sur tous les tons ce qui constitue le chemin de la sainteté, le chemin d’une liberté CHARNELLE qui permette la rencontre avec HaShèM, il restait à convoquer le peuple sur ce chemin. C’est l’objet du ch. 26 qui en donne à nouveau le CADRE : si tu marches sur ce chemin, qui s’enfonce dans la profondeur mystérieuse de ce cadre, tu vivras et tu seras béni. Si tu refuses de marcher sur ce chemin et donc si tu sors du cadre, comme IL N’Y A PAS D’AUTRE CHEMIN, tu subiras les conséquences de ton choix, mais tu ne pourras pas invoquer le fait que tu ne savais pas. Tu SAVAIS, mais tu n’y CROYAIS pas… C’est toujours la même chose : sur tous les paquets de cigarette est écrit : « Fumer tue ». Tout le monde le sait, mais les fumeurs n’y croient pas.

Donc en définitive, ce ch. 26, en convoquant l’homme à la liberté le convoque dans le même temps à la FOI ! Et là, nous voilà revenus à Abraham : « LèKh LeKha ! Va vers toi ! », c’est-à-dire : mets en œuvre ta LIBERTÉ dans la foi en HaShèM qui t’y appelle. Qu’est-ce que vous voulez : il n’y a PAS DE LIBERTÉ SANS LA FOI ! Crier sur tous les toits : « Je suis libre, je ne veux ni dieu ni maître » est juste impossible ! Tous ceux qui vivent sans foi finissent aigris et révoltés ! Alors il y a bien ceux qui disent : « J’ai foi en l’homme ! », sauf que l’homme en question est un pur fantasme ; il n’existe pas, donc je ne peux pas le suivre. C’est une IDÉE de l’homme, sauf que l’homme n’est pas une idée : l’homme, c’est du CHARNEL, et il a besoin de SUIVRE QUELQU’UN pour DEVENIR QUELQU’UN. Et HaShèM le sait plus que quiconque, qui nous a créés : raison pour laquelle il donne à son peuple la figure de Moïse qui marche sur le chemin de HaShèM : n’oublions pas que Moïse est FILS DE LÉVI, donc le livre du Lévitique se présente comme le dévoilement de l’âme, de la NèPhèSh de Moïse. Résultat : 3000 ans plus tard, il demeure cet homme, cet ADAM qui reste dans la mémoire du monde comme celui qui en a bouleversé l’histoire en ouvrant le chemin du Salut, de la LIBÉRATION. Mais c’est PAR LA FOI, dira l’épître aux Hébreux ; par l’épreuve de la FOI qui mène à la joie lorsqu’on la traverse, et à la tristesse, au néant, lorsqu’on décide de sortir du cadre et de n’avoir foi qu’en soi.

Bien. Alors le chapitre commence au v. 1 par un développement du premier article du Décalogue, mais d’un point de vue concret : il n’y a qu’un seul DIEU qu’on ne représente pas. Toute représentation en statue ou sur des stèles n’est que NÉANT. Un Fils d’Israël est celui qui s’attache à sanctifier le TEMPS par la célébration hebdomadaire du ShaBaT, c’est au v. 2, pour ainsi converger vers le seul espace saint qui vaille : le MiShKâN, le Sanctuaire, là où HaShèM a fait sa demeure pour permettre la Rencontre de Vie. Ceci posé, l’horizon est donné, le chemin peut s’ouvrir.

Les v. 3 à 12 donnent alors une série de 5 BÉNÉDICTIONS concrètes : prolifération des récoltes, un pays en paix, fécondité des générations,  le renouvellement des produits de la terre et la présence perpétuelle de HaShèM au milieu de son peuple. Rappelons-nous que le chiffre 5 accompagne souvent les signes de l’agir de HaShèM, 5 comme les 5 doigts de la main. Et si HaShèM promet ces bénédictions, ça n’est pas parce qu’Il présente un programme politique pour des élections : c’est parce qu’elles sont les conséquences logiques d’une action concrète où Il s’est engagé définitivement et inconditionnellement en faveur de son peuple pour l’amener à la LIBERTÉ, ce que rappelle le v. 13 : HaShèM est celui qui a brisé les barres du joug de l’Égypte pour que son peuple marche la tête haute ! Ça, c’est un vrai chef, avec un vrai projet, et non pas une propagande méprisable comme on nous en rebat les oreilles de la part de dirigeants qui, refusant toute soumission à Dieu, s’empressent de prendre sa place pour se pavaner pathétiquement en se croyant devenus les maîtres du monde et échapper aux lois qu’ils instaurent pour les autres qu’ils considèrent comme les faibles. C’est la loi du plus fort ! Hegel parlera, lui, de la dialectique du maître et de l’esclave dont fort heureusement la ToRaH nous sauve.

Donc HaShèM bénit. Reste que ces bénédictions sont conditionnelles : « Si vous marchez selon mes H.ouQoT, mes décrets ; si vous gardez mes MiTsVOT, mes commandements et si vous les faites… » alors viendront les bénédictions. Mais voilà que celles-ci sont immédiatement suivies par 5 MALÉDICTIONS, tout autant conditionnelles à partir du v. 14 où va revenir comme un refrain : « Et si vous n’écoutez pas et si vous ne faites pas toutes ces MiTsVOT — ces commandements —, si vous rejetez mes H.ouQOT — mes décrets —, si votre NèPhèSh — votre âme — répugne à mes MiShPâTîM — mes jugements — pour ne pas faire toutes mes MiTsVOT, pour rompre mon Alliance… » alors viendront les malédictions, à savoir la perte de la souveraineté sur la terre, la perte de la fécondité de la terre, la perte des richesses, la famine et la peste, l’épée et la déportation, c’est-à-dire l’Exil. On retrouvera pratiquement la même chose à la fin du Deutéronome, au ch. 30, toujours lui, du v. 15 au v. 18 : « Vois ! J’ai donné en face de toi aujourd’hui la vie et le bien, la mort et le mal. Moi, je t’ordonne aujourd’hui d’aimer HaShèM ton ‘ÈLoHîM, de marcher dans ses chemins, de garder ses MiTsVoT, ses commandements, ses H.ouQoT, ses décrets, ses MiShPâTiM, ses jugements. Vis et multiplie : HaShèM ton ‘ÈLoHîM te bénit dans la terre où tu viens pour en prendre possession. » Et la suite : « Mais si ton cœur se détourne et que tu n’écoutes pas, si tu te laisses égarer, si tu te prosternes devant d’autres ‘ÈLoHîM et si tu les sers : je vous le déclare aujourd’hui : pour périr, vous périrez ! Vous ne prolongerez pas les jours sur le sol qu’en traversant le Jourdain tu accostes pour en prendre possession. » (Dt 30,17-18).

Alors qu’est-ce que c’est que ces bénédictions et ces malédictions ? Elles appartiennent à ce qu’on appelle communément le procès de l’ALLIANCE. C’est un thème avant tout prophétique, mais il appartient aussi à la vision du Lévitique, ce qui n’est pas pour nous surprendre, puisque nous savons maintenant que le Lévitique et les Prophètes sont complètement de mèche, pour ainsi dire. D’une part, le principe des bénédictions – malédictions est bien connu dans le Moyen-Orient, en particulier dans les serments et les traités internationaux du 3e et du 2e millénaire avant J.-C. Dit rapidement, sous forme conditionnelle, bénédictions et malédictions sont promises au vassal suivant qu’il observera ou non les stipulations promulguées dans les traités. Par les bénédictions, le suzerain assure le vassal fidèle de sa protection indéfectible. Quant aux malédictions, toujours développées avec toute l’ampleur et les couleurs nécessaires pour marquer les esprits, elles signifient la déposition du vassal félon, quand ce n’est pas la destruction pure et simple de son royaume. Dit autrement, les malédictions arrêtent le cours de l’histoire quand les bénédictions, elles, le perpétuent. C’est à peu près ce qu’on a ici, au ch. 26 du Lévitique et qu’on retrouvera plus développé encore dans le Deutéronome, sachant néanmoins que l’Alliance biblique va beaucoup plus profondément et beaucoup plus loin que les traités politiques purement humains. D’abord, HaShèM sonde les reins et les cœurs, ce qui veut dire qu’Il ne demande pas seulement l’observance mais l’ÉCOUTE et donc l’OBÉISSANCE du cœur. Je vous rappelle qu’écouter et obéir, que ce soit en hébreu, en grec ou en latin, sont respectivement construits sur les mêmes racines. C’est cette OBÉISSANCE qui conditionne les bénédictions, non au sens où elles les mériteraient, mais au sens où l’obéissance seule permet de les RECEVOIR, alors même qu’elles sont déjà données, fût-ce en promesse. VOILÀ : tout est donné, mais TOUT RESTE À RECEVOIR. Du coup, les malédictions sont tout les conséquences d’une fermeture, d’un REFUS du don. Et c’est sans doute là la plus grande différence avec les contrats d’alliance de l’ancien Orient : refuser d’obéir arrêtait tout simplement l’histoire du roi rebelle et de son peuple, qui étaient rayés de l’existence. Dans l’Alliance avec HaShèM, les malédictions ne signent pas l’arrêt de l’histoire, elles ne décrètent pas que tout est fini. Elles disent simplement que le réceptacle chargé de collecter les eaux de la source de Vie est bouché par l’indisponibilité des Fils d’Israël. Mais ces malédictions ne signifient pas que cette source soit tarie ! Donc quand le peuple revient à la ToRaH, quand il se rend à nouveau disponible pour ÉCOUTER et OBÉIR aux MiTsVOT, aux H.ouQoT, aux MiShPâtîM promulgués par HaShèM, c’est comme si le bouchon du réceptacle était retiré de sorte que toutes les bénédictions puissent à nouveau abonder. Dit autrement, les malédictions ne sont pas des condamnations. Avec les bénédictions, elles constituent les SANCTIONS qui appartiennent à tout CADRE. Des sanctions validées par Israël qui a accepté le joug de la ToRaH, rappelons-nous encore : « Tout ce qu’a dit HaShèM, nous le ferons ! », en Ex ch. 24, v. 7. Et évidemment, toutes ces malédictions constituent moins des menaces que des préventions ! Et en tout cas, lorsque le peuple aura désobéi, se sera détourné, elles ne consisteront en aucun cas en des « punitions » ou des « châtiments », quand bien même elles seront ressenties comme tel. Elles resteront de formidables appels, de formidables convocations à REVENIR à HaShèM dont les dons sont sans repentance.

Et du coup, comme on l’a dit : le ch. 26 ne se termine pas sur les malédictions, c’est-à-dire sur la désobéissance d’israël ! À partir du v. 40, on a les mêmes élans qu’on retrouvera chez le prophète Osée : « Et pourtant, même quand ils seront dans la terre de leurs ennemis — c’est-à-dire en Exil —, Je ne les repousserai pas et je ne les prendrai pas en dégoût au point de les exterminer et de rompre mon alliance avec eux. Car c’est Moi, HaShèM, leur ‘ÈLoHîM ! Je ferai mémoire pour eux de l’Alliance avec les anciens que j’ai fait sortir de la terre d’Égypte sous les yeux des nations pour être leur ‘ÈLoHîM, Moi, HaShèM ! » (Lv 26,44-45) Ouf ! Rien n’est donc jamais perdu avec HaShèM : on l’a vu avec l’épisode du Taurillon d’or et on le verra dans toute la suite de l’histoire.

Voilà. Ici se clôt véritablement le Livre du Lévitique, avec le v. 46 : « Tels sont les H.oQîM — les décrets, qui se disent soit H.ouQaH, au féminin et donc H.ouQoT au pluriel ; soit H.oQ, au masculin, H.oQîM au pluriel —, les MiShPâTîM — les jugements — et les TORoT — les lois, TORoT étant le pluriel de ToRaH — qu’établit HaShèM entre Lui et les Fils d’Israël dans le Mont Sinaï, par la main de Moïse. »  Toutes ces prescriptions, rappelons-nous, sont les prescriptions de la véritable LIBERTÉ, la LIBERTÉ QUI LIBÈRE et que le Lévitique désigne sous le nom de SAINTETÉ. « Soyez Saints car Moi, HaShèM, je suis Saint ! » Le cadre de l’Alliance est désormais en place, le peuple va pouvoir reprendre la marche et se diriger vers KaNa“aN, cahin-caha, mais il avancera.

Reste à présent l’épilogue, au ch. 27. Nous le verrons rapidement la prochaine fois. Le texte ne présente pas de difficulté majeure. En attendant, je vous souhaite une bonne lecture du ch. 26, peut-être en contemplant derrière tout ça la figure du Christ Jésus qui prend sur lui ces malédictions de l’Alliance pour que tous les hommes puissent, par Lui, s’ouvrir aux bénédictions promises, qui ne sont en fait rien d’autre que le développement des promesses faites à ‘AVeRaHaM. C’est ce que dit saint Paul dans l’épître aux Galates : « Quant à la malédiction de la ToRaH, le Christ nous en a rachetés en devenant, pour nous, objet de malédiction […] Tout cela pour que la bénédiction d’Abraham s’étende aux nations païennes dans le Christ Jésus, et que nous recevions, par la foi, l’Esprit qui a été promis. » (Ga 3,13-14) Vous voyez ? Connaître le Lévitique permet de comprendre sans difficulté ce que dit saint Paul. Sans le Lévitique, on peut comprendre n’importe quoi ! On peut imaginer que la ToRaH n’est que malédiction ou je ne sais quelle ânerie qui légitime à bon compte l’ignorance de l’Ancien Testament ! N’oublions jamais saint Jérôme : « Ignorer les Écritures, c’est ignorer le Christ ! » Je vous remercie.
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