20-11-2016

[Lv] 40 - Prendre un peu de hauteur

par : le père Alain Dumont
BRAVO à tous ceux qui ont réussi à parvenir jusque là dans la lecture d'un livre tellement méconnu de l'ensemble des chrétiens, et pourtant tellement essentiel !
Lire, et surtout scruter, étudier le Lévitique n’est pas simplement s’appliquer à un exercice littéraire : c’est se donner les moyens de comprendre le sens de l’histoire, qui est une ascension, une ÉLÉVATION.
Duration:17 minutes 1 sec
Transcription du texte de la vidéo :
(Voir la vidéo : http://www.bible-tutoriel.com/prendre-un-peu-de-hauteur.html)
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Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,

Au terme de cette lecture du livre du Lévitique, j’aimerais reprendre avec vous quelques acquis qui me semblent être de première importance pour les chrétiens que nous sommes pour mieux entrer dans le mystère du Salut qui nous anime. Grâce à notre lecture du Lévitique, je vous propose de prendre de la hauteur et de contempler où la ToRaH nous entraîne.

D’abord, pour lire la Bible dans son ensemble, on perçoit sans doute mieux à quel point il importe de connaître ses fondements, fondements qui sont TOUS livrés dans la ToRaH. Une ToRaH qui n’est pas simplement un catéchisme, une série d’articles qu’il suffirait de connaître par cœur pour marcher droit. La ToRaH, c’est une montagne à gravir et qu’il faut décider de franchir. Pourquoi ? Parce c’est un peu comme quand on passe d’une vallée à l’autre, par exemple : il n’est pas rare qu’on monte dans le brouillard jusqu’au col, et que de l’autre côté, dans la vallée voisine, le brouillard n’ayant pas réussi à franchir la barrière montagneuse, on se retrouve en plein soleil. Eh bien la ToRaH, c’est un peu ça. Il y a un projet qui se met en place : ce sont les 11 premiers chapitres de la Genèse qui livrent les grands questionnements de l’humanité. Puis quelques hommes perçoivent l’appel de HaShèM et décident de se mettre en route : ils établissent le camp de base où chacun pourra finir de se préparer : ce sont les Patriarches, toujours dans le livre de la Genèse. Et puis à un moment, il faut bien commencer l’ascension, et pour ça, il faut un guide : et là se présente Moïse ! Ceci dit, tout montagnard sait qu’on ne va pas bien loin si on monte en courant : donc à partir de l’Exode, on a ralenti le rythme de lecture, on s’est arrêté plus qu’auparavant aux mots, aux expressions, un peu comme lorsque le guide nous fait remarquer telle ou telle fleur, tel ou tel animal sur la route à côté desquels les néophytes, préoccupés à tenir la cadence, passent sans même soupçonner leur existence. Alors ça ralentit la marche, mais ça lui confère une qualité, un sens qui déjà donne de la joie. Parfois, les couloirs sont escarpés, alors là, il faut s’accrocher comme quand on est resté un peu plus longtemps sur tel ou tel passage difficile ; mais quelle joie, là encore, de l’avoir franchi avec patience et détermination parce que ça a toujours payé !

Toujours est-il qu’à force de monter vient l’approche du sommet ! Or tout alpiniste sait que l’approche du sommet est le moment qui mange le plus d’énergie : le chemin se fait plus abrupt encore, il y a des crevasses, il faut enfiler les crampons pour ne pas glisser dans les congères, etc. Il faut aussi s’encorder, parce qu’on est plus fort quand on est ensemble, et puis ça construit la solidarité. Eh bien : le Lévitique, c’est le sommet de la ToRaH. Moïse positionne le Grand-Prêtre en premier de cordée de l’ensemble du peuple qui lui est amarré. Et là, eh bien oui, c’est plus dur ! On passe dans un autre monde, on est moins à l’aise : il faut apprendre de nouveaux gestes, envisager un cadre strict sans lequel il n’est même pas la peine d’imaginer atteindre une hauteur quelconque ! On quitte les récits et on obéit au guide ! Même si on ne comprend pas tout, on obéit : on nous explique les offrandes, puis les lois de pureté, puis la loi de Sainteté qui fait toucher le sommet. C’est assez formidable ! C’est dur, mais on découvre à quel point cette montée nous fortifie, dessille nos yeux sur des aspects de la VIE à la lumière d’un ciel que le brouillard n’atteint plus : au sommet, le soleil brille de mille feux, au point d’ailleurs qu’il faut savoir s’en protéger pour ne pas s’y brûler ! C’est exactement ce que met en place le Lévitique : à la fois une ascension formidable et les protections nécessaires pour ne pas se brûler au sommet.

Et puis une fois qu’on y est arrivé, eh bien il faut redescendre, mais évidemment, on ne redescend pas comme on est monté… On est riche d’une expérience qui nous fait regarder l’Écriture et le monde sous une lumière plus vive. On rejoint alors l’histoire, on reprend la marche, mais illuminés de l’intérieur. Ça ne veut pas dire que tout est désormais facile ou qu’on a tout compris, mais enfin, on avance différemment : et c’est le livre des Nombres avec lequel on renoue avec le récit. Seulement quelque part, rejoindre la vallée, eh bien ça fait peur, tellement on était exalté par la montée et ébloui par le sommet ! C’est ce qu’on va nous dire : au moment où Israël aurait pu entrer en Terre Promise, voilà que le peuple prend peur : est-ce que HaShèM, qui a été un super guide à travers Moïse va pouvoir nous faire entrer sur cette Terre ? Et surtout y demeurer ? Israël doute, si bien que HaShèM leur dit : restez donc encore dans le désert pour une génération : vous n’êtes pas encore prêts à entrer dans l’histoire des hommes et à être une lumière pour les nations.

Alors allons jusqu’au bout de la ToRaH : du coup, comme toujours quand on se retrouve dans l’impasse, Israël s’assoit et réfléchit à tout ce qu’il a vécu, tout ce qu’il a appris depuis qu’il est sorti d’Égypte : et là, c’est le DEUTÉRONOME qui est une sorte de livre bilan. On reprend tout et on fait mémoire pour consolider les acquis avant de se lancer résolument dans l’aventure au milieu des nations. Suite de quoi le guide disparaît : Moïse n’entrera pas en Terre Promise. Dès lors, fort de tout ce qui a été mis en place, au peuple de se prendre en main, d’abord avec Josué, puis avec les Juges, puis Samuel, David, Salomon, etc. Et c’est là que l’ascension de la montagne de la ToRaH va s’avérer payante : on va beaucoup comprendre ce que vit ce peuple de l’INTÉRIEUR ! Lire l’histoire de David sans la ToRaH revient à faire de ce roi immense un héros de contes de Grimm ! Il a vaincu un Géant avec sa fronde ! Super ! Mais l’histoire de Jack et du haricot magique ne raconte-t-elle pas la même chose ? Et puis l’histoire de la rencontre entre Salomon et la reine de Saba , qu’est-ce qu’on en fait à part une super production hollywoodienne avec Yul Brynner et Gina Lollobrigida ? En revanche, si on lit ces récits à la lumière de la ToRaH, alors là c’est autre chose ! Tout prend sens, tout devient plein d’enseignement. On se sent proche du peuple, proche de ce qu’il vit, de ce qu’il tente de construire. On vibre avec lui, on pleure avec lui quand il faut partir en Exil, on danse avec lui quand il en revient, même si c’est petit. et puis surtout, on voit peu à peu se profiler le moment de la venue du Messie attendu ! On fait l’expérience d’une espérance qui ne sera pas déçue, et on aborde la vie du Christ, non plus comme s’il était parti de rien, mais avec toujours les clefs de lecture de cette ToRaH qui nous fait décrypter le mystère profond du personnage, d’autant mieux que cette ToRaH s’est enrichie par l’expérience de la royauté, des prophètes et des sages d’Israël sur laquelle Jésus a fondé son existence et tout son enseignement.

Bref vous voyez ? Lire, et surtout scruter, étudier le Lévitique n’est pas simplement s’appliquer à un exercice littéraire : c’est se donner les moyens de comprendre le sens de l’histoire, qui est une ascension, une ÉLÉVATION. Et c’est cette élévation qui est la clef de tout ; une élévation charnelle, qui se vit dans le concret des Offrandes, jusqu’à celle du Christ sur la Croix. Lire la Passion sans le Lévitique, c’est comme manger du foie gras en se disant que c’est du bon pâté de foie, sans plus ! Et c’est priver sa propre histoire de cette inscription dans l’élévation qui commande tout notre être chrétien ; qui motive les choix éthiques, qui nous fait nous engager dans le monde d’une manière que le monde lui-même, ignorant de la Bible, ne comprend pas ! Pourquoi les chrétiens ne font-ils pas comme tout le monde ? Chercher à s’enrichir, à posséder toujours plus, à s’en sortir par soi le mieux possible quitte à écraser et à rendre les autres esclaves ? Simplement parce qu’en écoutant la ToRaH, en la travaillant, les chrétiens l’ont inscrit dans leur CHAIR et ne peuvent plus seulement se contenter de survivre. Le chrétien, mieux que quiconque, sait que le projet de HaShèM est celui de l’élévation de tous. Il vit CHARNELLEMENT cette élévation comme un chemin de liberté personnelle extraordinaire, inimaginable ; un chemin de libération, de joie, de paix et d’amour qui n’a rien à voir avec les dédales dans lesquels, en définitive, se perdent des Nietzsche, des Sartre, des Onfray ou n’importe quel philosophe qui se gargarise d’avoir tout compris, tout systémisé — DIEU et la religion y compris —, mais restent incapables d’ouvrir aux hommes des chemins CHARNELS comme seul HaShèM est capable d’en ouvrir, à travers la lumière et la puissance de l’amour, du don de soi et du pardon librement consentis.

Or, encore une fois, c’est dans le Lévitique que toute cette dynamique d’élévation se met en place… C’est proprement jouissif et un chrétien devrait lire et relire ce livre essentiel de la ToRaH, ce livre CENTRAL par lequel, on le comprend mieux maintenant, tout garçon juif commence sa formation, dès l’âge de 4 ans ! Le livre du Lévitique est proprement le livre des MONTÉES. Ça nous a été dit et redit dans tous les sens, que ce soit explicitement ou caché dans le texte. Cette ÉLÉVATION est vraiment, vous le sentez, le maître mot de tout ce livre, raison pour laquelle il est certainement le PLUS SPIRITUEL de tous les livres de la ToRaH. Qui l’aurait cru en commençant l’étude ? Et vous voyez, en essayant de tenir à la fois cette dimension CHARNELLE et SPIRITUELLE, on a touché à ce qu’on appelle la THÉOLOGIE DE LA NATURE ET DE LA GRÂCE, à savoir ce rapport subtil entre ce que HaShèM est en droit d’attendre de l’homme et ce que l’homme est en droit d’attendre de HaShèM : HaShèM seul peut élever, mais il n’élève que ce que le peuple d’Israël a purifié dans sa CHAIR. Le Lévitique invite le Fils d’Israël à se rendre disponible à travers la séparation entre l’impur et entre le pur, à une élévation qui prend nom de SAINTETÉ. Ceci dit, j’insiste : le travail de séparation entre l’impur et entre le pur ne PRODUIT PAS en lui-même la sainteté. Il REND DISPONIBLE à cette sainteté dans la mesure où cette séparation est vécue comme une préparation à la rencontre avec HaShèM vécue dans la dynamique des Offrandes. C’est le lot de toutes les MiTsVoT, de toutes les œuvres commandées par HaShèM qui marquent ce peuple du sceau de la sainteté, de la mise à part ; non pas au sens d’une sainteté acquise mais d’une sainteté comprise comme une disposition CHARNELLE, de tout l’être, à son élévation pour rencontrer HaShèM dans une RENCONTRE NUPTIALE.

Alors ceci dit, on n’est pas au bout du voyage après la lecture du Lévitique dans la mesure où l’histoire va peu à peu nous montrer que pour faire son travail, la CHAIR a besoin d’être habitée par l’Esprit Saint et pour ça, de s’unir à la CHAIR du Christ, ce que produira le Baptême en nous ouvrant le chemin du Salut, c’est-à-dire en donnant à notre CHAIR de se mettre en travail de façon à ce que nous nous rendions disponibles à notre élévation — non comme un dû mais comme une grâce, une élévation dans la dynamique de laquelle nous saisit l’Eucharistie qui est le SACREMENT DE L’ÉLÉVATION par excellence. Raison pour laquelle la pensée chrétienne est tout entière analoguée sur la personne du Christ : le Christ est notre PENSÉE ANALOGIQUE qui se greffe sur la PENSÉE ANALOGIQUE du MiShKâN puisqu’en Lui s’accomplissent toutes les Offrandes dont Moïse nous a révélé la portée infinie ! Tout en nous doit être pensé en termes d’élévation par le Christ, avec le Christ et en Christ. Ce qui signifie que le Lévitique, en nous attachant au MiShKâN par le Christ en qui nous reconnaissons le Temple Véritable, nous enracine prodigieusement dans la dynamique même qui a vu naître le Peuple de HaShèM. Une racine qui ne disparaît pas ; que le Christ ne vient pas abolir, mais accomplir ! « Soyez saints car moi, Je suis saint » est une dynamique formidablement joyeuse qui nous fait aspirer légitimement, à la suite des Fils d’Israël à qui nous devons TOUT de ce point de vue, aux Noces éternelles ; une aspiration, un désir qui se vérifie, s’authentifie dans notre CHAIR dans l’obéissance aux commandements du Christ. En se rappelant toujours que cette obéissance ne PRODUIT PAS le Salut, qui lui, n’est le fruit QUE de la grâce à laquelle cette obéissance nous rend disponibles ! « Écartez-vous, dit Moïse dans le Lévitique, de tout ce qui porte la mort ! Plongez, demeurez par une vie de discernement qui touche les dimensions les plus charnelles de votre existence comme le repas ou les relations conjugales, dans ce mouvement de vie, et la grâce pourra agir. Telle est la JOIE chrétienne qui procède de la JOIE d’Israël par le Christ. Une JOIE dont le MARIAGE est le Signe, le Sacrement formidable qui fait vivre à un homme et à une femme, dans leur identité et dans leur liberté propres fondées en Christ, donc à travers leur sainteté, ce qui est promis à la fin des temps dans la Rencontre du Peuple de DIEU avec son Seigneur ! Voilà. Alors on pourrait dire des tonnes et des tonnes d’autres choses, mais on va s’en tenir là.

Reste une question néanmoins et non des moindres, qui jaillit au terme de ce livre : avons-nous le désir d’être élevés ? Non pas seulement une velléité, mais un désir qui s’inscrit dans notre CHAIR ? Élevés non pas pour satisfaire nos pulsions ; non pas pour être au-dessus des lois, mais pour l’honneur, pour la responsabilité, pour la noblesse du sacrifice que représente le fait de donner sa vie pour l’autre et qui qualifie la seule et véritable LIBERTÉ ! C’est un CHOIX, mais un choix essentiel : celui de la vie éternelle. Soit je suis préférentiellement tourné vers les autres jusqu’à l’oubli de moi, et je serai alors disponible à des relations éternelles qui rendront libres — je ne serai pas tenté de mettre la main sur ceux avec qui je partagerai cette vie, à commencer par HaShèM — ; soit je suis préférentiellement tourné vers moi jusqu’à l’oubli des autres — les autres ne m’intéressent que s’ils m’apportent une satisfaction, faute de quoi ils disparaissent de mes préoccupations — et je serai indisponible à des relations éternelles qui ne supportent que la liberté des parties. Pour répondre à cette question, il nous faut poursuivre notre compagnonnage du peuple des Fils d’Israël qui va maintenant reprendre la route. Nous verrons cela la prochaine fois en ouvrant le livre des Nombres. Je vous remercie.
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