19-07-2017

[Nb] 8 - La mission des LéVîiM

Numbers 4:0 par : le père Alain Dumont
Après avoir mieux compris qui sont les LéVîiM dans leur être propre, au regard des autres tribus d’Israël, le ch. 4 va s’attarder sur les fonctions liées à leur “état de vie” ; fonctions qui, touchant au mobilier du MiShKâN, ne sont pas sans danger !
Duration:14 minutes 14 secondes
Transcription du texte de la vidéo :
(Voir la vidéo : http://www.bible-tutoriel.com/message/nb-8-la-mission-des-leviim.html)
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Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,

Nous continuons la lecture du Livre des Nombres, le livre du MiDeBaR, pour l’instant un peu laborieux parce que ça n’est pas super palpitant en soi, mais qu’est-ce que vous voulez : l’Écriture, c’est comme le reste : ça n’est pas toujours captivant ! En revanche, on y apprend toujours quelque chose d’inattendu quand ça n’est pas carrément décalé ; mais est-ce que ça n’est pas précisément ce qui conditionne toute mise en marche ? Impossible d’enclencher une marche sans provoquer un minimum de déséquilibre, et c’est un peu le cas ici. À nous de nous mettre en marche avec le peuple, ce qui en l’occurrence n’est pas une mince affaire vu l’énormité du chantier à trimbaler, rappelons-nous la construction du MiShKâN dans le livre de l’Exode — quand bien même formellement, les choses ont vraisemblablement été beaucoup moins monumentales dans la réalité à l’époque de Moïse. Ce qui nous est décrit là se réfère à un contexte bien plus tardif, très imprégné des cultures Babylonienne et Perse ! Ce qui n’empêche pas l’âme qui anime ces descriptions de se sentir vraiment en accord profond avec le sens de ce qui a été vécu par les pères au moment de l’Exode. Rappelons-nous qu’avec la ToRaH telle que nous la connaissons aujourd’hui, nous assistons en fait à la REfondation d’un peuple éparpillé en diaspora pendant l’Exil, après la chute de Jérusalem et la dispersion de la population, qui en direction de Babylone, qui en direction de l’Égypte ! Et la seule manière de refonder un peuple, c’est de lui RACONTER SES RACINES. Maintenant, quand vous racontez, vous le faites avec vos propres catégories ! C’est toujours la même chose ! Toute fresque cinématographique par exemple sera toujours tributaire de l’époque où ce film aura été fabriqué : qu’on vous raconte l’histoire de Cléopâtre, celle de Napoléon Ier ou de la Révolution Française, ce sera toujours de façon mythique, c’est-à-dire à partir des références propres à l’époque de son auteur ! Ou quand l’école flamande peint des épisodes de la vie du Christ, tous les personnages sont toujours habillés à la mode du XVe, du XVIe ou du XVIIe siècle, et alors ? Ça ne veut pas dire qu’elles ne sont pas “vraies” ! Parce qu’en regardant ces œuvres, de quelque bord qu’on soit, on travaille les fondements des nations et des peuples. Même un Sacha Guitry dans sa drôle de fresque Si Versailles m’était compté, aussi loufoque que ce soit, travaille à la fondation d’un certain esprit français selon les critères de l’après-guerre de 39-44 ! Et ça marche ! Ça touche au cœur de la nation, ce que ne saura jamais faire aucun document d’archives, même cinématographique. Mutatis mutandis, c’est exactement ce qu’on a ici, et comme on touche vraiment aux fondements, il ne faut pas passer à côté sous le prétexte fallacieux que ce ne serait pas de l’histoire “vraie” au sens journalistique. Le journalisme restera toujours factuel et ne façonnera jamais l’âme des peuples. Or c’est de l’âme du peuple des Fils d’Israël, et par extension l’âme du peuple chrétien dont il est question ici, comme plus généralement avec toute la Bible, Nouveau Testament inclus.

C’est donc un nouveau recensement qui commence, toujours concernant les LéVîiM, mais cette fois, on touche aux fonctions des adultes selon leur répartition familiale. Chacun son rôle en fonction de l’histoire que porte son ascendance, pour ne jamais oublier d’où l’on vient. Rien que ça est un bel enseignement pour aujourd’hui : NON : je ne me fais pas tout seul ! J’ai des racines, et ce que je vis, la manière dont je le vis en est CHARNELLEMENT tributaire. Or c’est là que se vit la vérité de l’histoire : est VRAI, charnellement parlant, ce dont je me perçois participer à L’ACCOMPLISSEMENT, dont je me perçois VIVRE L’ACCOMPLISSEMENT ! « Choisis le chemin de la VIE » sera la conclusion de toute la ToRaH en Dt 30 dans la mesure où, SANS CE CHOIX DE LA VIE, sans ce choix CHARNEL d’une mise en chemin, nous serons aveugles à la VÉRITÉ ! Quand Jésus dit : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie », Il sait ce qu’il dit, au point que si les chrétiens proposaient une vérité sans chemin de vie, ce seraient ni plus ni moins des antéchrists ! Ce qu’on appelle les « révolutions » sont tout le contraire de ce principe d’un chemin de vie puisque leur vérité consiste à faire immédiatement table rase du passé, ce qui revient toujours et inéluctablement à faire table rase des populations. Elles ne parlent plus de croissance mais de « progrès » érigé en idole, au nom de quoi tout ce qui entrave ce progrès est écrasé.

Rien de tout ça dans la ToRaH qui met un point d’honneur à GRANDIR SUR LE TERREAU DES PÈRES : il ne s’agit pas de se figer pour seulement reproduire ce qui s’est « toujours fait », comme disent les sociétés moribondes ! Quand on regarde l’histoire d’Israël, on s’aperçoit tout au contraire que jamais aucun autre peuple n’a été aussi ouvert à la nouveauté : entre Abraham, Moïse, David, Esdras et Jésus, il y a à chaque fois des innovations prodigieuses qui lancent le peuple dans une nouvelle phase de son aventure, mais jamais en reniant le passé, tout au contraire : chaque génération monte sur les épaules de la précédente et c’est précisément ça qui fait de ce peuple un géant de l’histoire à nul autre pareil ! Rédiger pendant l’Exil un récit sur lequel le rédacteur reporte sur la figure de proue, en l’occurrence ici les LéVîiM, ce que lui-même comprend théologiquement de l’histoire à laquelle il appartient est donc absolument légitime ! Ça relève même du DEVOIR FILIAL que de reconnaître EN SOI ce que ses pères ont implicitement porté EN EUX ! Cette histoire devient alors le lieu d’une fierté qui consiste à recevoir en héritage le labeur des générations qui ont précédé. Ça s’appelle la NOBLESSE et la LOYAUTÉ, deux vertus qui quoi qu’en pensent certains, continuent à faire battre aujourd’hui le cœur des hommes.

Bref. Toujours est-il qu’avec le ch. 4, c’est à présent d’adultes vaillants qu’il s’agit, entre 30 et 50 ans dit le v. 3, ce qui à l’époque correspond à une vie accomplie. Avoir 50 ans aux temps bibliques, c’est comme en avoir 100 aujourd’hui ! D’ailleurs le ch. 8 prendra en considération leur grand âge : on ne leur demande tout de même pas d’avoir toujours 20 ans ! Reste néanmoins qu’ils sont recensés comme capables d’entrer en TsâVâH, qui signifie par CAMPAGNE, au sens de « faire campagne ». Habituellement, ça désigne la guerre, mais ici à tout le moins — et j’aurais tendance à penser que lorsque le terme est attribué aux Fils d’Israël, c’est généralement le cas, TsâVâH désigne la MISSION. Chaque tribu a donc une MISSION qui lui est propre au sein du peuple, et là, chaque famille de LéVîiM a donc une mission que seront chargés de mener à bien les hommes vaillants qui sont en leur sein. Alors ici, pas question d’enseigner comme on a pu le voir auparavant : il s’agit surtout d’une main-d’œuvre sous la direction des prêtres pour démonter, transporter et remonter le Tabernacle au gré des haltes sur le chemin qui mène en KaNa“aN. Comme quoi être Fils de LéVî, donné à ce titre à YHWH, ne confère pas ipso facto de privilège de planqués pour faire travailler les autres ! Tout le monde au turbin ! Alors sans doute, quand on lit Ézéchiel, que les LéVîiM ont plutôt eu, historiographiquement parlant, une sorte de statut de « frère convers » par rapport aux prêtres, pour prendre un parallèle appartenant à l’histoire des monastères en Europe. Mais voilà : pour le rédacteur sacerdotal, ça ne veut pas dire que les LéVîiM soient seulement réduits au rang de domestiques au sens péjoratifs du terme. Il leur confère plutôt le statut de majordome, pour ainsi dire, au service du MiShKâN ; ce qui pour lui évidemment, signifie au service du Temple de Jérusalem qu’il espère voir revenir en service.

Alors là, ma foi, je vous laisse lire : faites travailler votre imagination pour entrer dans le concret de toutes ces prescriptions et vous verrez que ça ne manque pas de chatoiement. Comme on l’a vu, la famille de QeHaT à laquelle appartient la descendance de ‘AHaRoN a le beau rôle : elle s’occupe de tout ce qui concerne le MiShKâN, du sanctuaire proprement dit. Il s’agit d’en prendre un soin particulier, mais attention ! Le mobilier étant réservé aux prêtres seuls, les fils de QeHaT qui ne sont pas tous prêtres, loin de là, courent le danger de laisser leur peau à le transporter sans précaution ! Et c’est sans doute là que ce chapitre révèle sa spécificité. Il ne s’agit pas seulement de souligner la hiérarchisation des prêtres et des LéVîiM. Ce chapitre montre, plus encore que les précédents, la grandeur de la Sainteté de YHWH qui transparaît dans la sainteté de plus en plus nettement affirmée du sacerdoce et de l’Arche. La dignité des LéVîiM vient des fonctions saintes qu’ils exercent : on nous dit par trois fois qu’ils sont au service de la Tente de la Rencontre. Mais à bien lire, on s’aperçoit que si dans les deux premiers chapitres, ils assuraient seuls le service du MiShKâN ; dans le ch. 3, ils l’exercent en dépendance stricte de ‘AHaRoN et de ses fils, et au ch. 4, le contact même des objets saints est absolument réservé aux prêtres. Pourquoi ? Pour protéger les LéVîiM, nous dit-on. Du coup, les prêtres ne sont plus tant les chefs des LéVîiM que leurs PROTECTEURS et leurs intermédiaires face à la sainteté de l’Arche ! C’est assez bien construit tout ça : au ch. 1, les LéVîiM sont les protecteurs et les intermédiaires du peuple vis-à-vis du MiShKâN : « Les LéVîiM camperont autour du MiShKâN du Témoignage et il n’y aura pas d’écume contre la communauté des Fils d’Israël et les LéVîiM se chargeront de la charge du MiShKâN du Témoignage. » (Nb 1,53). Et au ch. 4, on a : « YHWH parla à Moïse et à ‘AHaRoN en disant : Ne retranchez pas le rameau des clans de QeHaT du sein des LéVîiM. Faites ceci pour eux pour qu’ils vivent et ne meurent pas quand ils s’avanceront vers le Saint des Saints. ‘AHaRoN et ses fils viendront, chacun d’eux au lieu de son service et de son fardeau, de peur qu’étant entrés ils voient les choses saintes, ne fût-ce qu’un instant : ils en mourraient ! » (Nb 4,17-20) Donc d’une part au ch. 1, les LéVîiM assurent la protection de la Communauté en se faisant les intermédiaires entre le peuple et le MiShKâN ; et d’autre part au ch. 4, les prêtres assurent la protection des LéVîiM en se faisant les intermédiaires entre eux et l’Arche.

Donc l’Arche prend ici toute son importance : c’est d’elle que dérive la sainteté exceptionnelle du sacerdoce ! Hormis les prêtres, nul ne peut la toucher, ni même la voir sans mourir, raison pour laquelle elle est protégée nous dit-on par trois couvertures différentes, comme d’ailleurs la Table des Pains de la Face — les 12 plains déposés dans le Tabernacle —, alors que le reste du mobilier n’est protégé que par deux couvertures. Ça n’empêche pas les fils de QeHaT de transporter l’Arche, donc d’avoir avec elle une certaine proximité, mais sans pouvoir encore une fois ni la voir ni la toucher : vous voyez, c’est une manière de parler de YHWH comme de ce DIEU à la fois proche, au milieu de son peuple, mais en même temps transcendant, tout Autre, sur Lequel nul ne peut mettre la main autre que les prêtres et encore, pas n’importe comment : NaDaV et ‘ABiHou sont là pour rappeler que tout prêtre qu’on soit, ça n’autorise en aucun cas à pouvoir n’en faire qu’à sa tête !

Voilà, on a maintenant suffisamment d’éléments pour lire ce chapitre 4 du Libre du MiDeBaR avec fruits. Je vous en souhaite donc une bonne lecture. Nous verrons la suite la prochaine fois. Je vous remercie.
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