06-08-2017

[Nb] 12 - La Consécration du Sanctuaire

Numbers 7:0 par : le père Alain Dumont
Arrive le moment de la Dédicace — la consécration — du Sanctuaire afin de lui permettre d’entrer en fonction. Les chariots se succèdent jour après jour, apportant chacun de quoi offrir les Offrandes sur l’Autel duquel le sacerdoce lévitique tire sa raison d’être.
Duration:14 minutes 35 secondes
Transcription du texte de la vidéo :
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Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,

Nous voici arrivés au ch. 7 du Livre des Nombres, et vient enfin le Jour de l’inauguration du MiShKâN. Alors là, il faut revenir au livre de l’Exode, ch. 40, v. 17 à 35 qui parlent de l’érection et de l’onction du MiShKâN qui ont eu lieu le premier mois de la seconde année, à savoir un mois AVANT la date que nous donne le tout premier verset du Livre, à savoir « le premier du deuxième mois, la deuxième année de la sortie d’Égypte. » (Nb 1,1) Bon, en soi ça n’est pas bien grave : c’est comme si l’auteur nous disait : « Par ailleurs, indépendamment du recensement et de tout le reste, il y a eu aussi ça… » Dans n’importe quelle vie, les événements ne font pas que se succéder les uns après les autres ! Pendant que je fais ceci, un autre fait cela, et tout ça avance frontalement pourrait-on dire. D’ailleurs, on remarque que dans ce chapitre, les KoHaNîM disparaissent en tant que tels, et les LéVîiM ne sont que les récipiendaires des dons apportés par les tribus d’Israël. Ce qui ne veut pas dire qu’on les oublie, mais à ce moment-là, le recensement n’a en fait pas encore eu lieu donc ils ne peuvent pas encore entrer en service.

Donc, nous dit le v. 1, on est le jour où Moïse « achève » la construction du MiShKâN, du verbe KâLâH, qui évoque assez irrésistiblement le substantif KaLLâH qui désigne la « fiancée ». Voyez ? On reste vraiment dans le cadre des Noces de YHWH avec son peuple, les Noces de l’Époux avec l’Épouse que constitue la Communauté d’Israël ! On reprend le récit de l’onction de la Tente et de son mobilier déjà rapporté en Lv ch. 8 et ce qu’on va raconter maintenant, ce sont les présents qu’apportent les fameuses autorités de chaque clan, les NaSsî‘îM, qui sont un peu comme les témoins de ces Noces, puisque je vous rappelle que NaSsi a donné NîSsOu‘îM, qui à son tour signifie les « Noces ». Alors là il suffit de lire : « Six chariots couverts, nous dit-on, et douze bovins, [c’est-à-dire] un chariot pour deux Autorités et un taureau chacun. » Tiens, on se demandait de quoi était constitué le cheptel des LéVîiM il y a peu : eh bien voilà en partie la réponse ! Ceci dit, 12 vaches pour 22 000 LéVîiM, on n’est pas dans l’excès ! On répartit le tout entre les fils de GeRShôN qui reçoivent deux chariots et quatre taureaux, et ceux de MeRaRi qui reçoivent 4 chariots et huit taureaux, mais rien pour ceux de QeHaT qui doivent porter le mobilier à même l’épaule, dit le v. 9 ! Cela dit, même 4 chariots pour tout transporter, il faut quand même que ce soit des chariots de chez chariot !!! De vrais porte-conteneurs ! Mais bon. Voyez, c’est là aussi où le texte nous dit : attention : “je ne suis pas en train de vous faire un bilan comptable de ce qui s’est passé ! Ouvrez vos oreilles, discernez et comprenez” : on voit bien que depuis le début, c’est de LITURGIE qu’il s’agit ! C’est d’autant plus clair que l’Arche est portée à épaules d’hommes : à l’époque du roi David, l’Arche sera transportée en chariot, mais lors de son transfert solennel à Jérusalem, son transfert liturgique, là, elle sera transportée à épaules d’hommes. Donc ici, on nous dit certes qu’on ne va tout simplement pas tarder à partir, mais c’est en PROCESSION parce que la destination n’est pas anodine ! Et ça nous interroge, comme ça doit interroger chaque Juif : quelle est la destination qui m’appelle et qui fait de ma vie une procession LITURGIQUE ? Où est-ce que je me sens être en MARCHE, grandir ? Sachant que je ne suis pas SEUL APPELÉ, que nous sommes des centaines, des milliers, de milliers de milliers à entendre cet appel. Du coup, quand on se lève pour répondre, si on ne veut pas que ce soit l’anarchie pure et simple, toujours abortive, il faut poser des actes qui aient du sens POUR TOUS, et ces actes, ces gestes accompagnés de prières et de chants, eh bien voilà la LITURGIE. Donc ici, et depuis le début du livre d’ailleurs, le rédacteur nous décrit une LITURGIE par laquelle le peuple se met en Marche comme un seul homme pour rejoindre la Terre de la Promesse à l’appel de YHWH et de son serviteur Moïse. Quand on comprend ça, la lecture ne pose plus de problème.

À partir du v. 10 les Offrandes pour la DÉDICACE de l’autel, sa consécration si vous voulez. Qu’est-ce qu’on nous dit ? Que chaque Autorité apporte le même présent au nom de la tribu à laquelle il appartient. Et là, ne vous en faites pas : même si cette partie s’étale sur plus de 80 versets, c’est le même refrain qui revient 12 fois jusqu’au v. 83. Alors on va juste lire le premier, et puis ensuite on essaiera de réfléchir au sens de tout cet ensemble : « [Pour chaque tribu, l’autorité qui la représente apporte donc son offrande : un moule d’argent d’un poids de 130 — sans doute 130 shekels — ; une aiguière d’argent de 70 shekels selon le shekel du sanctuaire, les deux pleins de farine mélangée d’huile pour l’offrande ; un bassin de 10 shekels d’or plein d’encens, un taurillon fils de taureau, un bélier, un mouton d’un an pour la montée — l’holocauste —, un bouc de chèvres — c’est-à-dire un jeune bouc — pour l’offrande pour les manquements et pour le sacrifice de paix, deux taureaux, cinq béliers, cinq boucs, cinq moutons d’un an. » Voilà, et ça revient 12 fois, une pour chaque tribu. Ce qui entre parenthèses nous fait 13 tribus en tout si on ajoute les Fils de Lévi qui réceptionnent tout ça, mais on se souvient : 12 + 1 tribus comptabilisées par recensement, mais en fait la 13e est comme l’âme de toutes les autres ; celle par laquelle les 12 tribus d’Israël vont non seulement pouvoir trouver mais surtout pouvoir maintenir leur unité autant que faire se peut dans l’histoire, du moins tant que le Temple sera en service.

Ceci dit, pourquoi prendre le temps de répéter chaque fois le même process pour chaque tribu d’Israël alors qu’il aurait suffi de dire, comme au v. 3 : chacun amena son offrande : un moule d’argent d’un poids de 130, une aiguière d’argent de 70 shekels etc. Mais non. Pourquoi ? Parce qu’il ne s’agit pas simplement d’un exercice comptable. C’est comme si le texte voulait insister sur l’équivalence de chaque tribu, à travers ce qu’apporte chacune de leurs Autorités. Dans le fond, au début du recensement, chaque tribu est dénombrée avec ses caractéristiques propres. C’est un même peuple, certes, mais dans lequel chaque tribu garde son individualité si l’on peut dire. Ici, c’est l’unité qu’on va manifester à travers ces Offrandes absolument identiques, tribu après tribu. C’est à lire comme un rituel qui s’accomplit lentement, mais sûrement. Il faut entrer dans ce rythme-là. Et puis le tout est repris à partir du v. 84 en un seul ensemble pour manifester qu’en réalité, tout cela ne fait jamais qu’UNE SEULE offrande : celle du peuple des Fils d’Israël.

Donc pour lire ce texte, il faut absolument entrer dans sa dimension LITURGIQUE. Or la liturgie, ça prend du temps. La liturgie, c’est fait de répétition, mais quand on la vit de l’intérieur, ça n’est jamais la même chose, c’est toujours nouveau de sorte qu’on ne s’ennuie jamais : oui on refait et on refait encore, mais c’est toujours habité différemment ! C’est un peu comme la communion eucharistique : quand les chrétiens s’avancent, apparemment ils font tous la même chose, l’un après l’autre, en se fondant dans une seule et unique procession. Et pourtant, chacun vient avec ce qu’il est ; chacun se présente avec son histoire, ses intentions, son cœur, etc. Eh bien là, c’est la même chose : le peuple, par cette procession d’offrandes toutes identiques manifeste son unité, mais ça ne veut pas dire que tout le monde est pareil ! Ça n’est pas du communisme, ou cet égalitarisme fonctionnel qui fait de chacun un pion anonyme dans la masse d’une nation esclave d’un État saturnesque — Saturne, je vous le rappelle, c’est le Cronos grec qui mangeait ses fils dans la mythologie romaine — ; nation à laquelle par ailleurs cet État n’a RIEN à proposer en termes de rituels constructifs. Rien à voir avec la ToRaH pour qui le seul but, la hantise j’ai envie de dire, est de LEVER la tête de chacun de ses enfants, d’élever le peuple qu’ils constituent dans une dynamique de sainteté pour permettre une rencontre avec son Créateur et son Sauveur. Or un peuple, ça se construit LITURGIQUEMENT ! Dès que la liturgie disparaît, qui rassemble la communauté et lui fait lever la tête, regarder vers le haut, vers la VIE, le peuple disparaît purement et simplement pour se figer en une pure nation, une pure administration qui ne saura jamais capable d’élever quoi que ce soit ni qui que ce soit — ce qu’au demeurant elle se défend au nom de la déesse de l’égalité. Comme quoi la LITURGIE, quand elle est bien vécue, à son rythme, est juste prodigieuse ! C’est tellement simple dans le fond, et nous compliquons tellement les affaires à toujours vouloir nous en sortir en n’en faisant qu’à notre tête, toujours trop vite, toujours tout seul. Eh bien là, voilà : le rythme de ce chapitre est donc liturgique, scandé et festif ! Comme pour les eucharisties de la tradition congolaise : ça dure des heures, les processions sont interminables, mais c’est joyeux, dansant et personne ne s’ennuie : on VIT, et on vit ENSEMBLE de sorte que quand on repart chez soi, on se sent plus fort et on se sent meilleur.

Bref. Alors maintenant, le culte peut commencer : tout est prêt. Le dernier verset du chapitre renoue avec le récit : le MiShKâN n’est plus seulement le lieu où YHWH a fait sa demeure — rappelons-nous la fin bouleversante du livre de l’Exode qui nous décrit comment YHWH prend possession des lieux ! Le MiShKâN peut enfin être ce lieu de rencontre, ce préliminaire des Noces éternelles entre YHWH et son Épouse dont Moïse reste le précurseur et la figure. Et là c’est vrai qu’il y a quelque chose de surprenant : vous verrez, pendant la lecture, qu’il y a un grand absent : c’est ‘AHaRoN, autant que ses fils ! Peut-être pour signifier que ces dons sont faits au SANCTUAIRE, au MiShKâN, en l’honneur de l’AUTEL qui prend ici une place qu’on ne retrouvera pas ailleurs : il est fait 4 fois mention de son onction, la dédicace dure 12 jours — on retrouvera quelque chose de semblable en Ézéchiel 43, les v. 13 à 27, ce qui signe la facture tardive de ce chapitre ; et dans le fond, on est en train de nous dire que s’il n’y avait pas l’autel, il n’y aurait tout simplement pas de sacerdoce ! Dit autrement : ce n’est pas le sacerdoce qui fait l’autel mais bien L’AUTEL qui fait le sacerdoce. C’est par l’autel qu’en définitive, le peuple s’élève vers YHWH, et non par une vertu particulière des KoHaNîM. Sans doute cela devait-il être marqué pour que le sacerdoce ne prenne pas la place de YHWH Lui-même, à la mode égyptienne ou babylonienne ! D’ailleurs, quand le Temple de Jérusalem sera détruit, par deux fois, le sacerdoce disparaîtra avec lui ! Alors il renaîtra de ses cendres la première fois, en vertu du travail colossal des prêtres qui ne se contenteront pas de reconstruire le Temple mais avant Lui : la ToRaH, plus les récits des Prophètes et les Psaumes ; mais la seconde fois, c’est fini ! En tout cas jusqu’à aujourd’hui, et a priori, à part un miracle ou l’avènement de la Délivrance Finale, il n’est pas près d’être relevé n’en déplaise à une frange juive qui travaille dans la perspective de sa reconstruction. Enfin voilà : une fois tout ça posé, on retrouvera ‘AHaRoN dès le ch. suivant, mais ce sera pour la prochaine fois. Je vous souhaite une bonne lecture de ce ch. 7 du livre du MiDeBaR. Je vous remercie.
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