18-02-2018

[Nb] 51 - L’époux : le GO’éL de son épouse

Numbers 30:1-17 par : le père Alain Dumont
Retour sur la question des vœux, sous l’angle de la responsabilité qu’a l’homme d’en libérer sa femme. Un chapitre qui nous en dit plus qu’on ne le croit sur le rapport homme – femme. Où l’on comprend que le mariage et la famille sont deux lieux magnifiques de libération, à l’image de celle qu’opère YHWH vis-à-vis de son propre peuple qu’Il considère comme son épouse.
Duration:19 minutes 32 secondes
Transcription du texte de la vidéo :
(Voir la vidéo : http://www.bible-tutoriel.com/message/nb-51-l-epoux-le-go-el-de-son-epouse.html)
Tous droits réservés.
Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
______________________________________________________________

Bonjour,

Nous poursuivons aujourd’hui notre lecture du livre des Nombres, et nous voici arrivés au ch. 30, presque à la fin du livre ! Et encore une fois : BRAVO ! Trop peu de chrétiens ont ne serait-ce qu’entendu parler de ce livre pourtant tellement important pour entrer dans l’intimité du projet de YHWH sur l’humanité, une humanité marquée par le péché, blessée, apeurée, violente, indécise et toujours prête à se révolter, incapable de voir plus loin que le bout de son nez qu’elle plonge plus souvent qu’à son tour dans le guidon… Autant de réalités qu’on retrouve de façon pathétique dans le libre des Nombres, le livre du Désert en hébreu, BeMiDeBaR : on se souvient, le désert n’est pas un endroit où rien ne pousse — ça, c’est le SheMâMâH, la désolation, le lieu de l’inespoir, comme on dit aujourd’hui — Le MiDeBaR est un endroit qu’on aborde certes comme un lieu stérile à première vue mais où la fertilité est pourtant promise à ceux qui voudront bien se mettre au travail, qui voudront bien se mettre en marche dans la foi et l’espérance : AShRéY ! dit l’hébreu, ce qu’on traduit depuis toujours par HEUREUX, pour signifier que le véritable bonheur n’est pas un point d’arrivée où tout serait satisfait mais une dynamique. Et c’est avec ce chemin que le peuple du livre des Nombre bataille : il aimerait ne plus avoir à marcher, à chercher — de l’eau par exemple — ; il aimerait tant, comme vous et moi, ne plus avoir à souffrir, voire ne plus avoir à mourir ; il aimerait en même temps prendre les rênes de sa vie, décider par lui-même ce qu’il doit faire, qui il doit être etc. « L’existence précède l’essence ! » aurait crié Jean-Paul Sartre à la figure de Moïse ! Autant d’aspirations qui ne sont pas nécessairement mauvaises en soi, mais tout est dans la manière dans la mesure où l’homme pécheur se vit comme un être pressé : pressé d’avoir des réponses, pressé d’être satisfait, pressé d’arriver… alors qu’en réalité, pour avoir tout ce qu’il désire et franchir toutes les épreuves par lequel le chemin de la vie le fait passer, il faut… du TEMPS.

Le TEMPS, dans la Bible, c’est cette dimension grâce à laquelle se construit en nous la conscience d’appartenir à un PEUPLE, à une FAMILLE ; là où laissés à notre péché, chacun d’entre nous se sent insupportablement seul au monde — et de fait, personne ne vit à la place d’un autre, personne ne meurt, n’aime, ne souffre, ne réfléchit même à la place d’un autre… Or voilà que la ToRaH, grâce au TEMPS qui revêt le beau nom d’Histoire, témoigne que cette solitude, loin d’être une condamnation à l’isolement, est tout au contraire l’occasion, la CONDITION même offerte à l’homme de s’ouvrir à un autre à travers l’expérience de la FOI, sous ses deux dimensions indissociables que sont la CONFIANCE et la FIDÉLITÉ : d’abord  foi en YHWH qui libère ; ensuite foi en des FIGURES par qui YHWH libère, comme Moïse ; et enfin foi en SOI-MÊME, appelé que je suis, dans la FOI, à participer à ce Grand Œuvre de Salut en vivant de cette ESPÉRANCE qui nous fait fraternellement édifier la même histoire, participer à la même aventure en direction du même horizon : celui de la joie que suscite la victoire de la vie sur la mort, dit autrement : la joie de la Vie Éternelle partagée dans une magnifique FRATERNITÉ.

En attendant, c’est vrai, cette FOI a néanmoins un corollaire incontournable, à savoir une exigence qui consiste d’une part à REFUSER de se constituer individuellement et immédiatement le centre du monde, le centre de tous les regards ; et concomitamment à DÉCIDER d’être avant tout SERVITEUR, pour faire l’expérience que la puissance véritable ne naît pas de la jouissance de posséder ou de manipuler un peuple en l’écrasant sous la loi du plus fort mais que la vraie puissance naît de la joie de servir ce peuple auquel on se sent appartenir au titre d’une fraternité, au titre d’une famille. Non pas tant par pure générosité altruiste que grâce à l’obéissance à la ToRaH. Cette ToRaH qui unifie et fait grandir ce peuple en instituant le cadre où puisse se vivre une profonde fraternité : on peut compter les uns sur les autres !

Et de ce point de vue, remarquons que le PEUPLE D’ISRAËL reste jusqu’à aujourd’hui une lumière pour TOUTES LES NATIONS. Aucun autre peuple — vous m’entendez ? AU-CUN autre peuple aujourd’hui ne vit dans sa chair une telle fraternité basée sur l’édification du TEMPS et de l’histoire qui l’a façonné, génération après génération ; qui façonne son PRÉSENT, ce qui est le gage le plus solide qu’on puisse imaginer d’un AVENIR consolidé pour les âges ultérieurs. Ceci dit, puisque nous-mêmes sommes greffés sur cette histoire, nous devrions vivre en tant que chrétiens cette même solidarité fraternelle dans l’unité de notre foi en Christ, quelle que soit notre confession. Là, reconnaissons qu’il y a un vrai travail d’humilité auquel le livre des Nombre presse tous les chrétiens dans l’ordre d’un œcuménisme qui n’a rien d’une option pour l’avenir de l’Évangélisation du monde ! C’est pour ça qu’un tel livre, magnifique dans la loyauté du témoignage qu’il offre — ce livre est une véritable confession livrée à la face du monde ! Ce que nous avons fait de moins avouable, voilà ce que nous vous livrons pour que vous ne tombiez pas dans les mêmes pièges ! » — C’est pour ça donc qu’un tel livre, magnifique de loyauté, est incontournable à tout chrétien qui se laisse attirer par l’horizon de la Terre DONNÉE et des libres Épousailles avec YHWH qui vont s’y vivre.

Alors, pour en revenir au texte, le ch. 30 reprend la question des vœux par laquelle se terminait déjà le Lévitique, avant tout pour en décourager toute velléité. Ici, dans un chapitre assez court, le rédacteur traite plus spécifiquement des vœux émis par les femmes. Alors par pitié, ne lisons pas ces affaires avec les idées rancies d’un Pierre Bourdieu dans les années 1980 avec sa relecture ultra-marxiste de l’histoire comme le fruit pur et simple de la domination de l’homme sur la femme ! Comme toujours, si les thèses les plus simplistes et manichéennes font fortune auprès des imbéciles, rappelons-nous que ce genre de caricature est en opposition totale avec le témoignage de la ToRaH qui s’interdit ce genre de raccourci grotesque.

Alors d’abord au v. 3 : même chose que dans le Lévitique, le vœu par lequel on consacre une chose ou même un être humain est légitime, mais attention : la valeur du vœu — qui n’est pas demandé par la ToRaH, rappelons-nous — la valeur d’un vœu, donc, a valeur de MiTsVaH ; c’est-à-dire qu’il oblige ABSOLUMENT celui qui l’a prononcé de sa propre initiative. On n’y revient pas, le ch. 27 du Lévitique nous a suffisamment éclairé sur ce point. Ceci posé, à partir du v. 4 et jusqu’à la fin, le chapitre s’empare donc des vœux prononcés par une femme selon 4 cas de jurisprudence : 1. La fille par rapport à son père ; 2. La femme par rapport à son mari ; 3. La veuve ; 4. À nouveau la femme par rapport à son mari. On arrive comme ça jusqu’au v. 17 qui résume l’ensemble.

Encore une fois, il ne s’agit aucunement de bafouer la dignité de la femme en la maintenant sous la coupe du mari. Ce serait le cas si l’homme imposait un vœu à sa femme ; mais ici, c’est ELLE qui se lie par sa propre initiative à son vœu. Du coup, la question se pose : doit-on lui imposer la même discipline que pour l’homme ? Est-elle liée à la vie à la mort par son vœu ? Et la ToRaH de répondre par la négative, en vertu de son appartenance à sa famille, que ce soit comme fille ou comme épouse. De toute manière, la Bible n’envisage pas la femme autrement que dans son rôle d’épouse et de mère au sein de la famille. Alors là encore, pas d’anachronisme : il ne s’agit pas de la famille comme un espace restrictif au sens contemporain ! Pour la ToRaH, la famille est un espace de VIE, et des études ont montré depuis la fin du XXe siècle que L’ESPACE PRIVILÉGIÉ à cette époque n’est pas du tout l’espace public mais bien l’espace DOMESTIQUE ! Ce qui signifie que les grandes décisions qui impactent l’histoire ne sont PAS, selon la Bible, le fruit de pures décisions politicardes fondées froidement sur un système économique mortifère géré par de prétendus “hauts fonctionnaires” complètement désincarnés. Tout au contraire : l’ordre politique n’est que le reflet de ce qui se vit dans l’ordre domestique où la femme tient la première place ! Il suffit de lire, entre autres, le c. 31 du livre des Proverbes pour s’en convaincre. Raison pour laquelle tout ce qui nous est dit du politique dans la Bible est constamment relié à des histoires de famille ou de couples, et c’est là grande sagesse, même pour nous aujourd’hui ! Quand on a par exemple pour dirigeants un roi Baudouin et une reine Fabiola dont la vie privée était un modèle de vie chrétienne, certes tout n’est pas rose, mais on se sent en sécurité ! Quand en revanche vous avez un président qui saute sur le premier scooter venu pour aller incognito se défouler avec sa maîtresse, ce sont toutes ses décisions politiques qui sont décrédibilisées ! Comme quoi, anthropologiquement, charnellement parlant, la sphère DOMESTIQUE reste bien encore aujourd’hui première sur la sphère PUBLIQUE ! Donc en parlant de la femme comme épouse et mère, croyez-moi, on est loin de signifier par là que la femme serait rivée à la vaisselle et aux couches-culottes !

Toujours est-il que dans notre chapitre du Livre des Nombres, c’est précisément GRÂCE à la relation maritale que la femme va pouvoir trouver le moyen d’être déliée d’un vœu inconsidéré dont elle ne sait pas s’acquitter. Le mari ici prend le rôle de GO‘éL, de LIBÉRATEUR de la femme, là où lui-même ne bénéficie pas d’un tel avantage, ni d’ailleurs la veuve qui n’a plus d’homme pour la libérer d’un tel vœu, c’est au v. 10 ! Donc l’homme ne peut pas être libéré par sa femme d’un vœu inconsidéré, ni par un autre homme d’ailleurs puisque ce genre de libération n’est envisageable que dans le cadre d’une Alliance d’épousailles ! Et là, on touche sans en avoir l’air à une dimension absolument essentielle de la foi ! Si la libération d’un vœu ne peut s’opérer que dans le cadre des épousailles, est-ce qu’on n’aurait pas là, précisément, la clef pour comprendre pourquoi le projet divin est un projet de Noces ? La Genèse, au ch. 3, ne nous raconte-t-elle pas justement l’histoire d’un vœu inconsidéré de la part d’Éve d’abord, mais aussi d’Adam qui là, non seulement ne tient pas son rôle de GO‘éL mais confirme en mangeant le fruit à son tour le vœu de s’aliéner au fruit de l’Arbre de la Connaissance du Bien et du Mal plutôt que de se porter vers le fruit de l’Arbre de la Vie, c’est-à-dire le fruit de la ToRaH pour pouvoir libérer Ève de l’acte qu’elle venait de poser ? Ceci posé, qui pourra dès lors les libérer d’une telle impasse, sinon DIEU en personne, en libérant d’abord Adam en lui redonnant la ToRaH par Abraham et par Moïse ; pour qu’Adam libère Ève à son tour et que celle-ci puisse mettre en œuvre les trésors de sagesse dont elle est la gardienne ?

C’est précisément en ce sens que Paul dira de l’homme qu’il est « la tête », ou « le chef » — c’est le même mot — de la femme : non pas en tant que « petit chef », mais en tant que GO‘éL, en tant que LIBÉRATEUR. Paul est complètement imprégné de la ToRaH, c’est-à-dire de la mission de libération, de délivrance dont elle est porteuse. Et il prolongera cette considération en affirmant que si le Christ est la Tête de l’Église, c’est bel et bien pour la libérer : « Le mari est tête de la femme tout comme, le Christ est tête de l’Église, lui qui est le Sauveur de son corps. Eh bien ! Comme l’Église est subordonnée au Christ, qu’il en soit de même pour les femmes à l’égard de leur mari en toutes choses. » (Éph 5,23-24) Alors je sais bien que ces lignes font scandale aujourd’hui, sauf que la « soumission » dont parle Paul n’a rien à voir avec le rapport hégélien ou marxiste du maître et de l’esclave, surtout à la mode Bourdieu ! RIEN à voir ! Parce qu’il faut lire la suite : « Vous les maris, aimez de charité vos femmes comme le Christ a aimé de charité l’Église en se livrant pour elle ! » (Éph 5,25) Ah voilà : c’est donc en tant que LIBÉRATEUR que le mari est le chef de sa femme ! non pas pour la rendre dépendante de lui mais pour lui assurer que SI elle se jette inconsidérément dans une impasse comme c’est le cas en matière d’un vœu inconsidéré, l’homme a pour mission de l’en LIBÉRER en tant qu’il est son mari, à l’image du Christ vis-à-vis de l’Église ! Alors attention : on n’est pas en train de dire que la femme a tendance à se jeter dans des impasses, mais dans le cas où la chose est avérée, elle sait que, selon la ToRaH et selon le Christ, le mari a le devoir de la libérer. C’est une manière jurisprudentielle de répondre en fait à un besoin qui existe chez TOUTE FEMME — et là je mets en balance toute mon expérience de conseiller conjugal et familial — un besoin donc qui veut que ce dont une femme a LE PLUS BESOIN dans un couple, c’est de se sentir en sécurité ; de pouvoir fonder à chaque instant une ESPÉRANCE sur l’Alliance de YHWH avec son peuple dont le mariage entre l’homme et la femme devient le relais, le signe, et en définitive le SACREMENT. Une femme qui se sent en sécurité dans son foyer est une femme qui pourra dès lors donner le meilleur d’elle-même et tenir à son tour le rôle de “éZèR, de SECOURS vis-à-vis du mari, dans l’ordre de la sagesse.

J’espère que vous sentez qu’on touche là quelque chose d’essentiel : dans le cadre de la ToRaH, le MARIAGE comme la FAMILLE ne sont pas des carcans administratifs mais bien le lieu CHARNEL où se vit l’Alliance par laquelle les épousailles entre YHWH et son peuple se trouvent comme reflétées dans la relation époux – épouse où se vit la même promesse de libération. Et parce qu’il faut bien qu’il y en ait un qui fasse le premier pas pour libérer l’autre, eh bien c’est à l’homme que ce premier pas est demandé. Le mari étant comme l’icône de YHWH et la femme étant comme l’icône du peuple, sans qu’il y ait dans cette répartition d’échelle de valeur ; plutôt une échelle de vigilance.

Alors maintenant, c’est vrai qu’on est en droit de se demander pourquoi c’est à l’homme de veiller sur sa femme et non l’inverse ? Parce que l’homme, disent les rabbins, est moins en contact intime avec la vie que ne l’est la femme. Pour reprendre ce qu’on a dit un peu auparavant concernant l’ouverture à l’autre, la femme, dans sa capacité d’enfanter, porte d’emblée un autre en elle-même, de sorte qu’il y a donc une relation charnelle plus immédiate entre YHWH et la femme de ce point de vue et c’est à l’époux que YHWH confie la charge d’en être le gardien dans le cadre du mariage ; raison pour laquelle YHWH est plus exigeant avec lui qu’avec la femme et lui impose l’étude assidue de la ToRaH — l’Arbre de Vie —, une étude qui seule le maintiendra éveillé aux exigences de l’Alliance là où la femme, elle, en tant qu’épouse et mère, y est naturellement plus attentive.

Alors pour résumer, je dirais que l’intérêt de ce chapitre est, en passant par la CHAIR de la conjugalité et de la famille, de nous obliger à considérer la dynamique du Salut à l’œuvre dans l’Alliance. Pourquoi croyons-nous que YHWH veuille épouser son peuple, sinon pour le LIBÉRER des bourbiers dans lesquelles il n’arrête pas de s’empêtrer ? Et YHWH, ici, joue à plein son rôle d’ÉPOUX DIVIN, un rôle que portera à son achèvement le Christ en la personne de Jésus ; Jésus en qui YHWH et sa Création s’unissent dans la CHAIR pour la libérer du péché qui l’entrave ; un péché qui n’est ni plus ni moins que le choix inconsidéré de l’homme lui-même comme on l’a rappelé à propos du ch. 3 de la Genèse ! Il n’y a donc rien de trivial sous toutes ces questions maritales : dans les dimensions du mariage et de la famille, c’est de la mise en œuvre charnelle du SALUT, de la LIBÉRATION, de la DÉLIVRANCE qu’il s’agit.

Voilà en tout cas, à travers ce chapitre, un bon exemple qui nous montre que, quand on scrute un tant soit peu les fondements des textes sacrés, on découvre que les moins engageants d’entre eux, littérairement parlant, s’avèrent être en fait les plus éclairants sur des sujets cruciaux comme celui du Salut ! Dès lors je n’en dis pas plus au sujet de ce chapitre : on a tous les éléments pour une lecture en définitive pleine d’espérance d’une jurisprudence dont est dévoilé le véritable objectif, à savoir cette DÉLIVRANCE que les prophètes ne cesseront de mettre en lumière à travers l’évocation de la relation époux – épouse.

Je vous laisse donc tout à la lecture de ce chapitre. Nous verrons la suite la prochaine fois. Je vous remercie.


______________________________________________________________