25-08-2018
[Foi 1.1] - Autour de la naissance de Jésus
par : le père Alain Dumont
Que nous disent les évangiles sur la naissance de Jésus, et pourquoi nous racontent-ils cet événement chacun à leur manière ? Peut-on se fier à ces récits ? Que veulent-ils nous dire ?
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PLAN :
– La Naissance de Jésus
– Marie, couverte par l’ombre de l’Esprit Saint
– La Vierge Marie
– De Bethléem à Nazareth
– La vie en Galilée
– Marie, fille d’Israël
– Marie, la « Femme »
Duration:39 minutes 39 secondes
Tous droits réservés.Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,
Après avoir vu dans une première partie ce que les chrétiens appellent généralement le « plan du Salut », ou le « dessein du Salut », au sens où on a tenté d’exprimer la trajectoire qui élève l’homme à la Vie éternelle, malgré le péché qui voudrait l’entraîner vers le bas, on va maintenant, de manière beaucoup plus légère, faire connaissance avec la personne de Jésus. Dans le fond, c’est ce qui nous a paru le plus évident avant de plonger dans une présentation de la Bible : si on ne veut pas y entrer de façon seulement formelle, il faut que nous comprenions à quel point Jésus lui-même y était attaché et comment tout son ministère s’y est référé. Vous verrez, c’est vraiment très intéressant. Ça demande simplement l’effort d’entrer dans une culture que notre monde contemporain s’évertue à oublier ou à reléguer dans les Musées, alors même que cette culture forme la racine SPIRITUELLE de tout l’Occident ! Alors après, on peut être d’accord ou pas, mais comme dit Michel Onfray qu’on ne peut pas accuser d’être un militant pro-christianisme, notre culture est chrétienne, point barre ! Et donc il faut la connaître si on veut bâtir quelque chose de vivant et le transmettre à nos enfants, d’une manière ou d’une autre.
Alors partons à la rencontre de cet homme en qui les chrétiens discernent [DIEU qui a pris chair de notre chair] pour nous élever vers le Père… au plus concret donc de ce qui a composé sa vie d’homme au milieu de son peuple. C’était il y a deux mille ans…
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LA NAISSANCE DE JÉSUS
Sans doute faut-il commencer par parler de la naissance de Jésus. Vous verrez néanmoins que tous les évangiles n’en parlent pas, et quand ils en parlent, à savoir dans l’évangile selon saint Matthieu et celui de saint Luc, ils ne disent pas la même chose. Si ce n’est que Jésus est né à BeThLéHèM en Judée, un petit village à quelques km à peine au sud de Jérusalem, avant la fin du règne de Hérode le Grand, donc au plus tard vers l’an 4 avant notre ère. À partir de ce moment commence une trentaine d’années qu’on appelle la « vie cachée » de Jésus, qui se passent autour du village de Nazareth où vit sa famille, non plus en Judée mais en Galilée, c’est-à-dire au Nord de la Palestine.
Alors parlons justement de la famille de Jésus. D’une part, elle est juive, donc marquée par la ToRaH de Moïse que va lui transmettre son père Joseph. Les évangiles sont très discrets sur lui, mais les historiens juifs de l’Université Hébraïque de Jérusalem pour qui il ne saurait être question de mettre en doute l’existence de Jésus, ont beaucoup travaillé la question en particulier pour montrer que Joseph a de grandes chances d’avoir été rabbin, et même l’un des plus grands rabbins de son temps en Israël. Je développe ce point dans une vidéo du site de La Bible en Tutoriels dont je vous mets le lien dans les documents. Ce qui explique à tout le moins que Jésus sera reconnu par ses pairs plus tard comme Rabbi, c’est-à-dire comme Maître de la ToRaH. Ceci dit, à part à l’occasion de sa naissance, on ne parlera plus de Joseph ailleurs dans les évangiles, ce qui signifie qu’il a dû mourir avant que Jésus n’atteigne ses trente ans ce qui, à l’époque, est monnaie courante d’une génération à l’autre.
En revanche, Matthieu et Luc — c’est comme ça qu’on a l’habitude de contracter « l’évangile selon saint Matthieu » ou « l’évangile selon saint Luc », on dit : « Matthieu », « Marc », « Luc », « Jean » qui sont les noms des auteurs selon la tradition —, Matthieu et Luc parlent d’une naissance étrange, puisque, nous disent-ils, Jésus est né de Marie, l’épouse de Joseph, alors qu’ils n’ont pas eu de relation sexuelle, pour dire les choses de manière rapide. Alors évidemment, pour qui regarde les affaires de l’extérieur, ça paraît de la pure légende ! De la même manière qu’affirmer que « le Verbe s’est fait chair » relève du plus pur délire. Sauf que ceux qui rapportent cette histoire nous la racontent de l’intérieur, de la même manière que si on vous demande de raconter celle de votre famille, vous ne direz pas les choses de la même manière qu’un journaliste ou qu’un pur historien ! Je prends le temps de bien expliquer la chose dans le MOOC sur la Bible que vous ferez dans quelque temps dans le cadre de cette préparation au baptême.
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MARIE, COUVERTE PAR L’OMBRE DE L’ESPRIT
Donc si on entend les choses de l’intérieur, les évangélistes relatent que la conception de Jésus relève de l’Esprit Saint ce qui est tout à fait possible si on accepte le postulat selon lequel DIEU veut vraiment rencontrer son peuple et épouser sa Création ! En dehors de ce cadre, tout ce récit est juste rocambolesque ! SAUF si on se rappelle, en ayant lu les Écritures, qu’au moment où Moïse a achevé de construire le sanctuaire du désert qui va accompagner le peuple dans son exode ; sanctuaire qu’il a construit sur les instructions précises du Dieu, qui a demandé beaucoup de cœur à l’ouvrage ; toujours est-il qu’à la toute fin du livre de l’Exode, advient une merveille : DIEU, dans la Nuée lumineuse, vient investir le sanctuaire de sa présence. Désormais, il demeure pour toujours avec le peuple qu’il a engendré et qui porte sa ToRaH de VIE. Or voilà le texte en grec, qui était la langue véhiculaire de l’époque, un peu comme l’anglais aujourd’hui, et qui traduisait non pas l’hébreu mot à mot mais ce qu’on comprenait du sens de l’hébreu ; comme on le faisait par ailleurs en araméen. Donc en grec, le ch. 40 de l’Exode est ainsi traduit : « La Nuée voila la Tente du Témoignage — le Sanctuaire — et la tente fut remplie de la Gloire du Seigneur. Moïse ne put pas entrer dans la Tente du Témoignage par ce que la Nuée couvrait son ombre sur elle et que la Tente était remplie de la Gloire du Seigneur. » (Ex 40,34-35, LXX). Maintenant, si on lit l’évangile de Luc, on trouve : « L’Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut son ombre te couvrira. C’est pourquoi l’être saint qui est engendré sera appelé Fils de DIEU. » (Lc 1,35) Eh bien là, pour un juif, et pour Marie, l’expression étant unique dans l’Ancien Testament, le sens est on ne peut plus clair ! De la même manière que DIEU est venu une première fois faire sa Demeure dans le Sanctuaire de Moïse, lorsque les temps sont accomplis, cette venue va encore plus loin : la Nuée — qui dans la tradition à l’époque est celle du Verbe de DIEU — ; la Nuée, donc, vient habiter Marie et fait d’elle le Nouveau Sanctuaire façonné cette fois dans la CHAIR, bref : la DEMEURE VIVANTE du DIEU VIVANT, c’est-à-dire la DEMEURE qui donne la vie, qui engendre dans la CHAIR le DIEU qui donne la VIE. Wow ! Et c’est ainsi que la tradition chrétienne aimera donner à Marie les titres de Demeure du Très-Haut, Sanctuaire de DIEU, Nouvelle Arche d’Alliance, puisque dans le Sanctuaire reposait l’Arche dont on disait qu’elle était le trône de DIEU ; et on donnera même à Marie le titre étonnant de Mère de DIEU ! Mère de DIEU non pas au sens d’une “mère primordiale” qui aurait enfanté DIEU dans l’éternité, ce qui est juste impensable pour des juifs comme pour des chrétiens, mais la Mère du DIEU fait CHAIR. Et pour ça, c’est vrai, une collaboration sexuelle de Joseph est inenvisageable, parce que ça ferait de Jésus un homme que DIEU aurait ensuite investi d’une manière ou d’une autre — toutes les hérésies tenteront d’élaborer divers scénarios en ce sens —, mais le résultat terrible serait que DIEU ne se serait pas fait homme ! Il n’y aurait eu aucunes épousailles entre DIEU et sa création et nous ne serions tout simplement pas sauvés, notre divinisation serait impossible, du moins au sens intime que la foi chrétienne le professe ! Ce que saint Athanase, au IVe siècle, résumait en disant : « Si le Verbe de DIEU n’a pas réellement pris CHAIR, nous ne sommes ni sauvés, ni divinisés ! » Et donc oui, dans le cadre posé par l’Écriture, la Mère de Jésus est restée mystérieusement VIERGE et vous voyez que les conséquences CHARNELLES ne sont pas minces ! Toujours la même chose : au niveau des idées, on peut toujours dire ce qu’on veut, mais quand on réfléchit aux conséquences charnelles de ces idées, c’est là qu’on vérifie leur pertinence !
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LA VIERGE MARIE
Alors peut-être, si vous approfondissez un jour la question, entendrez-vous dire qu’en fait, le mot « vierge » utilisé par l’Évangile en grec renvoie à un mot hébreu qui signifie uniquement « jeune fille » dans une prophétie importante du livre d’Isaïe. C’est d’ailleurs comme ça qu’il faut entendre tout le Nouveau Testament, en référence avec l’Ancien. Voilà la prophétie en question : le roi Achaz de Jérusalem est désespéré devant la menace assyrienne, au point qu’il sacrifie son propre fils pour s’attirer les augures aux idoles ! Fureur du prophète Isaïe qui annonce que le DIEU d’Israël saura bien, Lui, faire surgir la vie alors que la mort est tapie aux portes de Jérusalem : « Voici que la “jeune fille” — Ha ‘aLeMaH — est enceinte et enfante un fils, et elle lui donnera le nom d’Emmanuel ! » Une prophétie que reprend cette fois saint Matthieu : « L’ange du Seigneur apparut en songe [à Joseph] et lui dit : “Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, puisque l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint ; elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus (c’est-à-dire : Le-Seigneur-sauve), car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés.” Tout cela est arrivé pour que soit accomplie la parole du Seigneur prononcée par le prophète : Voici que la Vierge concevra, et elle enfantera un fils ; on lui donnera le nom d’Emmanuel, qui se traduit : « Dieu-avec-nous » Quand Joseph se réveilla, il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse, mais il ne s’unit pas à elle, jusqu’à ce qu’elle enfante un fils, auquel il donna le nom de Jésus. » (Mt 1,20-25) Ah tiens : « Voici que la Jeune fille » en hébreu est devenue en grec « Voici que la Vierge est enceinte » … Pourquoi ? Tout simplement parce qu’à nouveau, la traduction grecque assume le sens de VIERGE qu’on donnait, depuis 200 ans au moins, au mot Ha ‘aLeMaH.
Ceci dit, poursuivons l’histoire.
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DE BETHLÉEM À NAZARETH
Donc Jésus est né à Bethléem. Pourquoi est-ce important ? Parce qu’à l’heure de Jésus, le peuple Juif attendait un leader politique de la descendance du grand Roi David — un « fils de David » comme on disait à l’époque —, dit autrement un MESSIE, un Envoyé du DIEU d’Israël pour les libérer du joug romain. Or selon la prophétie du prophète Michée, « Et toi, Bethléem Éphrata, le plus petit des clans de Juda, c’est de toi que sortira pour moi Celui qui doit gouverner Israël. Ses origines remontent aux temps anciens, aux jours d’autrefois — c’est-à-dire remontent à David. Mais [en attendant], Dieu livrera son peuple — sous entendu aux nations ennemies ; à l’époque de Michée, c’était l’Assyrie, mais à l’époque de Jésus, il s’agit de Rome — jusqu’au jour où enfantera celle qui doit enfanter — Ah, revoilà la jeune fille de la prophétie d’Isaïe ! Pourquoi ? Parce qu’en temps de mort programmée face aux nations ennemies, le signe d’espérance donné par DIEU sera toujours celui d’un enfant, comme pour signaler que la mort ne peut pas enrayer le flux de la VIE, puisque la VIE vient de DIEU —, et ceux de ses frères qui resteront rejoindront les fils d’Israël. Il se dressera et il sera leur berger par la puissance du Seigneur, par la majesté du nom du Seigneur, son Dieu. Ils habiteront en sécurité, car désormais il sera grand jusqu’aux lointains de la terre, et lui-même, il sera la paix ! » (Mi 5,1-4).
Alors reprenons le récit de Luc : la famille de Jésus étant de Nazareth, c’est la raison pour laquelle Marie devra accoucher dans une hostellerie de Bethléem où, soit dit en passant, contrairement à ce qu’on raconte habituellement, elle sera accueillie au mieux, puisque n’ayant plus de place là où tout le monde dort, on lui aménagera de quoi accoucher dans un endroit chaud, dans de la paille fraîche, auprès des animaux de la maison. Il semble de plus que, d’après Matthieu cette fois, après la naissance, la famille ait dû descendre en Égypte pour protéger l’enfant du roi Hérode qui voulait le supprimer, vous pourrez lire le récit, mais on ne va pas s’attarder sur ce point aujourd’hui.
Toujours est-il qu’après la mort d’Hérode le Grand, ils rejoignent le Nord de la Palestine, en Galilée, à Nazareth où Joseph exerce le métier d’artisan du bois — on dit souvent « charpentier » mais c’est plus général que ça : c’est autant bûcheron que menuisier, fabriquant de charrues, charpentier, etc. Au demeurant, tous les grands rabbins de l’époque travaillaient précisément dans le bois. Par ailleurs, que Joseph, qui avait au moins l’intuition de ce que représentait l’enfant, ait voulu l’élever à l’abri dans un petit village à l’insu des romains, loin des routes principales n’a rien d’étonnant. Il fallait protéger un enfant pareil !
En même temps, on n’est pas loin de TsiPoRi, une ville importante de Galilée, certes païenne pour une part mais où Jésus a néanmoins pu venir étudier dans les maisons d’étude rabbiniques de son temps en même temps qu’exercer son métier d’artisan, car la ville était en pleine reconstruction. Sa population était majoritairement juive et comptait déjà plusieurs synagogues importantes, au point que dès le IIe siècle, TsiPoRi sera le foyer du renouveau de la pensée juive, suite à la destruction de Jérusalem. Donc quand on dit que Jésus a forcément méprisé cette ville parce qu’elle était la capitale du fils d’Hérode le Grand, Hérode Antipas, qui l’avait fait rebâtir sur le modèle grec, personnellement, je ne serais pas aussi affirmatif.
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LA VIE EN GALILÉE
La région est par ailleurs un véritable paradis avec des vignes, des champs à perte de vue, mais c’est surtout une terre où l’on rend grâce à DIEU, le Maître du monde : Jésus et ses pairs mettent toute leur espérance dans la Parole du DIEU vivant qu’ils célèbrent chaque ShaBaT — chaque samedi — à travers le chant des Psaumes et la proclamation de longs passages de la ToRaH. Il faut bien comprendre qu’à cette période, et en gros depuis le retour d’exil, cette parole de DIEU étudiée, priée, est plus qu’une simple croyance : c’est un mode de vie, une éthique de chaque instant, une Loi dont on doit porter le « joug » pour laisser la vie jaillir, à la fois dans sa propre existence mais surtout dans celle du peuple tout entier !
Jésus grandit ainsi dans une tradition agricole dont il apprend le rythme, dont il s’imprègne des images : les champs, leurs semences et leurs moissons ; les vignes ; mais aussi la pêche, puisqu’il ne vit pas loin de la Mer de Galilée — le Lac de Tibériade. C’est ainsi que plus tard, il parlera du Royaume des cieux comme d’un trésor enfoui dans un champ, ou comme de cette semence qui tombe au bord du chemin : on est très loin, de ce point de vue, de l’abstraction des auteurs grecs. Tout au contraire, les enseignements de Jésus sont concrets, charnels, et c’est ce qui fait que les foules aiment à l’écouter.
Ceci dit, vue de la Judée, la Galilée a mauvaise réputation, et sans doute une part du drame qui va se jouer tient-elle dans cette distance qui oppose ces terres du Nord à celles du Sud autour de Jérusalem. Pour tout dire, un Galiléen était considéré comme un plouc par les Judéens ! D’une part, la Galilée était séparée de Jérusalem depuis fort longtemps : elle faisait partie des 10 tribus qui firent sécession après la mort de Salomon jusqu’à l’Exil, et même après le retour, avant que n’advienne la dynastie hasmonéenne, la Galilée ne fut jamais associée à Jérusalem. C’était aussi une terre de brassage culturelle, la Galilée étant le carrefour de nombreuses populations.
Néanmoins, il semble que du point de vue du Judaïsme, elle ait été, depuis environ deux siècles avant Jésus-Christ, une terre assez orthodoxe : en opposition avec le culte grec tourné vers la vénération des morts, le culte Juif de Galilée est amplement tourné vers le DIEU de la Vie ! « Laissez les morts enterrer leurs morts ! », lancera Jésus. « Dieu n’est pas le Dieu les morts mais des vivants ! » C’est exactement la foi Juive dans le DIEU UN, qui est moins le DIEU Unique que le DIEU qui UNIFIE, en quelque sorte ; qui unifie son peuple, mais qui unifie aussi les nations autour de sa ToRaH dont Jésus nous révèle qu’elle est la Parole même du Père éternel. Car s’il s’agit d’aimer DIEU et son prochain, c’est pour la raison que DIEU, le premier, aime son peuple dont Il fait son prochain ! « Et maintenant, Israël, qu’est-ce que le Seigneur attend de toi ? Il attend seulement que tu craignes ton DIEU en suivant ses chemins, en aimant et en servant le Seigneur ton DIEU de tout ton cœur, de tout ton être, en gardant les commandements du Seigneur et les décrets que Je te donne aujourd’hui pour ton bien ! » (Dt 10,12-13). Voilà un discours d’amour qui chasse toute interprétation esclavagiste du rapport de DIEU à l’homme. Quant à la crainte, il ne s’agit pas de la peur mais de la remise de soi à un autre qu’on reconnaît comme plus grand que soi, sans pour autant s’en sentir anéanti, au contraire ! Quelque part, on pourrait dire que là où est la crainte, là est la foi. Il y a une vidéo sur ce thème dans le site de La Bible en Tutoriels dont je vous mets le lien dans les documents.
Quoi qu’il en soit, on sait aujourd’hui que telle était la foi des Galiléens dont toute la sagesse s’articule autour de la ToRaH de Moïse pour laquelle il est essentiel d’obéir aux commandements. Non pas seulement pour s’attirer les bonnes grâces de DIEU, mais parce que ce qui anime la foi des Juifs de cette région en particulier, c’est qu’ils savent qu’ils ont été CHOISIS par DIEU pour être les témoins, dans le monde, de la vitalité que procure la conversion au DIEU UN. D’où cet attachement, du plus grand au plus petit, à l’obligation de la prière, des fêtes — les juifs de Galilée aiment se rendre à Jérusalem pour les grandes occasions, mais aussi à tous les rituels quotidiens autour de la nourriture, de la sexualité, des naissances, du travail, des relations économiques ou sociales, etc. etc. Tous sont habités de cette certitude qui habite les Psaumes : « La ToRaH du Seigneur est intègre, qui restaure l’être et rend sages les simples ! » (Ps 19,8). Dès lors, à l’époque de Jésus, l’obéissance à la ToRaH n’est pas simplement la croyance en une doctrine mais un véritable cadre de vie tant religieux que moral. La vie d’un Juif pieux à l’époque de Jésus est d’une très haute tenue ! Et donc Jésus s’inscrit dans ce cadre qu’Il n’a aucune intention d’effacer ou de mettre sur la touche, tout au contraire : « Ne pensez pas que je sois venu abolir la ToRaH ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir » (Mt 5,17), c’est-à-dire qu’avec Jésus, toutes les promesses du Premier Testament se trouvent réalisées ! Peut-être pas de la manière à laquelle les hommes s’attendaient, mais néanmoins véritablement au sens où la ToRaH, si elle fut donnée spécifiquement au peuple Juif, avait pour but d’éclairer TOUTES LES NATIONS PAÏENNES. Et c’est cette ouverture que Jésus est venu accomplir, sans que ça signifie pour autant que l’Alliance de l’Ancien Testament soit obsolète ! Au contraire, puisque sans l’Ancien Testament, il n’y aurait juste pas de Nouveau, raison pour laquelle on ne comprend rien à Jésus si on ignore les racines juives qui l’ont porté.
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MARIE, FILLE D’ISRAËL
Maintenant, revenons un peu à MiReYâM — Marie en français —, la mère de Jésus. D’abord, c’est une femme ! Là je ne vous apprends rien, mais c’est un fait que, somme toute, les femmes sont rares dans la Bible qui est plutôt une histoire d’hommes. Ça n’est pas que la femme soit quantité négligeable, bien au contraire, mais l’homme, contrairement à elle, a du mal avec la VIE ! Du seul fait qu’il ne la porte pas en lui, nous disent les rabbins, il a donc besoin d’être plus cadré si on ne veut pas qu’il la perde, tout bonnement. Du coup, quand paraît un acteur féminin, c’est le signe que cette histoire d’hommes a besoin d’un petit coup de pouce et que sans la femme, l’histoire menace de s’enliser. Alors vous verrez qu’en lisant les évangiles, précisément, Marie n’a pas besoin d’apparaître énormément, mais quand elle est mentionnée — essentiellement dans l’évangile de Luc et de Jean —, elle est là pour donner un élan nécessaire, même avec Jésus !
Luc, lui, nous la décrit essentiellement au moment de la naissance de Jésus comme une digne fille d’Israël, ce qui n’est pas sans importance ! Quand Luc met dans sa bouche son chant d’exultation qu’on appelle communément le « Magnificat » — tout simplement parce qu’en latin, le chant commence par ce mot qui signifie : « magnifier » : « Mon âme magnifie le Seigneur, exulte mon esprit en DIEU mon Sauveur ! » etc. — Donc quand Luc met dans sa bouche le Magnificat, Marie ne se réjouit pas pour elle-même ! Elle ne se dit pas : “c’est magnifique ce qui m’arrive parce que maintenant, me voilà au sommet de ma carrière !” Elle porte dans sa CHAIR, dans sa MÉMOIRE, TOUTES LES GÉNÉRATIONS DE SON PEUPLE ! On pourrait dire qu’à travers elle, c’est TOUT ISRAËL qui exalte son DIEU qui accomplit les promesses qui fondent son existence et qui remontent pour les premières jusqu’à Abraham ! Du coup, par Marie, on s’aperçoit que c’est TOUT ISRAËL qui engendre Jésus ! Jésus n’est pas un aérolithe tombé du ciel : PAR MARIE qui l’engendre, il reçoit la CHAIR D’ISRAËL ! Il s’incarne JUIF, si on peut dire, quitte ensuite à ouvrir beaucoup plus largement la descendance d’Abraham, mais enfin voilà : par Marie, Jésus se reçoit de toute l’histoire d’un peuple qui, bon an mal an, a tout de même réussi à être fidèle à son DIEU, ne serait-ce qu’en ne laissant pas perdre la ToRaH qu’il a reçue de Moïse.
Alors on retrouvera Marie à la croix, sans que rien ne soit dit d’elle en particulier à ce moment, mais enfin voilà : elle est au commencement et à la fin de l’histoire du Christ, comme pour nous dire que même cette fin est un engendrement ! Rappelez-vous ce qu’on a dit de la construction des cathédrales : c’est quand elles sont finies que tout peut enfin réellement commencer, eh bien ici, c’est le même principe : la fin de l’existence visible du Christ au milieu des siens est en fait un commencement, un re-commencement, un réveil, un épanouissement de tout ce que l’histoire a porté comme une femme porte un enfant pour qu’au terme de la grossesse, une nouvelle existence commence !
Et cette histoire, Marie l’a vraiment portée : elle a été comme la première chrétienne, alors même que personne à part elle — et sans doute Joseph — ne se doutait de ce qui était en train d’advenir alors qu’elle voyait son fils grandir, et parfois même lui échapper comme dans le Temple à l’occasion de sa Bar Mitsva : « Chaque année, les parents de Jésus se rendaient à Jérusalem pour la fête de la Pâque. Quand il eut douze ans, ils montèrent en pèlerinage suivant la coutume. À la fin de la fête, comme ils s’en retournaient, le jeune Jésus resta à Jérusalem à l’insu de ses parents. Pensant qu’il était dans le convoi des pèlerins, ils firent une journée de chemin avant de le chercher parmi leurs parents et connaissances. Ne le trouvant pas, ils retournèrent à Jérusalem, en continuant à le chercher. C’est au bout de trois jours qu’ils le trouvèrent dans le Temple, assis au milieu des docteurs de la Loi : il les écoutait et leur posait des questions, et tous ceux qui l’entendaient s’extasiaient sur son intelligence et sur ses réponses. En le voyant, ses parents furent frappés d’étonnement, et sa mère lui dit : « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois comme ton père et moi, nous avons souffert en te cherchant ! » Il leur dit : « Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? » Mais ils ne comprirent pas ce qu’il leur disait. Il descendit avec eux pour se rendre à Nazareth, et il leur était soumis. Sa mère gardait dans son cœur tous ces événements. Quant à Jésus, il grandissait en sagesse, en taille et en grâce, devant Dieu et devant les hommes. » (Lc 2,41-52)
Voilà : à travers tout ça, vous sentez qu’on est loin d’un simple « faire-valoir ». Prenons saint Jean maintenant
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MARIE, LA « FEMME »
Que ce soit dans son évangile ou dans le livre de l’Apocalypse, quand il parle de Marie, il ne la nomme pas. Il préfère l’appeler : « La mère de Jésus », ou tout simplement la « Femme »… étrange non ? Dans l’évangile, la mère de Jésus n’apparaît que lors de son premier signe public, à l’occasion d’un mariage à Cana, non loin de Nazareth. Alors que les serviteurs s’adressent à elle pour annoncer qu’il n’y a plus de vin — ce qui est un signe de mauvais augure pour les mariés à l’époque —, Jean nous dit qu’elle fait remonter l’information à Jésus qui lui rétorque : « Femme, qu’y a-t-il pour toi et pour moi ? », comme s’il esquissait avec elle un rapport qui dépasse simplement la relation mère – fils. Et il obtempère ! Il obéit à sa mère, fait mettre de l’eau dans des cruches — environ 600 litres s’il vous plaît — et voilà que les serviteurs y puisent… du vin ! Étrange… Et puis on la retrouve à l’autre bout de l’évangile, quand Jésus, sur la croix, la confie à Jean : « Jésus, voyant sa mère, et près d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : “Femme, voici ton fils.” Puis il dit au disciple : “Voici ta mère.” Et à partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui. » (Jn 19,26-27) Au demeurant, si Jean doit prendre Marie chez lui, c’est tout simplement parce que Jésus était son fils unique et qu’il fallait bien que quelqu’un s’occupât d’elle ! Si Marie avait eu d’autres fils, la question ne se serait pas posée ! Mais bon, ça n’est pas notre objet.
Toujours est-il qu’on se dit : jamais un fils ne s’adresse à sa mère en l’appelant : « Femme ! » Donc Jean veut nous faire aller plus loin concernant Marie. D’autant que cette Femme réapparaît dans son second livre, le livre de l’Apocalypse, au cours d’une vision : « Un grand signe apparut dans le ciel : une Femme, ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles. Elle est enceinte, elle crie, dans les douleurs et la torture d’un enfantement. Un autre signe apparut dans le ciel : un grand dragon, rouge feu, avec sept têtes et dix cornes, et, sur chacune des sept têtes, un diadème. Sa queue, entraînant le tiers des étoiles du ciel, les précipita sur la terre. Le Dragon vint se poster devant la femme qui allait enfanter, afin de dévorer l’enfant dès sa naissance. Or, elle mit au monde un fils, un enfant mâle, celui qui sera le berger de toutes les nations, les conduisant avec un sceptre de fer. L’enfant fut enlevé jusqu’auprès de Dieu et de son Trône, et la Femme s’enfuit au désert, où Dieu lui a préparé une place, pour qu’elle y soit nourrie pendant mille deux cent soixante jours. » (Ap 12,1-6) Alors ne vous en faites pas : il y a plein de codes ici ! Saint Jean n’est pas en train d’écrire le Seigneur des Anneaux ! Or si on sait que la Bible personnalise volontiers les collectivités par des figures particulières, on comprend que cette « femme » représente le Peuple de DIEU, à savoir d’une part Israël attendant le MESSIE, le Christ — comme pour le Magnificat —, et d’autre part l’Église vivant de ce même Christ. Et si, du côté de l’évangile comme de celui de l’Apocalypse, Jean emploie le mot « Femme », quand on a l’habitude de lire la Bible, on fait nécessairement le rapprochement !
Et c’est comme ça que, dès les premiers moments du christianisme, dès le Ier siècle, Marie s’est avérée être infiniment plus que la simple « maman du petit Jésus » ! Elle est la figure d’Israël et de l’Église qu’elle rassemble en les attachant à son Fils, et elle est en même temps l’ÉPOUSE de DIEU ! Et dans le fond, Jean a raison : elle est LA FEMME dans toutes ses dimensions d’épouse et de mère ! Épouse du Verbe et en même temps Mère du Verbe fait CHAIR, Mère de DIEU comme la tradition aime aussi l’appeler. Et dans le fond, en disant à Marie : « Femme, voici ton fils » en désignant Jean, toujours parce que Jean ne représente pas que lui-même mais tous ses frères et sœurs attachés au Christ, c’est vous et c’est moi, c’est toute l’Église qui est confiée à Marie, à la Femme, comme pour nous dire : si tu veux être fidèle à Jésus, surtout aux pires moments de ta vie, reste auprès de La FEMME. C’est elle qui maintiendra ton regard tourné vers Lui alors que ta plus grande tentation sera de t’enfuir ! D’ailleurs il y a bien des chances que si Jean était le seul disciple au pied de la Croix, c’est parce que Marie l’avait retenu par le col pour qu’il ne s’enfuie pas comme les autres ! C’est ce que saint Bernard de Clairvaux traduira magnifiquement dans son poème le plus célèbre que je vous mets dans le document pour aller plus loin.
Enfin voilà. Tout ça à propos déjà de la naissance de Jésus, mais c’est normal : tout est lié, sa naissance, sa mort, sa résurrection… Il me semble que vous avez pas mal de grain à moudre avec votre accompagnateur. Que le Christ Jésus vous garde en sa bénédiction.
Je vous remercie.
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