19-12-2014

[Gn] 19 - Les lentilles de Jacob

Genèse 25:29-26:39 par : Père Alain Dumont
Jacob le roublard achète le droit d'aînesse de son frère, Esaü le roux; Isaac a quelques démêlées avec les Philistins. Un patriarche dont la vie est soldée en un seul chapitre...
Rubrique :Jacob
Duration:13 minutes 18 secondes
Transcription du texte de la vidéo :

(Voir la vidéo : http://www.bible-tutoriel.com/les-lentilles-de-jacob.html )

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Pour une citation, mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutorielhttp://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article

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Bonjour,

Ésaü, le roux poilu et Jacob, le talonneur glabre ont vite grandi, et comme leurs bagarres dans le ventre de leur mère le laissait prévoir, ça bataille dur entre les deux frères. C’est un peu la lutte entre la tête et les jambes.

Alors on vous raconte une petite histoire issue de leur vie adolescente, ou de jeunes adultes. Ésaü est évidemment parti chasser, sans doute pour ramener de quoi manger au campement. Jacob, lui, « fait bouillir un bouillon », dit l’hébreu. Le Talmud dit que ce plat de deuil. Ce jour-là, dit-il, c’est le premier anniversaire de la mort d’Abraham.

Toujours est-il qu’Ésaü est affamé, et en plus, c’est un plat qu’il affectionne. Pourquoi ? Parce que c’est du “roux”. Et on insiste : « Laisse-moi avaler ce roux, ce roux-là ! », ‘adom en hébreu. Esaü désigne ainsi le bouillon de lentilles dont il raffole. Pourquoi ? Parce qu’il est roux ! Et à force de courir dehors, il est bronzé à faire pâlir tous les affalés de nos plages estivales !!! Il épousera Judith et Basmat, une femme de la descendance de Hét, une Hittite donc, ou alors une fille d’Ismaël dira-t-on au ch. 36, pour fonder le peuple des hommes roux, les Édomites, qui habitent le sud de la Mer Morte où se trouve du sable rouge… Un peuple qui sera évidemment souvent opposé aux fils d’Israël : n’oublions pas que les deux jumeaux sont des rivaux… Bref, c’est une manière de donner un coup de griffe aux ennemis par une raillerie.

Bref. Avec ce bouillon de lentilles va se passer un événement d’une importance primordiale entre Jacob, le roublard, et Esaü le poilu goulu ! Quel âge ont-ils ? Sûrement pas loin de l’adolescence… À cet âge là, on joue à des jeux stupides qui engagent l’avenir, sans toujours en saisir les conséquences. Et voilà que Jacob marchande son bouillon de lentilles : « D’accord, mais tu me laisse ton droit d’aînesse ! » Vous voyez ? Il essaye de passer devant ! Et pour un roublard, la fin justifie les moyens !!!

Alors le Talmud va essayer de justifier le geste de Jacob. Ce qui importait à Ésaü, dit-on, c’était de courir les champs, et de tuer ! Il ne croyait pas, dit le Talmud, à ces histoires de vie après la mort, ni même en l’existence du DIEU de son grand-père à qui il ne rendait pas de culte comme pourtant sa place d’aîné le lui imposait. Il ne croyait pas à la promesse. C’est donc la promesse qui est en jeu : la promesse de l’élection, dont Esaü n’est pas digne. Pour Esaü, qu’importe les générations qui suivent ! Ce qui importe, c’est la vie aujourd’hui ! Du coup, un plat de super lentilles dont il raffole a bien plus d’importance qu’un droit d’aînesse dont il n’a cure. Esaü, dans le fond, c’est notre contemporain : il sacrifie tout pour le bien-être immédiat. Après moi le déluge ! Ce que ne fait pas Jacob, et là, s’il est roublard, c’est en fait pour sauver l’Alliance, diront les rabbins. Et hop : voilà Jacob rangé au rang des justes.

Alors Jacob dit à son frère, toujours d’après le Talmud : « Puisque tu ne rend pas un culte au DIEU de nos pères, que t’importe le droit d’aînesse ! Vends-le moi ! » Et il insiste : « Jure-le moi ! » Et quand vous jurez, en général, c’est sur la vie de vos pères ! Même un incroyant comme Esaü ne plaisantait pas avec ça. Alors il lui vend son droit d’aînesse.

Et à cette époque, une parole donnée et scellée, quel qu’en soit les termes du contrat, c’est une parole qu’on ne peut pas reprendre. Et la Bible de mépriser Esaü en le prenant de haut : « Ce jour là, Esaü a méprisé le droit d’aînesse ! » Sous entendu : il n’en était pas digne, donc Jacob a bien fait de le rouler, puisque c’était pour la bonne cause ! C’est un principe moral très discutable et bien dangereux, mais enfin, c’est comme ça qu’on raisonnait à l’époque.

Pour la petite histoire, c’est de cet épisode que vient l’expression : qui va à la chasse perd sa place. Comme quoi il n’est pas inutile de connaître la Bible pour s’apercevoir que nous en sommes imprégnés jusque dans nos adages les plus communs.

Gn 26

Une fois cet épisode raconté, retour sur Isaac, mais assez rapidement. Cette vie se résume à un chapitre. Pas de grande migration, pas de grande bataille… Non.

Isaac s’installe : il n’est plus un nomade, et il fait des semailles à Guerar, la terre des philistins qu’il rejoint suite à une famine en Canaan. Il serait bien descendu en Egypte comme son père, mais DIEU le lui a interdit : voyez, les deux vies sont calquées l’une sur l’autre pour vous faire comprendre qu’elles sont liées. Mais elles ne sont pas identiques pour autant ! Cette fois, DIEU dit à Isaac : ne descend pas, reste à Guerar.

Et DIEU de lui renouveler la promesse faite à son père Abraham : « Je multiplierai ta descendance comme les étoiles du ciel, parce qu’Abraham a été fidèle, il a obéi à mes commandements ! » Très important : la bénédiction du juste rejaillit sur ses descendants !

Et on vous raconte encore la même histoire qu’avec Abraham et Abimélech : Isaac fait passer Rebecca pour sa sœur, parce qu’elle est belle et qu’il craint qu’on ne le tue pour la récupérer. Mais Abimélech le surprend en train de folâtrer avec elle, et il lui dit : « Pourquoi dis-tu qu’elle est ta femme ? Pour un peu, quelqu’un allait la prendre pour femme ! » Alors pour ne pas réitérer la maladresse d’avec le père, Abimélech lance un avis à la population : « Quiconque touchera à cette femme et à cet homme sera mis à mort ! »

Pourquoi raconter à nouveau cet épisode ? Peut-être tout simplement pour nous rappeler qu’Isaac fait partie des princes sur cette terre. Encore une fois, il ne s’agit pas d’une simple famille nomade. Les patriarches ont leur place politique, même s’ils se mettent à semer comme Isaac. Et tout comme les monarques et les grands de ce monde farfouillent entre eux aujourd’hui, et bien, la chose était déjà vraie à cette époque.

Alors on vous raconte que DIEU bénit les semailles d’Isaac, au point qu’Abimélech le jette dehors parce qu’il devient un État dans l’État. Encore une fois, on est à la taille des roitelets, style Endor ou Monaco, et non pas à la taille de royaumes. Les royaumes seront pour plus tard. Pour cela, il faut, comme en Mésopotamie ou en Egypte avoir une vision religieuse unifiée : c’est cela qui fonde le politique : un seul DIEU, un seul Roi, un seul Empire. On est loin de tout cela en Canaan, et il faudra attendre Saül et David pour voire pointer l’essai de la constitution d’un vrai peuple à partir d’une seule foi.

S’y ajoute une querelle de puits : pour contrer Isaac, les Philistins ont bouché les puits d’Abraham, qui était venu se réfugier chez eux. Manière de dire : on ne veut plus avoir à faire avec cet homme ! Isaac en a donc creusé d’autres, mais creuser un puits, c’est mettre la main sur la terre, se l’approprier : d’où jalousie. Les bergers philistins ne supportent pas de voir ce nomade prospérer : ils lui jalousent les puits, alors de guerre lasse, la famine en Canaan étant terminée, Isaac repart à Beersheba où D’ailleurs, DIEU va lui réitérer sa promesse.

Mais il ne suffit pas de se retirer ! Abimélech sait bien qu’il a non loin de chez lui un puissant personnage, au point qu’il pourrait lever la main contre les Philistins : voyez, on vous dit là que la famille d’Abraham, ce n’est pas rien, avec ses serviteurs, ses bergers, etc. Ça fait tout une armée potentielle ! Alors le Philistins viennent et ils lui disent : ok, tu es parti, mais souviens-toi que tu as été bien reçu chez nous ! Alors faisons entre nous un serment de paix : et voilà l’origine, nous dit-on, du nom de la ville qui se bâtit autour du puits d’Abraham : Beer, c’est le puits ; Sheva, c’est le serment.

Et on conclut par une note un peu désagréable : le mariage d’Esaü avec des filles Hittites, donc qui ne sont pas du clan d’Abraham : il le peut, puisqu’il a vendu son droit d’aînesse et qu’il ne vénère pas le DIEU de l’élection. Seulement ça irrite ses parents… L’héritage dépend alors uniquement de Jacob.

Bref… Vous le voyez, rien de très excitant : la vie d’Isaac vous est soldée en un court chapitre. Dans le fond, ce patriarche est plus intéressant du côté de sa naissance et de son père ; et il est intéressant du côté de sa vieillesse avec ses fils. C’est cela qu’on va vous raconter maintenant, et qui va nous faire reprendre les déplacements nomades avec Jacob, et reprendre alors la grande aventure de l’histoire fondatrice du peuple des fils d’Israël. Nous verrons cela la prochaine fois.

Je vous remercie.