12-01-2015

[Gn] 29 - À la recherche de Joseph

Genèse 37-50 par : Père Alain Dumont
Cette vidéo présente le quatrième patriarche du livre de la Genèse, Joseph, très peu connu et pourtant essentiel dans l’histoire du peuple d’Israël puisque sans lui, il n’y aurait tout simplement eu ni Moïse, ni l’Exode qui n'est rien de moins que l’expérience fondatrice du peuple de Dieu.

• Vidéo documentaire 1 > Construire une pyramide aujourd'hui, par le professeur Joseph Davidovits.
• Vidéo documentaire 2 > Comment les pyramides d'Égypte ont-elles été construites ?
Rubrique :Joseph
Duration:12 minutes 14 secondes
Transcription du texte de la vidéo :

(Voir la vidéo : http://www.bible-tutoriel.com/a-la-recherche-de-joseph.html )

Tous droits réservés.

Pour une citation, mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutorielhttp://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article


Bonjour,

nous allons désormais nous attacher à un quatrième patriarche, très peu connu et pourtant essentiel dans l’histoire du peuple d’Israël puisque sans lui, il n’y aurait tout simplement eu ni Moïse, ni l’Exode qui est proprement l’expérience fondatrice du peuple de Dieu.

Alors qui est le patriarche Joseph ? Il s’agit bien évidemment d’un des fils de Jacob, et non des moindres puisqu’il est l’aîné des deux fils de Rahel/Rachel, la seconde fille de l’oncle de Jacob : Labân ; la femme que Jacob aimait et pour laquelle il avait accepté 14 ans d’esclavage avant de pouvoir se marier avec elle. D’abord stérile, elle lui avait pourtant donné un premier fils : Joseph, puis un second au moment du retour en Canaan : Benjamin. Mais elle était morte en le mettant au monde.

Alors la Bible va, à partir du ch.37 jusqu’au ch. 50 de la Genèse, vous raconter une vaste histoire. Mais elle va la raconter à sa manière ! L’histoire de Joseph, c’est l’histoire du peuple d’Israël version “famille”. C’est l’histoire qu’on se raconte en famille, qui rejoint la “grande” histoire des peuples mais qui habite cette histoire de manière plus vivante et plus concrète, ne faisant pas fi des sentiments, des litiges, des réconciliations… Un peu comme votre arrière-grand-père vous raconterait “sa” seconde guerre mondiale ou “sa” guerre d’Algérie. Imaginons qu’il ait fait un acte héroïque, il va le raconter de l’intérieur : il va vous dire comment il a d’abord du quitter les siens, comment peut-être il a été fait prisonnier ; comme il s’est évadé, comment il a fait passer du courrier clandestinement à sa famille, comment peut-être une lettre de sa femme lui a donné le courage de poser cet acte de bravoure, que sais-je ? Et si un biographe vient pour écrire un livre sur lui, qu’il voudra inscrire dans l’histoire de France, il écrira un tout autre récit que celui de l’arrière-grand-père à ses petits-enfants ! Il décrira comment le grand père s’y est pris, il vous dira les circonstances, les alliances, etc. Tout autre chose que le Grand-Père, lui, aura retenu et vécu de l’intérieur.

Alors, l’histoire de Joseph dans la Bible, c’est la version de l’arrière-grand-père à ses enfants : elle va raconter les déboires avec ses frères de sang, comment il a dû se battre pour rester intègre lorsqu’il est descendu en Égypte, comment Dieu lui a donné une réelle sagesse — il sait interpréter les songes —, un sens politique, une postérité, etc. À ceci près que DIEU est le grand absent du récit… mais on y reviendra.

Autant le dire tout de suite, c’est vraiment une histoire étonnante. On sort tout à coup de la dimension intimiste du récit biblique qui s’en tenait au clan d’Abraham en terre de Canaan — rappelons-nous qu’en Canaan, les groupes nomades comme ceux d’Abraham sont une structure qui stabilise la région composée de roitelets qui ne cessent de se faire la guerre — ; on quitte donc cette dimension intimiste, familiale, pour prendre place dans la cour des Grands : d’un côté, rappelez-vous, la Mésopotamie ; de l’autre, l’Égypte. Et c’est en Égypte que tout va se décider.

C’est donc de l’Égypte qu’il va être question dans cette vidéo et les suivantes pour mieux entrer dans le récit de Joseph. Ce détour est nécessaire pour ne pas ravaler cette histoire à de la pure invention comme certains le laissent à penser. Rappelons-nous que du point de vue de la Tradition, c’est-à-dire de la mémoire vive qui constitue un peuple, il n’y a jamais de fumée sans feu. Si on ose rapporter l’histoire de Joseph, un des patriarches, en le mettant aux côtés des Pharaons de son époque, ce n’est pas simplement un fantasme pour épater la galerie.

Alors plongeons, même rapidement, dans cette histoire de l’Égypte.

Nous avions évoqué, à propos de la descente en Égypte du patriarche Abraham, que le Pharaon qu’il avait rencontré faisait partie de la civilisation des Hyksos. Les Hyksos ont laissé un souvenir très amer en Égypte : ils venaient des terres du Nord, leur culture était sémite, proche du peuple Houri de Mésopotamie. Numériquement très importants, avec des techniques guerrières inconnues jusque-là des Égyptiens — ils avaient des chars, des armes en bronze de haute qualité, des arcs plus efficaces —, ils déferlent sur l’Égypte et s’installent dans le Nord, coupant le pays en deux. Au Nord, ils implantent le culte de BAAL que les Égyptiens vont assimiler au dieu SETH : ceci est important, car en Mésopotamie comme en Égypte, BAAL et SETH sont ces deux divinités à l’origine de la création de l’homme à partir d’une agglomération d’argile (en Mésopotamie) ou une agglomération de limon rouge du Nil (en Égypte). Vous voyez déjà où cela nous emmène : Adam / Adâm : DâM = sang / ADôM = rouge / AdaMaH = la terre, l’argile, et en particulier l’argile rouge. Donc Adâm, don la racine sémitique signifie l’Homme, en tant qu’humain (les hommes, si vous voulez), est intrinsèquement lié à la terre, et à la terre rouge. Il faudra que nous nous en souvenions.

Revenons en Égypte.

Le Sud est donc un royaume affaibli, dont la capitale est THÈBES. Dans cette partie de l’Égypte, on garde le vieux culte de AMON, assimilé au Moyen-Empire au dieu RÂ, ou RÊ, le DIEU solaire. C’est en son nom que vers 1600 avant J.-C. va se constituer la résistance, de sorte que lorsque les Hyksos seront chassés, AMON deviendra le dieu libérateur national. C’est sous son égide que les rois de la XVIIIe dynastie imposeront leur domination jusqu’à l’Euphrate, c’est-à-dire jusqu’au Mitanni dont on se rappelle que c’est là que Jacob était remonté pour fuir la vengeance d’Ésaü, son frère jumeau.

— Vous connaissez au moins cette XVIIIe dynastie à travers la figure de TOUTANKHAMON dont le masque funéraire est au Louvre, et peut-être AKHENATON, le pharaon monothéiste. Mais, s’ils sont les plus célèbre aujourd’hui, ils ne sont pas les figures les plus marquantes de la XVIIIe dynastie qui fut l’une des plus puissantes de l’histoire d’Égypte. Il faut au moins retenir deux autres noms : TOUTHMOSIS III et AMENHOTEP III. Nous y reviendrons —.

Or il est précisément tout à fait intéressant de placer l’histoire de Jacob et de Joseph à cette époque, parce que cela nous permet de mettre en relation ce que nous racontent la Bible et les annales des Grands personnages égyptiens.

Comprenons bien : il ne s’agit pas de faire du concordisme, mais il est très important de se rendre compte que la rédaction des récits bibliques de cette époque ne sont pas que de la fantaisie mythologique comme un certain nombre d’auteurs le laissent supposer. Il est certain que, de cette campagne égyptienne à la poursuite des Hyksos, notamment avec la grande bataille de Megiddo dont THOUTMOSIS III sera le grand vainqueur, il n’est fait aucune allusion dans la Bible. Ce n’est pas son objet, et d’autre part, à cette époque, la Bible est concentrée sur ce qui se passe en Mésopotamie : Jacob est à Harân, chez Labân, dans le Mitanni qui ne connaît pas dans cette période les mêmes soubresauts politiques. Néanmoins, on va voir que l’Égypte et son influence sur le Mitanni ne sont pas étrangers à l’histoire de Joseph avec ses frères.

Placer l’histoire de Joseph à cette époque est bien sûr une hypothèse, mais une hypothèse éclairante. C’est celle d’un scientifique, Joseph Davidovits, qui présente la particularité d’être un expert mondial en géopolymérisation — l’art de la pierre reconstituée dans le domaine de l’industrie — et membre de la l’Association Internationale des Égyptologues. Comme son nom l’indique, il est juif, donc versé à la fois dans l’hébreu et familier des hiéroglyphes. Il s’est particulièrement fait remarquer par sa thèse sur la construction des pyramides en pierre reconstituée — on ne traînait pas les blocs de pierre taillée sur des chariots comme dans Astérix, mais on les moulait les unes sur les autres —, une théorie qui a fait l’objet en 2007 d’une exposition au Palais de la Découverte à Paris. Je vous mets d’ailleurs une petite vidéo réalisée par Joseph Davidovits qui reconstitue la fabrication des pierres moulées pour les constructions sacrées comme les pyramides. Je vous invite instamment à la visionner.

Donc le professeur Davidovits est un chercheur pluridisciplinaire et, en ce qui me concerne, c’est une raison de plus de lui faire confiance. Il croise ses sources comme peu ont l’occasion de pouvoir le faire, et il émet des hypothèses, originales certes, mais très inspirantes.

J’ai personnellement lu pas mal d’ouvrages sur la question de “l’historicité” des textes se rapportant à l’époque de Joseph, non pas des commentaires bibliques mais des études s’essayant à une reconstitution historique, notamment les ouvrages de Roger Sabbah ou Israël Finkelstein, mais aucun n’est convainquant. Ni le premier qui se livre à une pure spéculation littéraire à partir de la kabbale et d’une idéologie qui voudrait que AKHENATHON, un des rois de la XVIIIe dynastie, ait inventé le monothéisme ; ni le second, et avec lui William Dever et autres, qui ne se basent que sur les traces archéologiques, de sorte qu’ils relèguent tout ce qui est d’Israël avant l’époque royale au rang de pure mythologie.

Un livre de synthèse écrit par des exégètes : Ce que la Bible doit à l’Égypte, ne manque pas d’intérêt, ne serait-ce que pour confirmer ce que l’on sait maintenant depuis le siècle dernier : le Pharaon qui régnait à l’époque de Moïse n’a jamais été Ramsès II, ce qui libère considérablement la chronologie biblique qui lui était jusqu’alors associée et rendait proprement chimérique l’histoire de Joseph : on ne trouvait aucune trace d’un tel personnage à cette époque, ce qui est tout de même étonnant : comment Israël pouvait-il raconter la si grande ascension d’un de ses fils sans qu’il n’y en ait aucune trace dans l’histoire de l’Égypte ? Et c’est là qu’intervient la thèse de Joseph Davidovits.

L’intérêt de ce chercheur est, je vous l’ai dit, la pluridisciplinarité et le croisement de ses arguments. Et même si cela reste une théorie, que je vais tenter de vous résumer, vous allez voir qu’elle ne manque pas d’être passionnante et troublante. Précisons que cette thèse a des détracteurs, comme toutes les thèses, mais tous ceux que j’ai consultés ne font que dénoncer ce qu’ils jugent erroné sans apporter de véritable contre-argument. Donc jusqu’à preuve du contraire, nous suivrons cet auteur avant de revenir au texte biblique.

Bref. Que nous dit Joseph Davidovits ? Il nous raconte l’histoire d’un des deux personnages les plus immenses de toute l’histoire de l’Égypte, comme il ne s’en présente qu’un seul par millénaire : AMENOPHIS, le fils d’un certain HAPOU, d’origine sémite et qui fut l’égal des Pharaons au point, sans avoir jamais été roi d’Égypte, d’être l’unique personnage à avoir droit après sa mort à un tombeau-sanctuaire à KARNAK.

C’est ce personnage que je vous propose de rencontrer, dont vous allez voir peu à peu dans quelle aventure passionnante il nous entraîne. Une histoire d’autant plus passionnante qu’elle est d’une humilité prodigieuse, puisque loin de déboucher sur un culte de sa personne, Joseph va garder un chemin ouvert par son arrière-grand-père Abraham et s’effacer pour laisser place à l’œuvre de DIEU : la constitution d’un peuple qui allait marquer l’histoire de l’humanité tout entière.

C’est ce que ne voient pas la plupart des scientifiques qui n’ont qu’une vue humaine sur l’histoire, souvent matérialiste. Mais quand on arrive à prendre au sérieux l’histoire humaine comme l’histoire sainte, une histoire d’autant plus humaine qu’elle nous raconte l’aventure d’un dépassement qui ne peut trouver ses assises que dans la présence et l’action de DIEU, un DIEU qui rend alors cette histoire sainte ; alors on n’a plus peur de se mettre à l’école des annales royales profanes. C’est ce que le professeur Davidovits va tenter de faire, à mon avis de manière très judicieuse.

C’est ce que je nous inviterai à découvrir lors de nos prochaines rencontres où nous prendrons le temps de faire de l’égyptologie, nous rappelant par là que l’Égypte est l’un des berceaux les plus importants de l’humanité. Non qu’elle ait tout inventé, mais fécondée par l’intuition d’Abraham à travers le destin de Joseph, celle-ci a permis à Israël de naître. Nous en sommes les héritiers directs.

Je vous remercie.