12-01-2015

[Gn] 33 - Joseph est-il Aménophis, Fils de Hapou ?

par : Père Alain Dumont
Quand l'historiographie de l'Égypte antique rejoint la Bible...
Rubrique :Joseph
Duration:14 minutes 52 secondes
Transcription du texte de la vidéo :

(Voir la vidéo : http://www.bible-tutoriel.com/joseph-est-il-amenophis-fils-de-hapou.html )

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Pour une citation, mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutorielhttp://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'articleBonjour,


Bonjour,

Nous avons vu la dernière fois les grandes données de l’histoire de l’Égypte pendant la période de la XVIIIe dynastie, et c’est à partir de là que nous poursuivons notre enquête. Vous vous demandez peut-être comment on a pu découvrir cette histoire : en réalité, les documents sont fournis par 7 statues royales monumentales datées de cette période au dos desquelles se trouvent gravés de longs textes en hiéroglyphes. C’est grâce à ces documents de première main qu’on a pu reconstituer les étapes de la saga qui nous intéresse.

Donc TOUTHMOSIS III, le roi guerrier, était aussi un passionné de lettres, un passionné de sciences et notamment de la science de la poterie… Non qu’il soit écolo, mais la poterie à cette époque est un savoir faire aussi précieux que l’informatique aujourd’hui, au point que certains secrets de sa fabrication étaient de l’ordre du secret d’État, on verra pourquoi un peu plus tard.

Et voilà qu’en compulsant les archives de la bibliothèque royale, TOUTHMÔSIS III retrouve la description par IMHOTEP de la fabrication de la fameuse pâte de roche permettant l’édification des pyramides, mais aussi le moulage de statues et de pierres d’une qualité sans pareil. Il tente en vain de la décrypter. Mais même dans son entourage, chez les scribes versés dans les sciences, personne n’est capable de traduire ces sigles techniques datant de l’Ancien Empire, plus de 1200 ans auparavant. Cet art semblait donc définitivement perdu en Égypte…

Pourtant, il apprend par l’un de ses conseillers qu’une confrérie mystique du Mitanni, adepte de SHAMASH, dieu du Soleil et de la Justice, en a gardé un savoir-faire à partir des traditions du Nord — non à partir d’un limon, mais d’un basalte —. THOUTMOSIS III décide alors de faire venir un membre de cette confrérie et lui envoie un émissaire afin d’adopter un de ses fils et permettre ainsi à l’Égypte de retrouver ce trésor perdu. La pratique est courante en Égypte qui accueille des artisans immigrés de Syrie, du Mitanni ou de Chypre. Ce qui n’est pas sans danger, car cette pratique qui consiste à débaucher des artisans pour les faire émigrer, est mal vue des rois qui perdent ainsi un savoir-faire précieux pour la nation. C’est la raison pour laquelle il faudra élaborer un stratagème qui conduira à l’adoption plénière de ce fils par le Pharaon lui-même.

Plusieurs garçons sont présentés à l’émissaire et parmi eux un jeune, âgé d’une dizaine d’années, qui se révèle d’une intelligence exceptionnelle. L’émissaire expose le projet du Pharaon d’adopter cet enfant.

Son père, le doyen de cette confrérie, un dénommé Hapou (= celui qui se cache, qui se voile qui n’est pas sans rappeler Jacob, qui voile son identité à Isaac, son père), accepte à une condition : aucun membre de la confrérie ne la quitte avant sa majorité, à 18 ans. À son retour, l’émissaire expose à TOUTHMOSIS III le résultat de son ambassade. TOUTHMÔSIS III meurt en 1425, mais le projet n’est pas abandonné : il reviendra à son fils, AMENHOTEP II, de tenir la promesse de son père.

Cette hypothèse expliquerait pourquoi la Bible nous raconte que Jacob offrait des habits princiers à Joseph, et peut-être aussi les fameux songes où il se voit comme un astre, puis comme une gerbe de blé auprès desquels viennent se prosterner ses frères et ses parents. Qu’une jalousie s’ensuive n’est alors pas tellement étonnant : on imagine assez bien un Joseph prétentieux à qui est promis un avenir prestigieux sans qu’il n’ait rien fait pour le mériter.

L’année des 18 ans du jeune homme arrive — appelons-le Joseph pour faire bref —, vers 1419. Fidèle au projet de son père, AMENHOTEP II envoie un détachement chercher le garçon, ce que la Bible retient comme la caravane des Ismaélites qui fera descendre Joseph en Égypte. Une caravane qui tombe à point nommé pour des frères qui n’en peuvent plus.

Dès lors, pour éviter les représailles de la part des souverains qui auraient pu interpréter cet épisode comme un passage à l’ennemi et pratiquer des rétorsions sur sa famille, mieux vaut faire passer le jeune homme pour mort, mangé par des bêtes sauvages, y compris auprès de son père.

Bien entendu, je vous fais ici un amalgame entre l’historiographie probable de l’origine de Joseph selon les documents égyptiens qui en disent assez peu, si ce n’est qu’on y décèle bel et bien l’origine sémite du futur AMENOPHIS, Fils de Hapou, et le récit biblique. La Bible nous raconte la même histoire, mais ressentie du côté de sa famille. Certes, la Genèse nous dit que Jacob est revenu en Canaan, mais il a très bien pu faire le chemin depuis la visite du premier émissaire envoyé par TOUTHMÔSIS.

On sait par ailleurs qu’à cette époque, l’Égypte doit à nouveau s’imposer sur sa frontière Nord, car les rapports avec le Mitanni sont tendues. Donc il y a grand risque de débaucher Joseph : apprenant la nouvelle par les voies diplomatiques — car tout se sait d’une cour royale à l’autre —, les rois du Nord pourraient engager des rétorsions sur la famille.

Dès lors donc qu’il arrive en Égypte, officiellement en tant qu’esclave, Joseph n’a plus d’identité officielle : sa famille n’est pas en cause. Et vous pouvez aller lire avec intérêt le ch. 37 de la Genèse, en vous demandant, à la fin du chapitre, pourquoi les Ismaélites vendent précisément Joseph à PUTIPHAR, le commandant des gardes de Pharaon !!! Ça sent à tout le moins le stratagème qui place d’emblée Joseph dans le giron d’AMENHOTEP II.

D’autre part, la Bible nous raconte que Joseph était un être d’exception à qui tout réussissait : esclave de PUTIPHAR, il va exceller dans la gestion des biens de son maître. N’était-ce pas pour le Pharaon une manière de tester le jeune homme avant de l’adopter ? Qu’il soit ensuite jeté en prison pour une affaire mensongère d’adultère a pu être de l’ordre du scénario, voire même d’une ultime mise à l’épreuve de son honnêteté. La Bible montre bien qu’il y a là comme un itinéraire d’initiation : plus tard, Jésus dira avec force que tout homme qui veut s’élever sera abaissé. C’est un chemin d’humiliation qui fera de Joseph un véritable Grand du pays d’Égypte, sans quoi il aurait toujours été détestable, comme sans doute il l’avait été avec ses frères.

Nous reviendrons sur la question des songes lorsque nous étudierons le texte biblique pour lui-même. Disons simplement que cela correspond bien à l’idée qu’on se faisait dans l’Antiquité du Sage. Joseph n’est pas prophète, il n’est pas voyant ; il n’est pas un oracle, mais un sage. Et surtout, ce scénario lui fait passer l’épreuve de la justice, essentielle en Égypte où l’on vénérait MA’AT, déesse de la Vérité et de la Justice.

Toujours est-il que ce chemin, quel qu’il soit, l’amène à Pharaon. La Bible nous raconte qu’il fut nommé Premier du Royaume après Pharaon. L’historiographie égyptienne est plus réaliste. Pour cette dernière, Joseph est adopté définitivement par AMENOPHIS II, qui lui donne son nom en désignant sa filiation par Fils de Hapou, c’est-à-dire fils du camouflé. Ce nom de AMÉNOPHIS, FILS DE HAPOU est important, et c’est là que Joseph Davidovits apporte un indice étonnant : En Gn 41,45, Joseph reçoit un nom bizarre, qui ne veut rien dire, ni en égyptien, ni en hébreu : Çaphenâth-Panéah . Or ce nom de Çaphenâth-Panéah a été retrouvé au milieu du XXe siècle sur une fresque du Temple dédié à Aménophis, à Karnak. Et il se trouve que ce nom s’écrit avec les mêmes hiéroglyphes que AMENOPHIS, FILS DE HAPOU, mais à l’envers… Je vous renvoie pour comprendre à la vidéo du Pr. Davidovits ci-dessous, mais disons pour résumer que ce titre est précisément celui qui a été transcrit dans la Bible ! Cela semble bien confirmer que, pour les rédacteurs de la Bible, Joseph n’est autre que le grand et fameux AMENOPHIS, FILS DE HAPOU… La différence est que la Bible lui attribue ce titre alors qu’il aurait 30 ans, alors que la fresque le lui attribue alors qu’il en est à sa trentième année de service pour Pharaon. Le glissement est tout à fait compréhensible.

Un autre indice confirme l’assimilation de Joseph à AMÉNOPHIS, FILS DE HAPOU : ce nom connaît un diminutif : Houy. Les hiéroglyphes peuvent se lire ainsi : Hou-ophis-yy, ce qui, en lecture de droite à gauche, donne yy-siphouh, Yousouf en arabe, YOUSEF en hébreu… Bref. En tout cas, l’assimilation n’est pas une simple lubie, et elle trouve de bons arguments.

Mais ce n’est pas tout. Il nous faudra encore découvrir d’autres indices… la prochaine fois.

Je vous remercie.