25-03-2020

[Dt] De la réprobation à la miséricorde

Deuteronomy 1:1-5 par : le père Alain Dumont
Le Deutéronome se présente dès les premiers versets comme un livre de réprobations. Pourquoi ? Israël n’a-t-il pas déjà payé le tribut de son refus d’être entré en KaNa“aN lorsque YHWH lui en intimait l’ordre ? À quoi peut bien servir de le blâmer encore ?
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Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,

Nous allons aujourd’hui tenter de dépasser le v. 1 du premier chapitre ! N’ayez pas peur, on n’ira pas toujours à un rythme aussi lent, mais c’est vrai que si on veut commencer sérieusement, il y a des préliminaires qu’il ne faut pas manquer.

Donc, on l’a vu, le Deutéronome se présente d’emblée comme un discours, non plus de YHWH mais de Moïse, or ce discours a lieu, nous dit-on, dans le désert, dans le fameux MiDeBaR, vous vous souvenez, le lieu d’où jaillit une PAROLE, évidemment pour celui qui veut bien ÉCOUTER ! Encore et toujours ce thème de l’Écoute qui définit le FILS, et donc le PÈRE par la même occasion. Les deux sont indissociables. Du coup, le lien avec le livre précédent est tout trouvé, puisqu’en hébreu, le Livre des Nombre s’intitule : BaMiDeBaR : « Et YHWH parla à Moïse dans le Désert » (Nb 1,1), à quoi répond le Deutéronome : « Voici les paroles que dit Moïse dans le désert » (Dt 1,1) Donc vraiment, le désert est un lieu où surgit une parole, qu’elle soit de YHWH ou de son serviteur Moïse, sachant qu’écouter l’un, c’est toujours écouter l’autre, comme on l’a vu à propos du début du ch. 14 du livre de l’Exode.

Ceci dit, le v. 1, toujours lui, précise que le peuple est dans le désert qui est « au-delà du Jourdain », et là, il y a déjà un indice : si vous parlez depuis les steppes de MO’âV — la Transjordanie actuelle —, ce qui est « au-delà du Jourdain », c’est KaNa“aN ! Or précisément, ici, c’est l’inverse : l’« au-delà du Jourdain », pour le rédacteur, ce sont les steppes de MO’âV ! Ce qui veut dire que pour le rédacteur, le sol de KaNa“aN est le SOL DE RÉFÉRENCE. Alors ça peut aussi se comprendre fictivement, un peu comme si Moïse se disait avant de partir qu’il : « y est déjà »… mais plus sérieusement, le rédacteur écrit de là où il est, ou de là d’où il vient s’il est en Exil, et c’est donc au moins, dans son esprit, depuis la Judée qu’il rédige cette introduction. Sachant pertinemment qu’il s’adresse à ses pairs — p-a-i-r-s —, pour qui le sol de référence ne peut être effectivement que la Judée.

Suit alors une série de toponymes transjordaniens : on est dans la vallée de la ‘ARâVâH créée par ce qu’on appelle la Faille du Levant qui creuse une dépression depuis le Golfe d’Aqaba jusqu’à la chaîne montagneuse de l’Anti-Liban. Pour le reste, personne ne sait précisément ce que représentent ces lieux, ce qui n’a pas d’importance ! Pourquoi ? Parce que le but du rédacteur n’est pas de faire un relevé géographique mais de faire MÉMOIRE. Et encore une fois, faire mémoire ne consiste pas à référencer des archives, mais à TRANSMETTRE ce qui a un SENS pour les générations à venir.

Ceci dit, tous ces toponymes ne sont pas si surprenants que ça, parce qu’on reconnaît en fait la patte de l’écrivain sacerdotal qui affectionne tellement l’identification des lieux, des dates, des événements, etc. Or c’est lui — ou son école de scribes — qui a établi l’édition définitive de la TORâH, et qui s’est occupé de coudre les derniers raccords pour que l’histoire soit cohérente. Donc on va l’entendre se pointer quelques fois au fil du récit, pour le rendre cohérent. Tout le reste est de facture deutéronomiste, une autre école rédactionnelle proche des prophètes, très différente dans le style, on va le voir.

Ceci dit, si on a du mal à identifier ces lieux, n’allons pas imaginer qu’ils soient sortis de l’imagination d’un seul scribe ! Quand on connaît les lois de l’Oralité qui remontent bien au-delà du viiie siècle, qu’il s’agisse des lieux, des dates ou des généalogies, il faut que ces précisions aient été JURIDIQUEMENT authentifiées par au moins DEUX témoignages absolument IDENTIQUES. De cette manière, on est sûr que les longues listes généalogiques, par exemple, qu’on trouve de ci, de là dans la Bible, ne sont pas de faux documents. Et de fait, quand les exilés rentreront en Judée et qu’ils voudront recomposer le peuple à partir de ses racines, il faudra certes écouter les uns et les autres, mais surtout trouver chaque fois deux témoignages identiques et sans controverse pour prouver la véracité des lettres de noblesse présentées. C’est un travail très sérieux ! Eh bien ici, on peut appliquer la même règle : ces toponymes sont alignés suite au recueil de témoignages convergents, et on peut leur faire confiance. Alors maintenant, c’est vrai que ça ne correspond pas à des lieux que nous pouvons aujourd’hui identifier précisément, mais est-ce que ça veut dire pour autant que ces déterminations sont artificielles, sûrement pas ! On a les mêmes difficultés partout : il suffit de penser à la bataille d’Alésia entre Jules César et Vercingétorix ; impossible d’en connaître la localisation exacte, et pourtant, tout le monde sait qu’elle a eu lieu et qu’elle a été décisive. Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.

À tout le moins, on peut remarquer que trois de ces toponymes évoquent des étapes connues de la marche dans le désert rapportée dans les livres précédents, ce que les targums — c’est-à-dire ces traductions explicatives en araméen élaborées à l’époque du Christ Jésus — ; ce que les targums, donc, n’ont pas manqué d’exploiter. Je vous lis l’un d’entre eux — je vous ai mis en rouge ce que le targum ajoute, mais qui n’est pas de l’invention ! Il y a derrière ces ajouts tout un travail de réflexion midrashique qui tente de mettre un sens sur les mots de la TORâH à partir des analogies entre les textes. Donc voici le Targum, avec en rouge les ajouts au texte biblique : « Voici les paroles de reproche — et de fait, le Deutéronome est beaucoup sur le mode de la réprobation — que Moïse dit à tout Israël. Il les rassembla autour de lui alors qu’ils se trouvaient au-delà du Jourdain. Il prit la parole et leur dit : “Vraiment, la TORâH vous a été donnée dans le désert, à la montagne du Sinaï et à vous expliquer dans les plaines de Moab. Que de signes et de prodiges le Saint — béni soit-Il — a accompli pour vous depuis le temps où vous êtes passés sur le rivage du YaM SOuPh — la Mer des Roseaux —, où Il avait fait pour vous une route pour chacune des tribus ! Mais vous, vous avez été infidèles à la Parole et, à PaRâN, vous avez provoqué sa colère à cause du rapport des explorateurs ; vous Lui avez attribué — à YHWH — des paroles mensongères et vous avez murmuré au sujet de la manne blanche qu’il faisait descendre du ciel pour vous. Vous avez réclamé de la viande à HaTséRoT ; il vous revenait d’être exterminés du milieu du monde. Mais parce qu’il a fait mémoire en votre faveur du mérite de vos pères, les justes, de la Tente de la Rencontre, de l’arche d’alliance et des objets sacrés que vous aviez recouverts d’or pur, il vous a pardonné la faute du taurillon d’or. » (Targum Ps-Jonathan de Dt 1,1)

C’est sûr que c’est quand même pas mal développé — et encore, le Targum Neofiti est bien plus bavard —, mais il faut croire qu’à l’époque de l’élaboration des Targums — ou des Targumîm, devrait-on dire —, cette interprétation était commune. En tout cas, on entend bien qu’on a affaire, à travers cette évocation des étapes du désert, à des paroles de réprobation posées en exergue du livre, ce qui en donne d’emblée le ton. Les rabbins d’ailleurs ne manquent pas de le souligner.

Ceci dit, qui dit réprobation ne dit pas condamnation. La réprobation signifie qu’à la vue de tout ce qui s’est passé depuis la sortie d’Égypte, Tout Israël MÉRITE la colère de YHWH ; de sorte que si la sanction ne tombe pas sur lui, le peuple réfléchisse et apprenne à discerner ! D’une part : peut-on se croire autorisé à faire n’importe quoi sous prétexte que YHWH semble laisser couler les affaires — et la sagesse biblique s’interrogera souvent à ce propos : comment se fait-il que Dieu semble bénir les injustes ? — Certainement pas, répond le Deutéronome, et ce à la suite de tous les prophètes qui se sont succédé sur le sol d’Israël ! Et puis d’autre part, que nous apprend cette patience de YHWH ? Pourquoi patiente-t-il ? Et c’est à partir de là que va peu à peu émerger l’idée d’un Dieu MISÉRICORDIEUX.

À Israël, donc, de discerner qu’à travers cette marche dans le désert ponctuée de révoltes impatientes qui méritent la colère divine, il ne doit son salut qu’à un pur effet de la Miséricorde de YHWH. On retrouvera ce thème à la fin du Deutéronome : face à une colère méritée que YHWH pourtant suspend, quel chemin prendre ? Le chemin de la bénédiction, ou celui de la malédiction ? Le chemin qui reconnaît cette miséricorde et qui agit en l’écoutant ; ou le chemin qui prend cette miséricorde pour un signe de mollesse, et donc : « Puisque Dieu ne réagit pas, ça signifie que je peux faire ce que je veux ! »

Alors le Deutéronome s’efforce de prévenir du danger et exhorte Israël à se mettre sous la lumière de la Miséricorde ; une Miséricorde qui se trouvera être à la source du renouvellement incessant de l’Alliance et que les prophètes déclineront comme le signe d’un amour NUPTIAL ! Ce qui veut dire que, dès les premiers versets qui font insensiblement gronder la colère divine, le Deutéronome se présente en fait — de manière voilée, c’est-à-dire accessible uniquement à celui qui se met à l’écoute — comme un moment de RENOUVELLEMENT D’ALLIANCE. C’est d’ailleurs ce que dira la fin du ch. 28 : « Voici les paroles de l’Alliance que YHWH a commandé à Moïse de trancher avec les Fils d’Israël sur le sol de MO’âV, en plus de l’Alliance qu’Il avait tranchée avec eux à l’HoRèV. » (Dt 28,69)

Par ailleurs, ce mouvement de Miséricorde offerte alors même que le peuple mérite la colère de YHWH, est un thème qui introduit le mystère chrétien. Rappelons-nous le début du ministère de Jésus dans l’Évangile de Jean, lorsqu’il chasse les marchands du Temple. Les chrétiens sont mal à l’aise avec cet épisode. On en conclut souvent que ce jour-là, Jésus avait dû se lever du pied gauche ; ou alors que dans le fond, puisque lui aussi s’est mis en colère, ça peut bien légitimer les nôtres… Que nenni ! Ce que fait Jésus n’est rien d’autre que ce que fait Moïse au début du Deutéronome : il RÉPROUVE au Nom de son Père l’injustice que constituent des sacrifices purement extérieurs et mercantiles ! Mais une fois manifestée la colère de YHWH, tout le ministère de Jésus, dans le droit fil de l’Alliance de Moïse, manifestera le choix de YHWH de ne pas se laisser aller à sa colère et choisir de faire Miséricorde !

En d’autres termes, YHWH n’est pas une “bonne pâte” ! Primitivement d’ailleurs, avant la révélation du Buisson-Ardent, il était perçu en MaDiâN comme une divinité guerrière, une divinité de l’orage, c’est vous dire ! Avec Moïse, Il reste ce dieu de colère, parce que légitimement, c’est la seule émotion qui vaille devant l’injustice. Maintenant, la question est celle-ci : que faire de cette colère ? Il y a deux possibilités : soit elle pousse à exterminer ceux qui en sont la cause — ça, c’est le marxisme de Lénine ou autres Khmers Rouges qui ont lancé les peuples les uns contre les autres pour un résultat plus que douteux — ; soit, sans renoncer à cette colère, faire néanmoins le choix de NE PAS s’en rendre prisonnier ; faire donc le choix de la LIBERTÉ, qui n’est autre que le choix de la MISÉRICORDE ! Et YHWH témoigne précisément de sa souveraine LIBERTÉ en choisissant de faire MISÉRICORDE ! Alors pour comprendre ça, il faudra du temps à Israël, ce qui est normal, sauf que pour permettre à Israël de le comprendre, il faut unilatéralement que YHWH fasse le premier pas ! Ce qu’a formidablement compris saint Jean : « Voici en quoi consiste l’amour de charité : ce n’est pas nous qui avons aimé DIEU de charité, mais c’est Lui qui nous a aimés de charité, et Il a envoyé son Fils en sacrifice de pardon pour nos péchés. Pour nous, aimons de charité parce que DIEU Lui-même nous a aimés de charité le PREMIER » (1Jn 4,10.19)

Ce que dévoile saint Jean est juste essentiel ! Il nous dit que la véritable MISÉRICORDE qui ne consiste pas en une simple générosité flegmatique qui nous prendrait de haut, mais dans le choix de se SACRIFIER SOI-MÊME plutôt que de sacrifier les autres… Eh oui : quand on se laisse aller à la colère, c’est toujours pour sacrifier les autres ! Pour les faire taire, les éliminer, ce que vous voulez ! Eh bien : le miséricordieux se reconnaît à ce qu’il refuse absolument une telle solution. Le miséricordieux refusera TOUJOURS de choisir le mal pour enrayer le mal ; il refusera toujours d’ajouter du mal au mal, et sera toujours prêt à AVOIR MAL plutôt que de FAIRE MAL. Je vous le tourne dans tous les sens. Et là croyez-moi, c’est plus fort que tous les films Marvell compilés ! Parce que là, il n’y a pas de “superpouvoir” à la noix : il y a en revanche une réelle toute-puissance, et elle est charnelle : c’est celle de la CHARITÉ qui travaille à donner la VIE dans le cadre — disons-le tout de suite parce que le Deutéronome y reviendra — dans le cadre, donc, d’une amitié : l’amitié de YHWH pour son peuple est la clef de tout ce mouvement ! YHWH aime Israël avec la ferveur de l’Époux ; un Époux qui convoque Tout Israël à CHOISIR D’AIMER YHWH en retour, par GRATITUDE, en empruntant le chemin de la Vie qui donne la vie.

En tout état de cause, l’amour qui se révèle à travers cette miséricorde n’est en rien d’un amour passionnel. C’est d’un amour marqué par le don de soi POUR LE MEILLEUR ET POUR LE PIRE ; où l’une et l’autre parties travaillent à grandir dans une liberté où chacun abdique son égoïsme pour se recevoir entièrement de l’autre. Quand on pense qu’en Jésus, DIEU a accepté d’entrer dans ce jeu de cette LIBERTÉ jusqu’à se vider de soi-même, dira saint Paul, pour nous manifester charnellement son amitié, alors là, tous les super-héros de Marvell, les Thor, les Captain America et autre Docteur Strange peuvent aller se rhabiller !

La suite du texte biblique va bien dans ce sens : en substance, le v. 2 affirme qu’il ne faut normalement que 11 jours pour aller de l’HoRèV à KâdéSh-BaReNé”a, au sud de KaNa“aN. Or, dit le v. 3, c’est au cours de la 40e année seulement que Moïse prend la parole pour clore le séjour au désert et en tirer les leçons : c’est donc bien la faute de Tout Israël que ces versets évoquent en le réprouvant, ce sur quoi les targums vont justement insister : « Il y a onze jours depuis l’HoRèV, par la route de la montagne de GaBeLaH — c’est l’autre nom du Mont Ssé”îR — jusqu’à ReKhèM-Gé”aH. Mais parce que vous vous êtes détournés de YHWH et que vous avez provoqué sa colère, vous avez été retenus pendant quarante ans ! » (Targum Ps-Jonathan de Dt 1,2).

Alors soit dit en passant, le v. 3 est nettement de facture sacerdotale, j’espère que vous le sentez. Il fournit par ailleurs la seule et unique date de tout le livre dans lequel l’on ne trouvera ni calendrier, ni généalogies comme les affectionne tant l’école sacerdotale qui, je vous le rappelle, a peu ou prou achevé l’écriture de la TORâH. D’ailleurs, le rédacteur sacerdotal se trahit en appelant ici le peuple : « Fils d’Israël », alors que pour tout le reste du livre, le texte parlera de TOUT ISRAËL. Mais qu’à cela ne tienne : l’ultime rédacteur sacerdotal de la TORâH fait son travail de scribe : il TISSE L’HISTOIRE encore une fois ! Il fait ce que n’importe quel cerveau humain ne cesse de faire dans sa propre vie, vous vous souvenez ; à cette différence près qu’il le fait pour ordonner la mémoire de son peuple, de sorte que ce beau travail inspiré offre à TOUT ISRAËL de se sentir un seul CORPS, un sentiment est encore performant 2 500 ans plus tard.

Le v. 4 ressaisit pour sa part deux victoires correspondant à l’arrivée dans le territoire de MO’âV qu’on nous a racontées en Nb 21 et 22 ; et le v. 5 nous replace « au-delà du Jourdain » comme au v. 1. On a donc une inclusion qui désigne le passage essentiel, au centre de ce petit ensemble introductif, à savoir le v. 3 : d’accord, il y a eu des victoires, mais nous n’en sommes pas moins à la 40e année de pérégrination dans le désert, une durée infligée au peuple comme la conséquence de son refus d’avancer en KaNa“aN alors même que YHWH lui en ouvrait la porte. Et là, fut-elle sous-jacente, il y a une vraie réprobation.

Une dernière remarque avant de voir ce qu’on peut tirer de ces versets introductifs au discours de Moïse : le v. 5 ne dit pas que Moïse expose des lois, des TORoT — pluriel de TORâH — mais bien UNE TORâH ; ce qui veut dire que ce qui va suivre ne doit pas être reçu comme un simple catalogue de préceptes, comme une somme de directives se superposant les unes sur les autres au fil de la jurisprudence façon “code de droit français”, purement fonctionnel mais sans âme et sans histoire à la clef. Tout ce qui suit ne forme au contraire qu’UNE seule TORâH : la TORâH de Vie qu’il s’agit de choisir pour se mettre en marche, comme l’exprimera la fin du livre. Une TORâH de VIE que le peuple va être appelé à aimer, comme le signe qu’il aime et qu’il choisit de suivre YHWH en se mettant à l’écoute de sa Parole.

Dit autrement, ce qu’apporte le Deutéronome, en définitive, c’est essentiellement ça : il récapitule LES LOIS pour montrer qu’elles répondent toutes en réalité à UNE LOI, UNE TORâH qu’on peut dès lors DÉSIRER, parce que derrière « cette » TORâH — et elle seule — se dévoile moins un “contrat” qu’une ALLIANCE ; moins un “code” qu’une PAROLE : la Parole de YHWH, DONC YHWH en Personne, puisque derrière une parole, il y a toujours quelqu’un : YHWH en tant qu’il PARLE, donc en tant qu’Il est VIVANT, donc en tant qu’Il DONNE LA VIE indissociablement du fait qu’Il AIME ce peuple en se sacrifiant pour lui plutôt que de le sacrifier alors même qu’il le mériterait bien !

Là encore, Jésus s’inscrira dans cette ligne puisqu’il condensera cette TORâH en UN SEUL commandement : celui de la CHARITÉ, de sorte qu’à la manière des Targums, on pourrait gloser ce verset essentiel de l’Évangile selon saint Jean de la manière suivante : « C’est un commandement de renouvellement de la TORâH que Je vous donne afin que, comme je vous ai aimés de charité — c’est-à-dire comme je vous ai donné ma vie, je me suis sacrifié pour vous —, vous vous aimiez de charité les uns les autres — c’est-à-dire que vous donniez votre vie, que vous vous sacrifiiez les uns pour les autres. Et c’est sûr que ça, ça vous change le monde ! » (cf. Jn 13,34) On peut dire que dans la plus pure tradition du Deutéronome, ce verset de l’Évangile RELIT, REPREND toute la TORâH de Moïse en dévoilant l’âme ultime de l’histoire sainte : non seulement YHWH est VIVANT au sens où Il DONNE LA VIE, mais plus encore : toujours dans le fil d’une colère qui s’enflamme contre l’injustice du péché des hommes, en Jésus, YHWH restera souverainement LIBRE à travers l’exercice de la MISÉRICORDE : Il manifestera qu’Il est LE VIVANT au sens où choisira de donner non plus seulement LA VIE mais SA VIE, en Jésus donc, le Verbe Incarné, ce qu’Il ne pouvait pas faire en Moïse qui n’était qu’un homme. Un homme magnifique certes, mais seulement un homme, incapable d’engager YHWH dans le don de Lui-même jusqu’à traverser la mort pour manifester qu’elle ne saurait retenir dans ses griffes ceux qui ont revêtu leur existence du vêtement de la CHARITÉ, c’est-à-dire ceux qui sont habités par la TORâH de VIE et qui répondent par la Miséricorde à la colère que suscite en eux l’injustice dans le monde.

Voilà. Étonnant tout ce qu’on peut dire à partir de quelques versets apparemment seulement topographiques, n’est-ce pas ? Ceci dit, et c’est le plus important, j’espère que vous sentez combien le Deutéronome ouvre des perspectives inattendues et paradoxalement divines ! Combien il tire véritablement vers le haut ! La colère qui est sous-tendue par ces versets n’est là que pour ouvrir à la Miséricorde ! Magnifique !

Alors on n’en dira pas plus aujourd’hui. La prochaine fois, comme nous y invite l’introduction de ces cinq premiers versets, nous ouvrirons le premier discours de Moïse.

Je vous souhaite une bonne lecture de ce court passage, certes, mais qui ne se présente pas moins comme essentiel.

Je vous remercie.
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