27-01-2022

[Dt] Dette d'Honneur et Gratitude

Deuteronomy 6:10-25 par : Père Alain Dumont
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Ne jamais perdre le principe de GRATITUDE qui inspire l’entrée et le maintient d’Israël sur un sol qui, dès lors, lui procurera les bénédictions promises dans l’Alliance. Qu’Israël ne s’approprie pas le sol, car il l’exploiterait comme un maître illégitime. Qu’il n’oublie pas que ce sol est avant tout un HÉRITAGE à transmettre de père en fils.
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Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,

Nous terminons aujourd’hui notre lecture du ch. 6 du Deutéronome, à partir du v. 10. Après neuf versets d’exhortation générale, pour donner le sens et les moyens de rester fidèle à la TORâH de YHWH, retour au concret, mais à la lumière de ce qui vient d’être dit, évidemment : désormais, EN QUOI CONSISTE AIMER YHWH ? En habitant en vérité sur le SOL, en faisant fructifier le don du SOL de KaNa“aN sur lequel le peuple se prépare à habiter.

Formellement, tout le reste du chapitre va maintenant être un rappel de la libération d’Égypte, mais sous l’angle particulier désormais de la DETTE de YiSseRâ’éL vis-à-vis de YHWH qui a libéré son peuple. Eh oui : YiSseRâ’éL a été racheté par YHWH, et ce rachat fait partie de son histoire ; fait partie de son être, de ses gènes, au point qu’oublier cet épisode revient à perdre sa raison d’être, à devenir une nation parmi d’autres — la plus petite de toutes les nations de la terre, rappelons-nous — et donc d’être l’objet possible d’éradication par toute nation plus puissante qui se présenterait pour l’avaler ! Et Dieu sait si cette menace est concrète pour un sol qui se trouve être le lieu de jonction entre les empires égyptiens et mésopotamiens ! D’où l’importance VITALE de garder cette MÉMOIRE qui constitue le fondement même du peuple de YiSseRâ’éL, et en même temps la condition de sa survie.

Or cette MÉMOIRE est celle d’une DETTE : à jamais, YiSseRâ’éL est redevable à YHWH d’être là ; en vue, non pas d’être à nouveau esclave que quelque puissance divine, ce qui serait l’enfer, mais en vue d’être une LUMIÈRE pour le monde ; pour élever le monde.

Ce qui importe ici, c’est que toute la pratique des MÉMORIAUX sur laquelle on s’est largement étendu dans les dernières vidéos, se révèle être le moyen très efficace de NE JAMAIS OUBLIER cette dimension de DETTE. C’est d’ailleurs là l’enjeu de tout MÉMORIAL, juif ou chrétien : nous sommes, vous et moi, en DETTE d’une histoire qui s’est tissée sur la trame du TEMPS ; une DETTE qui ne nous déprécie nullement, puisque tout au contraire, c’est grâce à elle qu’on va pouvoir comprendre en quoi consiste la LIBERTÉ véritable.

Dit autrement, l’âme de la vie de YiSseRâ’éL, une fois installé sur le SOL, va consister à cultiver, grâce précisément aux mémoriaux, un espace vital de GRATITUDE ! Alors ici précisons : la gratitude n’a jamais consisté à « dire merci », comme on l’entend aujourd’hui dans les livres de psychologie positive, même chrétiens. La GRATITUDE, c’est très précisément le sentiment bienheureux de se sentir en DETTE. En DETTE d’un DON qui nous a été prodigué comme une GRÂCE. Je répète : La GRATITUDE, c’est le sentiment bienheureux de se sentir en DETTE d’un DON qui nous a été prodigué comme une GRÂCE — quel que soit ce DON : la vie, un SOL comme pour YiSseRâ’éL, une parole, un secours, ce que vous voulez. Et là, il faut oublier la notion purement pécuniaire de la dette. Il ne s’agit pas de rembourser ce genre de dette. Il s’agit d’HONORER cette DETTE en faisant fructifier le DON qui l’a générée — ce qu’on appelle une DETTE D’HONNEUR. Alors, et alors seulement, paraît la véritable GRATITUDE ! Et si une culpabilité subsiste, associée à cette DETTE, elle ne consiste pas dans le fait de ne pas l’avoir remboursée, mais de NE PAS AVOIR FAIT FRUCTIFIER ce qui a précisément été donné POUR PORTER DU FRUIT.

Pourquoi est-ce si important ? Parce qu’on est là à la porte d’entrée de la CULTURE qui n’a rien à voir avec une banque de données consultable, mais avec la transmission vivante, vivifiante, d’un BIEN COMMUN qui élève les peuples, génération après génération. De ce point de vue, une tirade bien connue de Michel Serres sur les ondes de France-Info en 2007 est éclairante :

« Si vous avez du pain, et si moi j’ai un euro, si je vous achète le pain, j’aurai le pain et vous aurez l’euro et vous voyez dans cet échange un équilibre, c’est-à-dire: A a un euro, B a un pain. Et dans l’autre cas B a le pain et A a l’euro. Donc, c’est un équilibre parfait.
Mais, si vous avez un sonnet de Verlaine, ou le théorème de Pythagore, et que moi je n’ai rien, et si vous me les enseignez, à la fin de cet échange-là, j’aurai le sonnet et le théorème, mais vous les aurez gardés.
Dans le premier cas, il y a un équilibre, c’est la marchandise ; dans le second, il y a un accroissement, c’est la culture.
 » (Michel Serres, interview sur France Info, 25 février 2007)

Michel Serres nous dit une chose juste sensée : nos anciens n’ont rien perdu en nous transmettant ce qui fait l’âme de notre peuple, tout au contraire. En revanche, si nous ne transmettons pas à notre tour ce que nous avons reçu ; si nous oublions la dette d’honneur que nous avons à l’égard de nos pères, alors nous perdons tout, et nos anciens perdent tout avec nous… Gardons ça en tête pour lire notre passage.

Donc : on voit mieux comment, en réalité, les v. 10 à 12 posent en fait le principe de la GRATITUDE : le SOL est bel et bien DONNÉ en accomplissement, dit notre rédacteur deutéronomiste, de la promesse faite aux Patriarches. Et on entend l’insistance du discours : « Quand YHWH, ton ‘ÈLoHîM, te fera venir vers le Sol qu’il a juré à tes pères ‘AVeRâHâM, YiTseRâQ et Ya”aQoV de te donner, avec de grandes et belles villes que tu n’as pas bâties ; des maisons pleines de tous biens que tu n’as pas remplies ; des citernes creusées que tu n’as pas creusées ; des vignobles et des oliviers que tu n’as pas plantés, mange et rassasie-toi. » (Dt 6,10-11).

Il s’agit donc de ne pas s’approprier ces biens du seul fait qu’on serait dans la place : « C’est moi le plus fort, donc c’est moi qui en profite ! » Sûrement pas, dit le texte, sans quoi, quelle serait la différence entre YiSseRâ’éL et les nations ? Donc pour ne pas tomber dans ce travers, YiSseRâ’éL est appelé à transmettre à toute sa descendance cette conscience d’être en DETTE ; en dette d’une histoire qui le précède et dont il hérite comme des fils héritent, non pas tant des biens en eux-mêmes, mais à travers eux, de l’HISTOIRE de leurs pères inscrite dans ces biens. Voilà ce à quoi travaillent les MÉMORIAUX quotidiens, mensuels et annuels : « Garde-toi d’oublier YHWH qui t’a fait sortir — qui t’a libéré — du sol de MiTseRaYîM, de la maison des esclaves. » (Dt 6,12).

Tout ça, en fait, c’est très fort, parce que cette conscience de la DETTE est en définitive le moyen pour YiSseRâ’éL de se recevoir ultimement de YHWH comme FILS, c’est-à-dire comme HÉRITIER. Tout héritier digne de ce nom se sait en DETTE ; une dette qu’il honore en prenant soin de l’héritage, sans se l’approprier, pour le faire fructifier. Dans le fond, c’est encore une différence essentielle avec le monde gouverné par l’argent : l’appropriation par les plus forts de biens dont ils ne sont en fait que les gérants. La parabole de Jésus à propos du riche va tout à fait dans ce sens : « Du milieu de la foule, quelqu’un demanda à Jésus : “Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage.” — Ah tiens : il est question d’héritage… — Jésus lui répondit : “Homme, qui donc m’a établi pour être votre juge ou l’arbitre de vos partages ?” Puis, s’adressant à tous : “Gardez-vous bien de toute avidité, car la vie de quelqu’un, même dans l’abondance, ne dépend pas de ce qu’il possède.” Et il leur dit cette parabole : “Il y avait un homme riche, dont le domaine avait bien rapporté. Il se demandait : ‘Que vais-je faire ? Car je n’ai pas de place pour mettre ma récolte.’ Puis il se dit : ‘Voici ce que je vais faire : je vais démolir mes greniers, j’en construirai de plus grands et j’y mettrai tout mon blé et tous mes biens. Alors je me dirai à moi-même : Te voilà donc avec de nombreux biens à ta disposition, pour de nombreuses années. Repose-toi, mange, bois, jouis l’existence.’ Mais Dieu lui dit : ‘Tu es fou : cette nuit même, on va te redemander ta vie. Et ce que tu auras accumulé, qui l’aura ?’ Voilà ce qui arrive à celui qui amasse pour lui-même, au lieu d’être riche en vue de Dieu.” » (Lc 12,13-20).

Voyez comment une telle parabole s’enracine dans le ch. 6 du Deutéronome qu’on pourrait gloser ainsi : « Garde-toi de toute avidité aux biens lorsque tu entreras sur le sol que J’ai promis à vos pères de leur donner ! » Tout le Deutéronome est habité par cette hantise de l’avidité, de la convoitise. On la retrouvera ciblée spécifiquement aux ch. 8,12-18 et 32,15-18. Mais évidemment, derrière tout ça, c’est la voix du prophète Osée qui résonne : « Oui, leur mère — c’est-à-dire YiSseRâ’éL, l’épouse que YHWH s’est attachée à Lui par l’Alliance — leur mère s’est prostituée, celle qui les a conçus s’est déshonorée quand elle a dit : “J’irai derrière mes amants qui me donnent mon pain, mon eau, ma laine et mon lin, mon huile et ma boisson.” — voilà : elle oublie de qui elle est en dette, du coup, elle s’amuse, elle va d’idole en idole ; ses biens lui semblent acquis et elle devient insouciante ! Du coup, YHWH réagit : — Aussi, Me voici : Je vais obstruer son chemin avec des ronces, enclore sa clôture : elle ne trouvera plus ses sentiers. Elle poursuivra ses amants mais ne les atteindra pas, elle les désirera mais ne les trouvera pas. […] Elle ne reconnaît pas que c’est Moi qui lui ai donné le froment, le vin nouveau et l’huile fraîche, Moi qui ai multiplié pour elle l’argent et l’or, et ils en ont fait un Baal ! — c’est-à-dire une idole — Aussi, Je retourne — ça c’est le vocabulaire de la conversion : son ingratitude mérite que je me repente de tout ce que Je lui ai donné —, Je reprends Mon froment en sa saison et Mon vin nouveau en son temps ; J’arrache Ma laine et Mon lin dont elle couvrait sa nudité. Etc. » (Os 2,7-11) Alors par après, YHWH, qui aime son peuple comme un époux aime son épouse, lui redonnera tout ; mais en attendant, ça ne rigole pas !

Alors que faire pour que YiSseRâ’éL évite ce piège ? — n’oublions pas que le rédacteur sait que YiSseRâ’éL y est tombé ! — Eh bien on inscrit dans la TORâH, c’est-à-dire dans l’être même de YiSseRâ’éL, dans ses fibres les plus intimes, la nécessité de se convertir, de faire TeShOuVaH, de renoncer aux chemins de l’illusion pour revenir à la source du DON. Pour ça : faire MÉMOIRE à temps et à contre temps de la sortie de MiTseRaYîM ; et à travers cette libération, faire mémoire de YHWH sans qui cette libération n’aurait jamais eu lieu, comme le rappellent les v. 12-13.

Autrement dit : « Fais mémoire de la DETTE contractée en MiTseRaYîM lorsque YHWH t’a racheté de ta mort programmée ; pour ne pas imaginer que tu arrives en petit conquérant sur un sol sur lequel tu pourras mettre la main comme le font les nations idolâtres qui s’imaginent les plus fortes en s’appropriant des territoires toujours plus vastes pour s’enivrer de pouvoir et oublier leur condition mortelle.

Et bien entendu, tout ça nous affecte au plus haut point, parce que ce genre de texte nous permet de reprendre conscience que CHACUN DE NOUS est en DETTE vis-à-vis de YHWH ; en dette de la VIE et de la LIBERTÉ ; une DETTE que l’Alliance avec YHWH — en Christ en ce qui nous concerne — et elle seule, nous conduit à HONORER en portant du fruit AU NOM DE YHWH qui en est la Source. Sans l’Alliance, l’homme ne peut rien faire ! Ce que Jésus réaffirmera en disant : « Sans Moi, vous ne pouvez rien faire ! » (Jn 15,15) C’est-à-dire : sans Moi, vous vous approprierez le monde, vous le gâcherez ; et pour reprendre une expression du linguiste américain Noam Chomsky : vous ferez passer le profit avant l’homme ! « Nul ne peut servir deux maîtres : ou bien en effet il haïra l’un et aimera l’autre ; ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez pas servir Dieu et MâMON. » (Mt 6,24). HaMON, en hébreu, c’est l’opulence qui agite l’âme, comme dans le Qohélet : « Qui aime l’argent ne se rassasie pas d’argent, ni celui qui aime l’opulence — HaMON — du profit. Cela aussi est vanité ! » (Qo 5,9) MâMON est la contraction de MîN HaMON, ce qui est « issu de l’opulence », à savoir le trouble que provoque l’argent roi, l’argent déifié, dont on fait une idole pour pouvoir s’approprier ce qui ne vient pas de soi. Enfin bref. Tout ça pour dire que le Deutéronome, et Jésus à sa suite, s’attaque là à une problématique de toujours — cette appropriation compulsive pour avoir l’impression d’exister — ; une problématique qui s’agrippe au cœur de l’homme, toujours tenté de ne vivre que pour soi et qui constitue le nerf de ce qu’on appelle le « péché », toujours associée à la convoitise.

Dès lors comment combattre cet esprit de MiTseRaYîM qui susurre paradoxalement à l’oreille de YiSseRâ’éL d’assujettir les populations en place au moment de recevoir l’héritage de KaNa“aN ? Eh bien, encore une fois, par l’exercice du MÉMORIAL qui lui rappelle sans cesse la DETTE sur laquelle se fonde son existence filiale : il reçoit un trésor de la part de YHWH ; un trésor — le fameux SOL — sur lequel s’est enracinée l’histoire des pères ; à lui et aux générations qui suivent de faire fructifier CE SOL qui constituait l’espérance des patriarches, et RIEN D’AUTRE ! Pas de conquête en vue à la manière des nations ! Alors se dévoilera la BÉNÉDICTION qui y est attachée. Et la mémoire de cette DETTE passe par la crainte de YHWH dans la mesure où perdre YHWH, c’est perdre l’héritage ! Décidément, YiSseRâ’éL ne possède rien ! Il reçoit tout, mais c’est à la condition de le faire fructifier !

Du coup, les v. 14 à 19, tout en détaillant une TORâH spécifique pour Israël, n’en ont pas moins pour autant une dimension universelle ! Les v. 14-15 reprennent le thème de la jalousie de YHWH, un thème qu’on a déjà vu à propos du Décalogue, en Ex 20, v. 5 et en Dt 5, v. 9. Rappelons-nous que cette “jalousie” n’a rien de la jalousie pécheresse qui pollue nos relations — jusqu’au meurtre parfois. Il s’agit de la passion de YHWH pour la VIE et de sa tristesse proportionnelle chaque fois que YiSseRâ’éL le renie et programme sa propre mort en choisissant le chemin des idoles.

Alors quand le v. 15 nous dit que cette folie mortifère appelle la colère de YHWH contre YiSseRâ’éL, ça signifie que dans la mesure où il ne se distingue en rien des nations, en toute justice, YiSseRâ’éL n’a pas lieu d’exister ! C’est plutôt brutal comme style, mais au moins, ça dit bien les choses ! Sauf que l’extermination, évidemment, ne vient pas — et le rédacteur inspiré ne le sait que trop bien, lui qui connaît l’histoire de son peuple, qui se met à l’écoute des prophètes —, mais YiSseRâ’éL aurait tort de penser qu’il s’agirait pour autant d’une défaillance de YHWH ! Il s’agit tout au contraire d’une DÉCISION puissante de YHWH, au nom de la VIE et du potentiel qu’elle ne cesse de porter ; il s’agit donc de pardonner l’impardonnable, c’est-à-dire de faire MISÉRICORDE ! Et pour ça, eh bien il faut être YHWH. « Combien de fois dois-je pardonner à mon frère ? Jusqu’à 7 fois ? Je ne te dis pas sept fois, mais soixante dix sept fois sept fois ! » répondra Jésus à Pierre, c’est en Mt 18,21-22. Autrement dit : exercer la miséricorde, ce n’est pas pardonner quand on en a envie, mais pardonner toujours, à l’image de YHWH ; parce que précisément, exercer la miséricorde à l’image de YHWH, c’est SAUVER LE MONDE ! Chacun à sa mesure, évidemment. Il n’empêche que c’est là qu’on commence à se sentir bien faible, mais rappelons-nous : la faiblesse n’est pas une défaillance : elle est le signe qu’on a besoin du secours d’un autre que soi. En l’occurrence ici, du secours de YHWH, c’est-à-dire  de Sa grâce.

Le v. 16 quant à lui rappelle forcément aux chrétiens quelque chose de connu : « Vous ne mettrez pas à l’épreuve YHWH votre ‘ÈLoHîM ! » (Dt 6,16) C’est évidemment la réplique de Jésus à Satan lors de la tentation au désert. Ici, la référence est celle de l’épreuve de Massa, c’est-à-dire quand le peuple, mourant de soif, se met à murmurer contre YHWH, de sorte qu’Il ordonne à Moïse de frapper un rocher pour qu’en jaillisse une source. C’est en Ex 17, v. 2 à 7.

Remarquons que dans les deux cas, c’est à partir de la pierre que naît l’épreuve : celle de l’eau pour Israël, celle du pain pour Jésus ; mais ce sont dans le fond les mêmes réalités si l’on n’oublie pas Osée qui est complètement présent ici. L’idée est toujours la même : ne murmure pas contre YHWH quand tu es en manque pour trouver un prétexte et te tourner vers les idoles ! L’eau est là, il faudra peut-être forer des puits, aménager des citernes etc., mais l’eau est bien là, par la grâce de YHWH. Si tu attends que tout te tombe tout cuit dans le bec ; et si, en étant contrarié que cela n’advienne pas tout seul, tu te mets à invoquer d’autres idoles qui n’auront pour seul but que de t’asservir, fais attention ! Ça ne fera qu’exalter la jalousie de YHWH, et tu vas sentir rougir tes fesses !

Encore une fois, c’est d’un HÉRITAGE qu’il s’agit — mieux que de “possession”, comme on traduit souvent en français —, et d’un héritage de VIE. Donc tout est donné : l’eau, le pain et toute autre sustentation nécessaires pour que YiSseRâ’éL puisse habiter ce sol. Mais il n’empêche : AU TRAVAIL, c’est-à-dire : écoute YHWH, « fais ce qui est droit », ravive toujours ton amour pour YHWH à travers les mémoriaux ; réponds à Son amour pour toi : alors tu connaîtras la BÉNÉDICTION inscrite au cœur de l’Alliance ! Et aucun ennemi, si puissant soit-il par les armes, ne pourra rien contre toi, dit le v. 19. Autrement dit, tu seras absolument LIBRE, toi et toutes les générations qui suivront !

Et là s’ouvrent les v. 20 à 25 parlant de la transmission de cette mémoire de père en fils, pour que cette LIBERTÉ ne soit jamais confisquée par une génération — comme ça l’a été dans notre histoire récente par la génération d’après guerre, et on en voit les dégâts aujourd’hui —, mais que la gratitude, la LOUANGE, soit le sentiment prioritaire qui attache les fils à leurs pères dans la succession — c’est le cas de le dire — ininterrompue des générations qui élève, qui fait monter YiSseRâ’éL jusque vers YHWH.

C’est cet exercice de mémoire qui fonde la pertinence de l’ÉCOUTE ! Une écoute qui ne cherche qu’à cultiver cette liberté charnelle pour illuminer toute action des fils de YiSseRâ’éL pour les faire hériter AUJOURD’HUI du SOL promis lors de la sortie de MiTseRaYîM ; et dans la continuité chrétienne, l’écoute de l’Évangile illumine à son tour toute action du chrétien qui se sait, par le Christ, libéré de la convoitise sur laquelle s’édifie le monde post-moderne, la MiTseRaYîM post-moderne ; ce qui lui permet dès aujourd’hui , grâce aux mémoriaux chrétiens, d’entrer dans le Règne du Père de qui il apprend à ne pas donner prise au monde de la convoitise et de la consommation ; à se désapproprier de soi pour toujours TOUT transmettre aux générations qui suivent pour que la vraie liberté n’élève rien de moins que le monde entier, et entrave sa descente aux enfers lorsqu’il s’enlise dans la convoitise ! Qu’on le veuille ou non, celui qui, grâce au Christ, est libre de toute convoitise, non seulement le monde est impuissant contre lui, mais il contribue à SAUVER le monde.

Encore une fois, ça ne veut pas dire que le chrétien ne peut rien avoir matériellement parlant ; mais ce qu’il a, il sait qu’il l’a en dépôt, en héritage. Il ne le possède pas : il doit le transmettre comme le support de cette mémoire absolument essentielle, à travers les mémoriaux qui en sont les clefs. voilà ce qui fait de l’homme un être vraiment à part dans la création. Enlevez-lui ces mémoriaux, et il n’est plus qu’un animal pompeux, un prédateur pitoyable, dont l’extermination sera le destin inéluctable !

Ceci dit, quoi qu’il en soit, la TORâH et l’Évangile gardent toujours l’espérance. Ne serait-ce que grâce au petit reste, comme l’appelle le prophète YeSha“eYâHOu / Isaïe : tant qu’il y aura des JUSTES, tant qu’il y aura des SAGES sachant puiser la vie dans la célébration des MÉMORIAUX instaurés par YHWH, la libération des premiers jours ne tombera pas dans l’oubli ! Mieux : elle donnera son fruit en ajustant toujours plus finement la volonté de ces JUSTES à celle de YHWH : « Père, non pas ma volonté, mais la tienne ! » (Mt 26,39). C’est là le centre du chapitre 6, aux v. 10-13.

Je vous souhaite une lecture libérante de ces versets. Nous verrons la suite la prochaine fois. Je vous remercie.
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