16-01-2023

[Dt] Les Fils de LéWî

Deuteronomy 12:1-28:69 par : Père Alain Dumont
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YeROuShâLaYiM résiste miraculeusement, et cest alors que l’élite intellectuelle du peuple prend les choses en main, dont limpact sera essentiel pour la suite de lHistoire juive : les Fils de LéWî. Mais en définitive, qui sont-ils ?

Cette vidéo — un peu plus longue que d’habitude — enquête sur leurs origines.
Transcription du texte de la vidéo : 
Tous droits réservés.
Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,

Nous avons vu dans la dernière vidéo comment les Assyriens ont déferlé sur YiSseRâ’éL, puis sur YeHOuDâH ; et comment, au terme dans la campagne de Sennachérib, le sanctuaire de YeROuShâLaYiM se retrouve, de fait, l’unique sanctuaire voué à YHWH encore debout. Le peuple a été complètement ébranlé par ces déferlantes assyriennes, traumatisé ; et la question se pose donc : comment comprendre que YHWH ait permis ça ? Y a-t-il seulement quelque chose à comprendre ? Or c’est là qu’entrent en scène, entre autres, les Fils de LéWî qui vont prendre une place notoire dans la suite du Deutéronome.



VI. UNE ORIGINE POSSIBLE DES FILS DE LÉWÎ

Spontanément, on se dit que les Fils de LéWî sont présentés dans l’Écrit qui porte leur nom dans la tradition chrétienne occidentale, mais que nenni ! Dabord le titre des bibles nest pas « Livre des lévites », mais « Le Lévitique », au regard des codes de loi qu’il contient ; en hébreu, il est appelé : WaYYiQeRa, וַיִּקְרָ֖א., « Et Il appela ». Et de fait, cest un livre sur lAPPEL — sur LES appels de YHWH et les réponses que TOUT YiSseRâ’éL tend à leur apporter, notamment par une vie du peuple puissamment codifiée ! Il sagit dun écrit dune spiritualité dautant plus élevée qu’elle est vraiment incarnée, charnelle.

Maintenant, ce Livre ne dit rien sur l’identité du clan des Fils de LéWî. Quant à ce qui nous en est dit sur eux dans les livres de l’Exode et des Nombres, il s’agit du Roman national qui enracine leur rôle au sein de TOUT YiSseRâ’éL, mais ça ne nous dit pas non plus qui ils sont, et encore moins d’où vient cette spécificité qui est la leur au milieu des autres clans de YiSseRâ’éL. Or aussi étonnant que ça puisse paraître, cest à partir de l’ÉVÉNEMENT qui a vu naître le Deutéronome qu’on va pouvoir un peu mieux apprendre à les découvrir.

Bref, qui sont ces Fils de LéWî et d’où sortent-ils ?

Il apparaît qu’au moins à partir du xe siècle, les Fils de LéWî représentaient une sorte de congrégation, entre autres dans les Royaumes de YiSseRâ’éL et de YeHOuDâH, rassemblant les prêtres des sanctuaires voués à YHWH ! Remonter plus loin est un peu subtil, mais des indices assez forts suggèrent qu’ils sont le fruit d’une rencontre avec les Qénites, c’est-à-dire les descendants de QaYîN / Caïn selon la mythologie biblique, dans le sud du NèGèV, notamment à Timna. Ce peuple a été étudié par un chercheur Juif de l’université Ben Gourion, en Israël, qui a édité une vulgarisation de ses recherches aux éditions du Cerf en 2020 : La Forge de Dieu. Ce livre passionnant n’est qu’une thèse, mais une thèse à tout le moins très éclairée dont nous allons nous servir pour tenter de comprendre qui sont les Fils de LéWî.

Selon cette thèse, les Qénites étaient une caste ésotérique sans territoire attitré, composée de maîtres de la fournaise. Dans le même sens, QaYîNâ en araméen signifie forgeron ; de même que QaYîN en arabe. Autrement dit, les Qénites étaient des métallurgistes qui maîtrisaient l’art de la forge : grâce à des tuyères ajustables, un souffle permettait d’entretenir et surtout de maîtriser une fournaise capable d’atteindre des températures approchant les 900 °C, seules susceptibles d’extraire le cuivre prisonnier du sol dans cette région. Cette maîtrise de la fournaise relevait d’une véritable sagesse ésotérique connue et respectée dans tout le Proche-Orient, MiTseRaYîM compris. Le nom de leur Dieu était un mystérieux Y-H-W-H, un dieu connu des seuls Qénites et dont Nissim Amzallag montre qu’il remonterait à une racine sémitique traduisant le SOUFFLE. Et de fait, si on tire sur cette racine en arabe par exemple — attention : je ne parle pas arabe, donc ma prononciation est plus qu’approximative ! — HaWâ signifie souffler ; TaHeWYYa, تهوية, désigne un endroit ventilé, mais peut désigner aussi un homme inspiré…

Alors on va voir que YHWH, en hébreu, c’est le verbe ÊTRE conjugable à tous les temps ; mais si la racine subsiste, ça signifie que cet ÊTRE est avant tout un SOUFFLE ; un SOUFFLE qui passe et qui inspire. Rien à voir avec les idoles des nations, on l’a souvent dit par ailleurs.

Ceci dit, en rapprochant les thèses des Pr. Nissim Amzallag et Joseph Davidovits — je vous rappelle que pour Joseph Davidovits, dans la ligne du patriarche Joseph-Aménophis, les Fils de LéWî sont, entre autres, des professionnels de l’extraction de minéraux comme catalyseurs chimiques pour fabriquer de la pâte de roche — ; en rapprochant donc ces deux thèses, on a là un montage à tout le moins suggestif concernant l’éclosion de ce clan singulier des Fils de LéWî.

Si donc on consent à ce montage, si hypothétique qu’il soit mais très documenté néanmoins, les Fils de LéWî — peut-être par l’intermédiaire de l’un des leurs en la figure de Moïse — prennent le relai des Qénites quant à la vénération ésotérique de ce Dieu mystérieux. Plusieurs auteurs, à la suite de Nissim Amzallag, pensent même que l’épisode du buisson-ardent est ici déterminant. Un jour je vous ferai une vidéo à ce sujet, mais il semble effectivement défendable que ce « buisson » qui brûle sans se consumer, soit en réalité une FORGE et que Moïse ait été initié par les Qénites à la divinité qui lui était associée, à savoir YHWH. Un YHWH qui a très bien pu être, par ailleurs, le dieu de ses pères par un autre biais. La TORâH en garde la trace à travers l’épisode du songe de Ya”aQoV à BéYT-’ÉL : « Amen ! YHWH est en ce lieu et moi, je ne le savais pas ! […] Si je reviens sain et sauf dans la maison de mon père, YHWH sera mon ‘ÈLoHîM ! » (Gn 28,16.21).

Ceci pour les origines.

Maintenant, ce passage des Qénites aux Fils de LéWî s’accompagne d’une révolution : les Qénites gardaient jalousement leur sagesse pour eux au nom d’un YHWH énigmatique — Rappelons-nous Pharaon en face de Moïse : « Qui est YHWH pour que j’écoute sa voix en renvoyant YiSseRâ’éL ? Je ne connais pas ce YHWH et je ne renverrai pas non plus YiSseRâ’éL ! » (Ex 5,2) — Pharaon ici ne ment pas : YHWH est le dieu Qénite ; et comme pur souffle, il échappe complètement au panthéon égyptien ! Donc la révolution qui préside à ce passage des Qénites aux Fils de LéWî tient dans le fait que les Fils de LéWî, eux, vont faire sortir YHWH de la clandestinité. Ils vont désormais en assurer le culte au sein des clans qui les accepteront comme caste sacerdotale.

Et c’est ce qui explique comment on les retrouve, pour la période qui nous occupe, comme gardien des sanctuaires de YHWH au milieu des deux Royaumes de YiSseRâ’éL et de YeHOuDâH — Alors on sait par ailleurs que YHWH est aussi vénéré en MaDiâN, en ‘ÉDoM et en MO‘âV, mais bon, là ça devient compliqué. Pour ceux que ça intéresse, Nissim Amzallag a publié en 2015 une étude passionnante de trois cents pages en anglais à ce propos. Pour ceux que ça intéresse, c’est dans les Cahiers de la Revue Biblique, n. 85 ; ça se trouve sur Internet —.

Toujours est-il que les Fils de LéWî, d’une manière ou d’une autre, en prenant le relai des Qénites quant à la vénération de YHWH prennent aussi leur relai quant à la maîtrise de la fournaise. Néanmoins, avec eux, il ne s’agit plus tant d’extraire le cuivre — encore que ce ne soit pas impossible, mais ça n’est pas le domaine de compétence que développe la TORâH — ; il ne s’agit donc plus tant pour les Fils de LéWî d’extraire le cuivre que de permettre la combustion des sacrifices, et en particulier des Montées — des holocaustes. Et de fait : si on ne fait pas grimper la combustion à des températures extrêmes, ce genre de sacrifices est interminable ! Réduire un taureau en cendres avec un feu conventionnel demande plus d’une demi-journée ! Si en revanche, vous savez maîtriser la fournaise pour la faire grimper jusqu’à presque 900 °C, le sacrifice est consommé en moins d’une heure ! De tels foyers sont évidemment très dangereux à manipuler et demandent un savoir-faire professionnel ; autrement dit une vraie sagesse ! Une sagesse dont vont mortellement manquer les deux jeunes prêtres arrogants, NaDaV et ‘AViHOu, dans le livre du Lévitique : « Cest alors que NaDaV et AViHOu, fils de ‘AHaRoN, prirent chacun leur cassolette, y mirent du feu sur lesquels ils déposèrent de lencens. Cest un feu profane — c’est-à-dire pas adapté : ils n’ont pas le savoir-faire ; ils s’avancent avec leur petit feu amateur vers une fournaise hyper technique à contrôler ! — qu’ils présentèrent face à YHWH, sans qu’Il leur en eût donné l’ordre. Mais, face à YHWH, un feu sortit et les mangea — eh oui : un retour de flamme incontrôlable à plus de 800° ! —. Ils moururent face à YHWH. » (Lv 10,1-2). Voilà : il s’agit ici simplement de deux jeunes prétentieux qui flambent à leur propre jeu. On comprend que ça ait marqué les esprits !

En tout cas, même si je vous le fais rapidement — trop rapidement j’en ai bien conscience —, on a vraiment des indices suggestifs qui permettent d’appréhender quelque peu la singularité du clan des Fils de LéWî. Contrairement aux autres clans affiliés à un sol agricole, les Fils de LéWî n’avaient pas de sol alloué. Ils étaient liés aux sanctuaires dont ils avaient la charge, d’une part pour y offrir des sacrifices grâce à leur maîtrise de la fournaise dans la ligne des Qénites ; d’autre part pour y garder et enseigner les traditions des clans au milieu desquels ils officiaient, dans la lignée de Joseph-Aménophis ; et enfin, toujours dans le cadre de ces traditions, pour rendre la justice. Si vous apparteniez au clan de Dan, par exemple, vu le savoir-faire que ça demandait, il était inimaginable que n’importe qui se promulgue prêtre dun sanctuaire de YHWH : il fallait pour ça avoir impérativement en son sein un homme appartenant à une lignée sacerdotale détentrice de la sagesse qui lui permettait de maîtriser des fourneaux. On peut même allier jusqu’à dire qu’à l’époque ou les Royaumes de YiSseRâ’éL et de YeHOuDâH n’avaient pas encore d’histoire commune — à l’époque où le Roman National de TOUT YiSseRâ’éL n’existait pas encore —, c’est par les Fils de LéWî dont les sanctuaires étaient répartis sur tout le territoire, que subsistait une certaine fédération interclanique.

Maintenant, il n’y avait pas que des sanctuaires voués à YHWH sur les territoires de YiSseRâ’éL et de YeHOuDâH : il y avait aussi ceux voués à Bâ“aL et à ‘AShéRâH ! Et la concurrence était féroce, comme je vous propose de le voir avec une grande figure des Fils de LéWî : le prophète ‘ÉliYâHOu dont l’histoire est racontée dans le premier livre des Rois.



VII. ‘ÉLIYÂHOU, UNE GRANDE FIGURE DES FILS DE LÉWÎ

Qui est ‘ÉliYâHOu ? Il était de TiSheBèH, traduit-on habituellement ; mais en tenant compte du fait que la racine YâShaV signifie s’asseoir, résider, on obtient plus littéralement : « ‘ÉliYâHOu, le résident d’entre les résidents de Gile“âd » (1R 17,1). Gile“âd est une région montagneuse du clan de MeNaShèH, à l’Est du Jourdain. Donc, en le qualifiant de pur résident, on nous dit implicitement qu’on ne le compte pas parmi les Fils de MeNaShèH, bien qu’il réside parmi eux. Alors qui est-il ?

Vu qu’il va offrir au ch. suivant un sacrifice au nom de YHWH, ça signifie ni plus ni moins qu’il est prêtre de YHWH, et donc Fils de LéWî au milieu des Fils de MeNaShèH ! Ça ne l’empêchera pas d’être prophète, tout comme plus tard YiReMeYaHOu / Jérémie, YeH.èZeQé’èL / Ézéchiel, et sans doute YeSha“eYâHOu / Isaïe à en croire sa vision inaugurale ; ou même encore Jean-Baptiste : tous sont Fils de LéWî et KoHéN (c’est-à-dire prêtre) ; et prophète de surcroît. Au demeurant, on voit que les plus grands prophètes écrivains sont a priori tous des Fils de LéWî : c’est dire l’importance de cette caste dans la vie de TOUT YiSseRâ’éL !!! Si révolutionnaires qu’ils fussent, leurs appels à la conversion ne venaient pas de l’extérieur, mais bien de l’intérieur même de l’institution !

Par ailleurs, on l’a dit, contrairement aux autres clans de la région, cette congrégation sacerdotale n’a pas de territoire propre — tout comme les Qénites d’ailleurs. Or ça, le ROMAN NATIONAL de la TORâH, écrit par ces mêmes Fils de LéWî au demeurant, va l’inscrire dans le marbre de deux manières :
• d’une part en établissant que les Fils de LéWî sont bel et bien, au même titre que les autres clans de
YiSseRâ’éL et de YeHOuDâH, un rameau de la lignée du patriarche Ya”aQoV-YiSseRâ‘éL ;
• d’autre part en attachant ce clan sacerdotal à la figure de Moïse — Fils de LéWî lui aussi, prêtre et prophète de surcroît : « En ce temps, YHWH mit à part le rameau — ou la tribu si vous préférez — de LéWî pour porter l’Arche de l’Alliance de YHWH et se tenir face à YHWH, pour officier et bénir Son nom jusqu’à ce jour. Voilà pourquoi, pour LéWî, il n’est ni part, ni héritage avec ses frères : c’est YHWH qui est son héritage, selon ce que lui a parlé YHWH, ton ‘ÈLoHîM. » (Dt 10,8-9).

Et voilà qu’un jour, nous dit le ch. 18, le roi ‘AH.aV rencontre ‘ÉliYâHOu qui l’accuse d’avoir abandonné YHWH et lui assigne de convoquer sur le Mont Carmel, donc toujours sur le territoire MeNaShèH mais à l’Ouest, cette fois, les 450 prophètes de Bâ“aL et les 400 prophètes de ‘AShéRâH soutenus par la reine ‘îZèVèL / Jézabel.

Et ‘ÉliYâHOu de leur lancer un défi : « “Qu’on nous donne deux taureaux ; qu’ils en choisissent un pour eux, qu’ils le dépècent et le mettent sur le bois, mais qu’ils n’y mettent pas le feu ! Et moi, je  préparerai l’autre taureau, je le donnerai sur le bois mais je n’y mettrai pas le feu. Vous crierez le nom de vos ‘ÈLoHîM et moi, je crierai le Nom de YHWH : le ‘ÈLoHîM qui répondra par le feu, c’est lui, le ‘ÈLoHîM !” Tout le peuple répondit et dit : “Bonne parole !” » (1R 18,23-24).

Or c’est là que tout va se jouer : les prophètes de Bâ“aL n’ont pas la maîtrise de la fournaise. Du coup, leurs incantations pour que le bois du sacrifice s’embrase sans y mettre eux-mêmes le feu ne produisent rien ! Suite de quoi le texte raconte que ÉliYâHOu reconstruit l’autel de YHWH, ce qui signifie qu’il y installe les fourneaux. Ça n’a rien de pervers : un autel de YHWH se bâtit avec des fourneaux, point final ! Que les autres ne sachent pas faire, c’est leur problème, mais en attendant, c’est précisément ce savoir-faire lévitique qui fait toute la différence ! Ensuite, ‘ÉliYâHOu peut bien mouiller le bois et la pierre, au moment où la fournaise jaillit, c’est une boule de feu de plus de 800 °C qui s’échappe depuis l’autel et tout est consommé ! « À l’heure de la montée de l’offrande, ‘ÉliYâHOu le prophète avança et dit : “YHWH, ‘ÈLoHîM DE ‘AVeRâHâM, YiTseRâQ et Ya“aQoV — là c’est un ajout tardif du rédacteur deutéronomiste, puisqu’à l’époque, les traditions n’étaient pas encore réunies, mais qu’importe. YHWH est bien le dieu des patriarches dans la vision deutéronomiste de TOUT YiSseRâ’éL — aujourd’hui, ils connaîtront que Toi, tu es le ‘ÈLoHîM de YiSseRâ’éL et que moi, ton serviteur, j’ai fait toutes ces paroles par ta parole. Réponds-moi, YHWH ! Réponds-Moi ! […] Le feu de YHWH tomba — la fournaise jaillit de l’autel comme une boule de feu éblouissante — et dévora la Montée — l’holocauste —, les bois, les pierres, la poussière et lampa l’eau de la rigole ! Tout le peuple vit et tomba sur sa face et ils dirent : “C’est YHWH qui est ‘ÈLoHîM ! YHWH, c’est Lui, le ‘ÈLoHîM !” — Tu parles ! Il y avait de quoi être impressionné ! — » (1R 18,36-40). Là-dessus, ÉliYâHOu fait passer tous les prêtres de Bâ“aL au fil de l’épée, signe que le conflit était à la vie à la mort entre ces cultes sur le territoire de YiSseRâ’éL. Mais il n’empêche : les maîtres incontestés des sacrifices, en particulier des Montées — des holocaustes — étaient bien les Fils de LéWî ! Alors ne vous en faites pas : la figure de  ‘ÉliYâHOu ne s’arrête pas là, mais on verra la suite, c’est-à-dire sa conversion, la prochaine fois.

En attendant, faisons le point : les Fils de LéWî étaient détenteurs dun savoir-faire : ils étaient des professionnels de labattage des bêtes et grâce à leur maîtrise de la fournaise, ils étaient des professionnels des sacrifices. Mais pas seulement ! Outre le fait qu’ils aient en charge le déroulement des liturgies, nombre dentre eux, sinon tous, savaient lire, écrire et compter ; ce qui ne veut pas dire qu’ils se gavaient de romans à l’eau de rose ni qu’ils s’amusaient à griffonner des notes en coin de table ! À l’époque, ce sont essentiellement les textes sacrés et les textes administratifs qu’on lit, avant tout pour les apprendre par cœur et être capables de les retranscrire sans faute ! En cela consistait principalement leur enseignement : faire en sorte que les jeunes générations de Fils de LéWî sachent par cœur les textes de la tradition, quels qu’ils soient, et puissent les retranscrire sans faute à leur tour ! Raison pour laquelle, traditionnellement, on n’était pas scribe avant l’âge de quarante ans. Alors pour la petite histoire, c’est là précisément ce qui va subjuguer les docteurs de la TORâH qui discutent avec Jésus dans le Temple quand il a 12 ans : alors qu’il vient à peine de faire sa Bar-MiTseWâH, il connaît toute la TORâH par cœur ! Il n’a pas quarante ans et il peut déjà être scribe ! Ils avaient de quoi être impressionnés !

Mais bon, trêve de parenthèse. Pour en revenir à nos Fils de LéWî, dans le même ordre d’idée, leur tâche propre de chanter les psaumes et les hymnes de la liturgie des sanctuaires ne relevait pas d’une simple tâche subalterne : c’était là encore des pièces entières qu’il fallait connaître par cœur, qu’on soit chanteur ou musicien, habiles joueurs de lyre, de flûte ou de percussions ! Donc ce clan n’était dans le fond rien de moins que l’ÉLITE en YiSseRâ’éL comme en YeHOuDâH.

En tant que tels, les Fils de LéWî étaient les gardiens de la tradition des clans au milieu desquels ils vivaient. Et sous couvert de cette sagesse, c’était à eux que revenait la tâche de rendre la justice, c’est-à-dire qu’on venait les consulter en matière de loi et de tradition, au nom de YHWH. La grande bénédiction de Moïse à la fin du Deutéronome est tout à fait explicite en ce sens : « Pour LéWî, [Moïse] dit : […] “Oui, ils ont observé ce que Tu as dit et gardé Ton Alliance ; ils enseignent tes jugements à Ya”aQoV et ta TORâH à YiSseRâ’éL — là on entend bien le rôle des Fils de LéWî dans la transmission — ; ils mettent l’encens dans tes narines — dans les tuyères de tes autels — et la Montée — l’holocauste — sur ton autel. Bénis, YHWH, sa valeur et agrée l’ouvrage de ses mains ! » (Dt 33,9-11a). Voilà, on peut difficilement faire plus clair concernant les Fils de LéWî.

Alors maintenant qu’on cerne un peu mieux qui sont les Fils de LéWî, revenons à la fin du viiie siècle qui nous occupe et regardons ce qui se passe pour eux à cette époque.



VIII. LES FILS DE LÉWÎ RASSEMBLÉS À YeROuShâLaYiM

Une fois posé le contexte qui a permis l’émergence du rameau des Fils de LéWî, revenons aux deux moments tragiques de leur histoire :

• d’une part lorsque les Assyriens effacent le Royaume de YiSseRâ‘éL de la carte en 727 ;
• d’autre part lorsque Sennachérib, à la tête des mêmes troupes assyriennes en 701, tente la même opération avec le Royaume de YeHOuDâH mais échoue mystérieusement devant les portes de YeROuShâLaYiM. Je vous rappelle : désormais, TOUS les sanctuaires voués à YHWH sont éradiqués. Ne reste debout que celui de YeROuShâLaYiM.

Lorsqu’en 727, les populations du Nord descendent dans le Sud, rappelons-nous : rien que la population de YeROuShâLaYiM est multipliée par quinze ! Alors il n’y a pas que les Fils de LéWî évidemment, mais en ce qui les concerne, ils arrivent en ayant tout perdu ! Et s’ils s’établissent là, c’est D’ABORD parce qu’il y a le Sanctuaire de la capitale. Seulement voilà : va-t-on les laisser exercer leur sacerdoce comme quand ils étaient eux-mêmes gérants des sanctuaires répartis sur tout le territoire ?

Alors il semble bien que dans un premier temps, ce fut effectivement le cas : on le verra dans la harangue de YeH.èZeQé’èL / Ézéchiel dans quelques instants. Mais à partir du retour d’Exil, particulièrement au ve siècle, on verra que les Fils de LéWî pouvant se prévaloir d’une ascendance en service à  YeROuShâLaYiM bien avant le déferlement assyrien n’auront pas la moindre intension de partager la prêtrise avec leurs cousins de YiSseRâ‘éL ! Ils se feront valoir d’une famille particulière attachée au Temple de YeROuShâLaYiM par la lignée d’un certain TsâDOQ institué comme Grand Prêtre par le roi SheLoMoH. C’est dans le premier livre des Rois au ch. 2, v. 26 à 35. Ce TsâDOQ, dit cette tradition, était lui-même de la descendance d’un certain אַהֲרֹן, ‘AHaRoN — que le Deutéronome au demeurant ne connaît quasiment pas, si ce nest en passant sous lattribut de prophète, mais pas de prêtre, et encore moins de Grand-Prêtre. ‘AHaRoN appartient vraisemblablement à une tradition attachée au sanctuaire de ShîLoH qui abritait l’Arche d’Alliance et dont on peut penser qu’elle portait la mémoire d’un Moïse, Fils de LéWî, libérateur. L’arche ayant été amenée dans le giron de YeROuShâLaYiM sous le règne de DâWiD — et là, il n’y a aucune raison d’en douter —, cette tradition y a sans doute été adoptée, ce qui expliquerait qu’elle soit déjà connue à l’époque du roi H.iZeQiYYâHOu.

Il n’en reste pas moins qu’au regard des traditions du Royaume de YiSseRâ’éL qui vont constituer la trame sur laquelle seront tissés des premiers linéaments du Deutéronome, la figure sacerdotale de AHaRoN est superbement ignorée. Même les rédacteurs plus tardifs ne chercheront pas à harmoniser son statut avec le reste de la TORâH. Donc là, on a un indice fort de la disparité d’au moins deux traditions LÉVITIQUES qui constituent les deux principales écoles de rédaction de la TORâH : l’une deutéronomiste, principalement d’inspiration lévitique du Nord ; l’autre, toujours lévitique — c’est dire l’impact des Fils de LéWî sur la vie et la pensée de YiSseRâ‘éL ! — mais cette fois nettement plus sacerdotale, dont les scribes étaient rattachés au Sanctuaire de YeROuShâLaYiM.

Enfin, on ne peut pas terminer ce panorama des Fils de LéWî sans évoquer la harangue de YeH.èZeQé’èL / Ézéchiel à leur encontre. Là encore, YeH.èZeQé’èL est lui-même Fils de LéWî, de la lignée des prêtres de YeROuShâLaYiM : « Pour ce qui est des LéWîYYiM qui se sont éloignés de moi quand Israël divaguait loin de moi, ils vagueront derrière leurs immondices ; ils porteront leur faute. Ils seront dans Mon sanctuaire des ministres chargés des portes de la Maison ; et ils serviront la Maison ; ils égorgeront la Montée et le sacrifice pour le peuple — là on voit bien que les Fils de LéWî avaient primitivement tous la capacité d’exercer le sacerdoce ! Mais dans les faits, en tout cas après le retour d’Exil, cette faculté sera retirée à tous ceux qui ne pourront pas se faire prévaloir de la descendance de ‘AHaRoN par TsâDOQ, donc d’un service qui s’est tenu exclusivement dans la Maison de YeROuShâLaYiM, le seul sanctuaire que YHWH semblait agréer puisqu’il était le seul ayant échappé à la destruction.

Ça ne signifiait rien de moins, aux yeux des prêtres de la Maison de YeROuShâLaYiM, que sous couvert de servir YHWH, les Fils de LéWî des autres sanctuaires avaient en fait servi une idole ! Souillure impardonnable. D’où l’injure d’un service d’immondices — , et ils se tiendront face à eux pour administrer. Parce qu'ils l’ont servi face à leurs immondices, et qu'ils ont été pour la Maison de YiSseRâ’éL un achoppement de faute, Je porte Ma main contre eux, oracle de ‘ADoNaï YHWH : ils porteront leur faute. Ils ne s'avanceront pas vers Moi pour me servir dans le sacerdoce — ah voilà : ils pourront préparer les sacrifices, mais plus les offrir ! Ce que le retour d’Exil accentuera en leur retirant même la faculté d’égorger les animaux —, ils ne s'avanceront pas vers les consécrations, vers Le Saint des Saints — c’est-à-dire du seul Sanctuaire où YHWH agrée les vrais sacrifices — ; ils porteront leur opprobre, leurs abominations qu'ils ont commises. Je leur donnerai d’observer l’observance de la Maison, en tout son service et en tout ce qui devra s'y faire. » (Éz 44,10-14)

Vous lirez la suite qui est nettement en faveur des Fils de LéWî de la lignée de TsâDOQ qui, eux, ont observé l’observance du Sanctuaire de YeROuShâLaYiM même quand le peuple s’égarait vers les idoles. En tout cas, une scission est nette au cœur de la famille des Fils de LéWî.

Ceci dit encore une fois, les Fils de LéWî exclus de l’offrandes des Montées et des sacrifices, n’en sont pas moins des gens lettrés, on l’a vu. Même déchus du sacerdoce, ils gardent une conscience aiguë de la place centrale du Temple de YeROuShâLaYiM à une époque où il sagit de bâtir une toute nouvelle société juive. Ils se mettront en demeure de collecter toutes les traditions rassemblées de fait à YeROuShâLaYiM, de les tisser en une histoire — le fameux Roman National — qu’ils se réciteront les uns aux autres jusqu’à les savoir par cœur avant de le fixer par écrit sur des rouleaux de parchemin qui composeront la TORâH.

Donc, pour résumer : les Fils de LéWî ne constituent rien de moins qu’une véritable troupe d’élite intellectuelle que le livre des Proverbes nhésitera pas à désigner comme : « Les hommes de H.iZeQiYYâHOu / Ézéchias, roi du YeHOuDâH. » (Pr 25,1). Dès l’époque où, par la force des choses, ils se retrouvent tous à YeROuShâLaYiM, avec une vraie noblesse, ils vont tracer un avenir pour leur peuple à la lumière des principales traditions des clans rassemblées avec eux à YeROuShâLaYiM. Et il faut croire qu’ils ne sy sont pas si mal pris, comme nous le verrons la prochaine fois.

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