Transcription du texte de la vidéo : https://www.bible-tutoriel.com/index.php?option=com_preachit&view=study&id=677:dt-a-la-rencontre-de-l-etre-temps&Itemid=1561
Tous droits réservés.Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article______________________________________________________________Bonjour,
Nous avons terminé la vidéo précédente sur une question assez essentielle : « Qui est YHWH ? » Dans les deux vidéos qui suivent, je
vous propose de nous attacher à décrypter ce que YHWH dit de Lui, ce qui beaucoup plus profond que ça en a l’air…
Alors on a vu que YHWH était très vraisemblablement la divinité ésotérique des fondeurs Qénites au moins dès le deuxième millénaire avant J.-C. On a vu qu’au premier millénaire jusqu’au viii
e siècle, on trouve plusieurs sanctuaires de YHWH dans les pays du Levant en concurrence avec les sanctuaires de Bâ“aL — sachant qu’à cette époque, la distinction entre les deux divinités n’était pas flagrante. Aux dires du prophète HOShé“a, entre autres, les habitants du Royaume de YiSs
eRâ‘éL appelaient volontiers YHWH : « Mon Bâ“aL ! » (
cf. Os 2,18) — Bâ“aL signifie : « Maître / Époux » — Bâ“aL faisait donc partie du paysage, au point que plus d’un haut personnage des Royaumes de YiSs
eRâ‘éL et de Y
eHOuDâH portait le nom de Bâ“aL : le roi Shâ‘OuL/Saül, par exemple, appelle son fils ‘ISh-Bâ“aL — l’époux de Bâ“aL — ; le juge Gédéon, ce grand héros de YHWH, s’appelle aussi YéRouBâ“aL (Jg 8,35) ; un des fils du roi David s’appelle Bâ“aL-YâDâ (1Ch 14,7) ; L’Arche de YHWH a été conservée depuis l’entrée en KaNa“aN dans une ville nommée : Bâ“aLéY-Y
eHOuDâH, dit 2Sam 6,2 — ou peut-être — sans que ça ne semble troubler personne ; le grand Sh
eLoMoH/Salomon lui-même avait une vigne à Bâ“aL-HâMON, dit le Cantique des Cantiques… MâR
eDDâKhaY / Mardochée, un des héros du livre d’Esther, porte un nom qui fait référence au dieu Marduk, le nom babylonien de Bâ“aL ; etc. Pour ne rien dire des rites assez similaires à bien des égards… Bref, il y avait sans doute de quoi y perdre son latin…
Ceci dit, c’est justement cette confusion-là que l’histoire biblique va travailler à résoudre jusqu’à faire en sorte qu’en 701, seul le sanctuaire de Y
eROuShâLaYiM, rendu à YHWH par le roi H.iZ
eQiYYâHOu/Ézéchias, reste debout. L’ÉVÉNEMENT est violent — rappelons-nous le déferlement assyrien et celui de Sennachérib —, et se résout de manière tout à fait mystérieuse, de sorte que la question est désormais inévitable : en définitive, « Qui est YHWH ? » ; « Que donne-t-il à entendre de Lui dans l’ÉVÉNEMENT de SALUT de Y
eROuShâLaYiM ? » ; et « Qui est YHWH qui s’est manifesté
« à maintes reprises et de bien des manières à nos pères par les prophètes » (Hé 1,1), comme dit l’épître aux Hébreux, mais que manifestement, nous n’avons pas su entendre ? »
Alors on va se saisir de la question en suivant le chemin des Fils de LéWî qui, de manière inspirée, ont fait valoir un ENTRE-DEUX assez déterminant, reliant d’une part l’ÉVÉNEMENT de Salut de Y
eROuShâLaYiM ; et d’autre part l’ÉVÉNEMENT du Buisson-ardent où l’on entend YHWH en personne livrer Son nom à Moïse, en Ex 3,14-15 — référence facile à retenir : ce sont les premiers chiffres du nombre
p —. Et la première question qui va nous occuper toute cette vidéo va être la conjugaison de l’hébreu biblique. Vous allez voir, les conséquences ne sont pas petites.
XIII. UNE QUESTION ÉPINEUSE DE CONJUGAISONDonc, pour comprendre l’ÉVÉNEMENT de 701 — le siège de Y
eROuShâLaYiM — et répondre à la question : « Qui est YHWH ? », les scribes entendent monter à leur mémoire, comme un appel, le récit de la rencontre de YHWH et de Moïse au Buisson-Ardent :
« [Si je dis aux Fils de YiSseRâ’éL] : “Le ‘ÈLoHîM de vos pères m’a envoyé vers vous !” et qu’ils me disent : “Quel est Son nom ?”, que leur dirai-je ? ‘ÈLoHîM dit à Moïse : “ ‘ÈHeYèH ‘aShèR ‘ÈHeYèH !” » (Ex 3,13-14).
Alors déjà, ça paraît mal embarqué, parce qu’en tout état de cause,
‘ÈHeYèH n’est juste pas un nom : c’est un verbe. YHWH dira d’ailleurs explicitement à Moïse, quelques versets plus loin : « Je suis l’ÊTRE » — le fameux tétragramme sacré. Du coup, si vous le voulez bien, dans cette vidéo, on va justement appeler YHWH comme il se dénomme Lui-même, c’est-à-dire : « L’ÊTRE ».
‘ÈHeYèH, donc, c’est le verbe ÊTRE : HâYâH,
הָיָה, non pas à l’infinitif mais conjugué à la première personne d’une tournure propre à l’hébreu biblique qu’on appelle l’INACCOMPLI… Aussi étrange que ça puisse nous paraître — on l’a déjà évoqué à diverses occasions —, l’hébreu biblique ne connaît pas nos étapes par lesquelles nous essayons de cadrer le temps : passé, présent, futur. Il préfère envisager la DURÉE, sous l’angle soit d’une durée achevée — on parle de la tournure ACCOMPLIE — ; soit d’une durée en cours — on parle alors de la tournure INACCOMPLIE.
Le mieux pour comprendre est de commencer par prendre un exemple simple :
• Si je dis : « Je suis arrivé ! », ça signifie à la fois : « je suis là », au présent ; mais ça signifie en même temps : « j’ai fini d’arriver » ; j’ai commencé à un moment d’arriver, et j’ai fini d’arriver ! Eh bien l’hébreu biblique préférera dire : « J’ai fini d’arriver » et utilisera l’ACCOMPLI. Pourquoi ? Pour ne pas tourner la page trop vite ! Aujourd’hui, on vit tellement dans l’instant qu’on voudrait que le passé s’efface au fur et à mesure que le présent s’installe, sauf que ça n’existe pas ! L’ACCOMPLI a cette grande vertu, précisément, de ne pas reléguer l’origine dans un passé révolu et inactif. Tout au contraire, il ancre le présent — c’est-à-dire la durée — dans le passé, dans une origine comprise comme un COMMENCEMENT. Sans ça, la durée n’est plus envisagée que pour elle-même et par elle-même, comme à notre époque, sauf qu’elle en devient insupportable ! Insupportable de non-sens ! La durée devient un pur fonctionnement… C’est comme un instrument de musique : si on n’entend pas l’attaque du son, personne n’est capable de dire de quel instrument il s’agit et le son en devient agressif, et à force insupportable ! Par exemple : de quel instrument s’agit-il ? xxxxxxxxxxxxx Et là ? xxxxxxxxxxxxx Et encore là ? xxxxxxxxxxxxx Impossibles à reconnaître ! En fait vous avez entendu successivement une trompette xxxxxxxxxxxxx, une clarinette xxxxxxxxxxxxx et un violon xxxxxxxxxxxxx. C’est l’attaque, autrement dit l’origine du son qui permet de le reconnaître et donc de l’apprécier et de pouvoir l’interpréter. Eh bien voilà la force de l’ACCOMPLI : il maintient audible l’origine, et ça, c’est absolument génial parce que grâce à cette tournure, on reste attentif à l’attaque originelle, pour ainsi dire, qui seule peut nous permettre d’apprécier et d’interpréter le présent, comme de savoir s’ouvrir à l’avenir, quel qu’il soit ; aussi surprenant qu’il soit ! Donc vous voyez : à travers la grammaire de la TORâH, le peuple Juif reçoit un mode d’être, un mode d’exister, d’appréhender l’histoire qui le prémunit du danger d’errance dans un monde sans origine, donc sans récit, sans histoire. La grammaire hébraïque de la Bible veille à ce que le peuple de l’Alliance ne se contente pas de fonctionner. Comme quoi la question du langage a une incidence très concrète sur l’existence des peuples. Un linguiste comme Noam Chomsky en est le plus patent exemple contemporain. Et comme par hasard, il est Juif.
Mais poursuivons :
• Maintenant, si je dis : « J’arrive ! », c’est un présent, un présent “duratif”, comme on dit. « J’arrive », ici, signifie : « Je suis en train d’arriver ! » ; « Je vais arriver ». Eh bien l’hébreu biblique préférera dire justement : « je suis en train d’arriver » ; « Je n’ai pas fini d’arriver ». Il utilisera donc la tournure de l’INACCOMPLI qui, de nouveau, le relie, l’attache à l’ORIGINE. De sorte que l’ORIGINE se dévoile comme cette étoile du Berger qui permet à la mentalité hébraïque de maintenir le cap de bout en bout… En disant : « Je n’ai pas fini d’arriver », l’INACCOMPLI dit en même temps : « j’ai commencé à arriver » — ORIGINE —, qui est le gage du fait qu’effectivement « je vais arriver ». Quelque part on pourrait dire que l’ORIGINE est gardienne de toute promesse ; de toute espérance, d’où l’importance de toujours y revenir — non pas pour y rester, mais pour toujours garder le cap, de quelque manière que ce soit au gré des événements qui composeront l’histoire. Garder le cap !
Je vous cite le père Jean-Marie Martin, qui fut chercheur universitaire, et qui était entre autres un fin grammairien :
« L'hébreu ne connaît pas les temps (passé, présent, futur) mais connaît des aspects, c'est-à-dire la différence entre ce qu'on appelle "l'accompli" et "l'inaccompli" :
– l'accompli peut correspondre à un présent qui garde la mémoire d'un passé et qui a de quoi perdurer. […]
– l'inaccompli peut désigner quelque chose qui a commencé, quelque chose qui commence, quelque chose qui est en voie de venir ou de finir, et donc il peut se traduire aussi bien par un passé que par un imparfait, un présent ou un futur. » (J.-M. Martin, « Les Verbes hébreux et les Problèmes de Traduction », lachristite.eu).
Dans le même sens, dans les années 60, dans un article sur le livre de Robert Aaron,
Les Années obscures de Jésus, Jean Guitton écrivait :
« La langue juive, par ses racines concrètes, aide à capter la pulpe, la moelle, la saveur de l'être. Elle n'est pas sensible à la différence, si usuelle en Occident, du passé, du présent et du futur. Elle se fixe sur le mouvement qui est le ressort de l'action. Elle se demande si l'acte s'achève ou ne s'achève pas. D'où un sentiment congénital de la durée ouverte à l'avenir. La langue d'Abraham évoque le flux du temps, et non ses étapes. Pour elle, en elle, le passé n'est jamais aboli. Le futur n'est jamais lointain. Tout consiste en un présent qui se reprend et qui se réitère » (Jean Guitton, « À propos d'un Livre de Robert Aaron », Le Figaro littéraire, 5 novembre 1960). C’est assez bien dit. Donc : par le jeu de l’accompli et de l’inaccompli, l’hébreu évoque le FLUX DU TEMPS, d’où les difficultés de traduction, vous imaginez bien !
Alors revenons à notre
‘ÈHeYèH ‘aShèR ‘ÈHeYèH. Il s’agit du verbe ÊTRE conjugué deux fois de suite à la première personne dans sa tournure INACCOMPLIE
. Du coup, on ne peut pas traduire : « Je suis qui je suis ! », parce que l’hébreu dirait :
« HâYîTî ‘aShèR HâYîTî »,
הָיִיתִי אַשֶׂר הָיִיתִי , ce qui n’est pas le cas. Ça voudrait presque dire : « tu n'as pas besoin de savoir qui je suis : je suis qui je suis ! »… On ne peut pas non plus traduire : « Je suis Celui qui est », sous-entendu, de manière catégorique : je suis l’Être Suprême, posé là, immuable et souverain. Il faudrait pour ça avoir la tournure accomplie :
« HâYîTî ‘aShèR HâYîTe »,
הָיִיתִי אַשֶׂר הָיִיתְ , ce qui, là encore, n’est pas le cas.
Certains proposent de traduire
‘ÈHeYèH ‘aShèR ‘ÈHeYèH, אַשֶׂר אֶהְיֶה אֶהְיֶה, par « Je serai qui je serai » d’après la grammaire de l’hébreu moderne. Sauf que la conjugaison au futur ne sait pas garder le lien avec l’ORIGINE que conservent précieusement les tournures bibliques de l’ACCOMPLI comme de l’INACCOMPLI. « Je
serai qui je serai » laisse une impression d’indétermination, façon : « L’avenir dira qui je suis, tu verras bien ! » On imagine mal Moïse signer un tel chèque en blanc !
En fait, si l’INACCOMPLI désigne quelque chose qui est en cours, c’est-à-dire qui a commencé, qui commence et qui est en voie de finir, il me semble que la meilleure traduction de
‘ÈHeYèH ‘aShèR ‘ÈHeYèH n’est autre que :
« Je suis Celui qui est, qui était et à-venir. » —
À-venir, en deux mots.
À-venir au sens où le rôle de l’ÊTRE est précisément de toujours maintenir ouvert l’à-venir, et avec lui TOUS les POSSIBLES, en particulier ceux que nous ne savons pas imaginer et dont le nombre est infini ! Daniel Sibony formule ça de manière très précise : « L’ÊTRE est l’INFINI DES POSSIBLES qui fait être tout ce qui est. » (DS, Question d’être, p. 58). À condition de bien comprendre que pour nous, maintenir ouverts cette infinité de POSSIBLES signifie accepter d’être carrément SECOUÉS dans la mesure où l’ÊTRE est tout, sauf calme ! Vivre dans la lumière de l’ÊTRE ne signifie absolument pas trouver une oasis où plus rien ne vient nous déranger, c’est même tout le contraire ! Raison pour laquelle le Siracide écrit :
« Mon fils, si tu te mets au service de YHWH, prépare-toi à subir l’épreuve. Fais-toi un cœur droit et tiens bon ; ne t’agite pas à l’heure de l’adversité. » (Si 2,1). On perçoit l’expérience !
Exemple :
– On se sent bien et on se dit qu’on est définitivement à l’abri de tout danger, et CRAC ! : sans prévenir, voilà que l’ÊTRE fait bifurquer la route sans qu’on s’y attende… On croyait aller assurément là et voilà que l’ÊTRE nous envoie ici, ailleurs ! Ce qu’on croyait maîtriser nous échappe et on ne sait plus ce que ça va donner ! SUR LE COUP, ça ébranle drôlement !
– Ou alors, comme souvent dans les Psaumes, la partie s’avère perdue ! On se dit : « Je suis foutu ! » Et voilà que mystérieusement, par une autre de ces secousses dont il a le secret ; par un ÉVÉNEMENT qui survient sans crier gare, l’ÊTRE — c’est-à-dire YHWH — remet de la vie là où la mort semblait avoir tout recouvert… Et là aussi, SUR LE COUP, ça secoue grave : ça donne à penser, et à parler — parce qu’on a alors un besoin intense d’en parler, de mettre des mots pour tenter d’interpréter ce qui se passe, ce qui est en train de s’ouvrir.
De toute manière, qu’on le veuille ou non, qu’on soit croyant ou non, l’ÊTRE relance la vie en permanence, dans un sens ou dans l’autre. C’est son rôle, sa fonction d’ÊTRE. Et encore une fois, ça ne manque jamais de secouer ! Raison pour laquelle, en ce qui nous concerne, il convient d’un côté de se méfier des situations qu’on prétendrait un peu trop bien maîtriser — parce qu’en définitive, qu’est-ce que l’homme maîtrise vraiment ? Ni la vie, ni la mort, et entre les deux, pas grand-chose… — ; et de l’autre côté, il convient de ne jamais redouter jusqu’à désespérer des situations mortifères. Quelle que soit la situation, à un moment ou à un autre, une chose est sûre : l’ÊTRE va fidèlement susciter un ÉVÉNEMENT et ça va secouer. Les Prophètes et les Psalmistes ne le savent que trop bien, eux qui pénètrent le mystère du TEMPS, de l’ÊTRE-TEMPS : rien n’est jamais figé, ni en bien, ni en mal. Et là, on est au seuil de la FOI et de l’ESPÉRANCE que tente d’exprimer l’INACCOMPLI : à chaque instant, l’ÊTRE relance l’origine et, à partir d’elle, ouvre une infinité de POSSIBLES. Voilà le propre de l’ÊTRE qui se révèle à Moïse :
‘ÈHeYèH ‘aShèR ‘ÈHeYèH, « Je suis Celui qui est, qui était et à-venir. »Du coup, pour nous chrétiens, ça rebondit assez fort parce qu’on retrouve ce nom dans l’Apocalypse de Saint Jean, dès le ch. 1, v. 4 :
« Jean, aux sept Églises qui sont en Asie, à vous grâce et paix de la part de Celui qui est, qui était et qui vient… » (Ap 1,4). Là, j’espère que vous reconnaissez le nom de l’ÊTRE :
‘ÈHeYèH ‘aShèR ‘ÈHeYèH !
Or là, on peut interroger la traduction : on traduit à raison le verbe grec
ἔρχομαι,
érchomaï, par « qui vient » ; et de fait, selon le contexte, ce verbe signifie ‘aller’ ou ‘venir’.
Reste pourtant que la traduction « Celui qui est, qui était et qui vient » pose une première difficulté : dans la même locution, on semble passer sans coup férir du temps à l’espace ! Spontanément, on entend : « Je suis l’être de toujours — temps —, et ne vous en faites pas : j’arrive ! — espace — » Ce qui semble renforcé par la fin de l’Apocalypse où Jésus dit : « Voici, je viens bientôt ! » On se croirait presque dans une pub pour Amazon prime : livraison le lendemain à domicile ! Et comme ça ne vient pas, on s’en sort en invoquant le Psaume : « Pour Dieu, mille ans sont comme un jour. » Ok, pourquoi pas ? Mais peut-être y a-t-il moyen de réfléchir autrement.
Alors soyons clairs : nombre de paroles du Christ annoncent sa « venue » dans la gloire ! Par exemple dans l’évangile selon saint Matthieu :
« Alors se manifestera le signe du Fils de l’homme dans le ciel ; alors toutes les tribus de la terre se frapperont la poitrine et verront le Fils de l’homme venir sur les nuées du ciel, avec puissance et grande gloire. Il enverra ses messagers avec une trompette retentissante, et ils rassembleront ses élus issus des quatre vents, d’un sommet des cieux jusqu’à l’autre. Cependant, à partir du figuier, apprenez la parabole : lorsque sa branche devient tendre et que ses feuilles sortent, vous connaissez que l’été est proche. De même, vous aussi, lorsque vous verrez tout cela, connaissez que [le Fils de l’homme] est proche, sur vos portes. Amen, je vous parle ainsi : cette génération ne passera nullement avant que tout cela n’advienne. Le ciel et la terre passeront, cependant que mes paroles ne passeront nullement. Quant à ce jour-là et à l’heure, nul ne les sait — ni les messagers des cieux, ni le Fils — sinon le Père, seul. » (Mt 24,30-36)Habituellement, , on interprète ce Jour comme un marqueur de la « fin des temps », et dans l’enfilade la « fin du monde », comme on dit. Mais Jésus glisse néanmoins une précision à côté de laquelle il ne faut pas passer trop vite :
« Cette génération ne passera nullement avant que tout cela n’advienne. » Que veut-il dire, sinon que cette « venue du Fils de l’homme » se produira en réalité dans l’ÉVÉNEMENT de son passage de la mort à la VIE, qui est LE SIGNE par excellence du Fils de l’homme. Cette « venue du Fils de l’Homme » est en réalité une « ad-venue » :
« Cette génération ne passera nullement avant que tout cela n’ADVIENNE. » C’est un «
adventus », autrement dit : un ÉVÉNEMENT dont le rôle est de constituer un NOUVEAU COMMENCEMENT, un RE-COMMENCEMENT, une NOUVELLE ORIGINE à partir de laquelle va pouvoir se déployer un NOUVEL À-VENIR et donc, si on se souvient de ce qu’on vient de dire, une nouvelle manière de PENSER — chrétienne — ; grâce à quoi les nations vont pouvoir à leur tour entrer dans une ÉTERNITÉ DE VIE marquée par l’amour, dès maintenant. « Dès AUJOURD’HUI », aime rappeler la prière liturgique : « Aujourd’hui, le Christ est ressuscité ! » résonne pendant tout le temps pascal ! Tout comme : « Aujourd’hui le Christ est né ! » est repris pendant tout le temps de Noël ! Pour ceux qui y sont sensibles, on retrouve comme par hasard un effet d’ENTRE-DEUX qui est le signe que cette pensée est bien vivante ! Qu’elle porte et qu’elle donne la vie. Voilà : l’ÉVÉNEMENT de la Croix et de la résurrection du Christ a donc pour fonction, en se posant comme nouvelle ORIGINE — une nouvelle ORIGINE qui se greffe sur celle que porte la TORâH en la secouant, en relançant sa dynamique — ; l’ÉVÉNEMENT de la Croix et de la résurrection du Christ a donc pour fonction d’OUVRIR l’à-venir, d’ouvrir « ce qui vient » ; bref, elle a pour fonction de maintenir ouvert le TEMPS. Et là, on reconnaît l’action propre de l’ÊTRE,
‘ÈHeYèH ‘aShèR ‘ÈHeYèH, « Je suis Celui qui est, qui était et à-venir. ».
Du coup, la « grande gloire » dont Jésus parle en Mt 24 ne signifie pas son triomphe à la mode romaine antique. Si on veut bien comprendre que justement, PAR SA RÉSURRECTION, le Christ OUVRE, RENOUVELLE, RELANCE la vie ; et qu’avec Lui s’ouvre un à-venir qui concerne désormais toutes les nations de la terre qui voudront bien s’attacher à Lui comme à cette Étoile du Berger dans le ciel — là encore, c’est dans l’Apocalypse :
« Moi, Je suis le rejeton et de la descendance de David, l’étoile resplendissante du matin » (Ap 22,16) — ; Si on veut bien comprendre ça, alors les perspectives, les POSSIBLES sont INFINIS ! Et c’est là qu’on peut se dire qu’en Jésus, l’ÊTRE se manifeste en plénitude. Il est vraiment
« Celui qui est, qui était et à-venir. », ce qui a l’avantage de nous désenclaver d’une attente de la venue du Christ façon superhéros descendant du ciel — raison pour laquelle Jésus nous prévient :
« On vous dira : “Le voici là”, “Le voici ici” ! N’y allez pas ! N’y courez pas ! » (Lc 17,23). Et d’autre part de nous faire mieux comprendre que la vie éternelle est déjà commencée, puisqu’il s’agit en fait d’une relance de l’ORIGINE pour un RENOUVEAU de vie que la mort habituelle ne sait pas retenir dans ses griffes. Le Christ maintient ainsi ouvert le TEMPS à chaque fois que la mort menace de le fermer. Encore une fois, c’est tout le mystère de la Croix.
Mais si on garde à la locution sa dimension temporelle, à la lumière de l’hébreu
‘ÈHeYèH ‘aShèR ‘ÈHeYèH, on peut tout à fait entendre que le message est en fait :
« à vous grâce et paix de la part de Celui qui est, qui était et à-venir… » (Ap 1,4). Surtout qu’on lit quelques versets plus loin :
« Moi, Je suis l’Alpha et l’Oméga, Celui qui est, qui était et à-venir, le Tout-Puissant » (Ap 1,8). Là, le sens temporel est prégnant ! D’autant plus prégnant qu’il est renforcé à la fin du livre, dans une grandiose inclusion, par :
« Je suis l’Alpha et l’Oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin. » (Ap 22,13), entendons ici : « Je suis Celui qui fait ÉVÉNEMENT, par qui tout commence et tout s’accomplit ! Autrement dit :
« Je suis l’INACCOMPLI et l’ACCOMPLI » Bref : Je suis l’ORIGINE à laquelle vous rattacher pour ne jamais être perdus dans le mille-feuille du TEMPS dans lequel vous, mes disciples, êtes plongés ; et qui fait de vous, comme peuple chrétien, l’À-VENIR, et donc la lumière des nations.
DONC : Dire
« Je suis l’Alpha et l’Oméga », c’est bien parler de TEMPS, ce que confirme la suite du verset :
« Celui qui est, qui était et à-venir. », ‘ÈHeYèH ‘aShèR ‘ÈHeYèH. Et quand le v. 8 s’achève en présentant Jésus comme : « Le Tout-Puissant », c’est pour signifier qu’être l’Alpha et l’Oméga, c’est n’être rien de moins qu’aux commandes du mystère du TEMPS ; c’est se présenter comme l’ÊTRE-TEMPS, c’est-à-dire comme l’INFINI DES POSSIBLES que sa TOUTE-PUISSANCE sait maintenir ouverts à chaque instant, y compris lorsque la mort semblera s’imposer. Et il est évident que cette TOUTE-PUISSANCE temporelle, l’homme, remis à son seul horizon, en est parfaitement incapable !
Alors on pourrait en dire infiniment plus : on pourrait essayer de voir comment, entre ACCOMPLI et INACCOMPLI se joue un ENTRE-DEUX qui fait que l’un REJAILLIT sur l’autre EN PERMANENCE ; comment, du cœur de cet ENTRE-DEUX, c’est une VIE en perpétuel RENOUVELLEMENT qui ne cesse d’être relancée, de sorte que la mort ne sait plus où donner de la tête, pour ainsi dire. Mais en tout cas, retenons au moins cette chose : lorsque YHWH se dévoile dans L’ENTRE-DEUX temporel qui relie entre eux l’ÉVÉNEMENT du siège de Y
eROuShâLaYiM et celui du Buisson-Ardent, c’est un TEMPS OUVERT à l’infini qui illumine les scribes en cette fin du viii
e siècle. Définitivement, en YHWH, rien, jamais, n'est figé, « car éternel est son amour ! » comme disent les Psaumes qui s’émerveillent sans cesse de ce grand mystère de vie.
Vous voyez que
‘ÈHeYèH ‘aShèR ‘ÈHeYèH nous mène loin, mais ça n’est pas tout ! Nous avons encore à poursuivre notre enquête dans la mesure où YHWH ne se présente pas seulement, dans l’ÉVÉNEMENT du Buisson-Ardent, comme
‘ÈHeYèH ‘aShèR ‘ÈHeYèH, mais aussi comme YaH
eWéH, le fameux tétragramme sacré imprononçable, ce qui relance encore le chemin — ce qui n’est plus très étonnant venant de sa part : on croit être arrivé, mais non : ça repart toujours ! Comme quoi nous n'en avons pas fini avec la découverte biblique de l’ÊTRE. Nous verrons ça la prochaine fois.
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