02-02-2015

[Ex] 2 - Un Temple-Mémorial pour Joseph

par : Père Alain Dumont
Retour à Joseph pour mieux comprendre le contexte de la vie de Moïse. À la mort du grand Scribe, Amenhotep III lui accorde le privilège de le vénérer par un Temple au même titre que les rois d'Égypte.
Duration:13 minutes 13 secondes
Transcription du texte de la vidéo :

(Voir la vidéo : http://www.bible-tutoriel.com/un-temple-memorial-pour-joseph.html )

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Pour une citation, mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutorielhttp://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article

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Bonjour,

Nous amorçons aujourd’hui la lecture du livre de l’Exode, qui commence tout simplement par un petit raccord avec la Genèse : en 7 versets, on nous dit que la famille de Jacob est descendue en Égypte, que Joseph est mort et qu’ayant multiplié, les Fils d’Israël remplissent la terre d’Égypte. Survient alors au v. 8  une phrase terrible : « Alors s’est levé sur l’Égypte un nouveau roi qui n’avait pas connu Joseph ! ». Et là, on est en train de nous dire que, pour comprendre Moïse, il ne faut pas trop vite oublier Joseph.

Que veut dire : « ne pas avoir connu Joseph » ? Il ne s’agit pas de ne pas l’avoir rencontré dans les couloirs. En réalité, la mémoire de Joseph-Aménophis a marqué l’Égypte pendant des siècles grâce notamment à la construction, par AMENHOTEP III, d’un Sanctuaire mémorial en l’honneur de ce scribe exceptionnel, de ces personnages comme il ne s’en présente qu’un seul par millénaire !

Revenons à la mort de Joseph-Aménophis, vers 1356 av. J.-C. Ce personnage fut tellement gigantesque que, même sans être roi, le Pharaon de l’époque — AMENHOTEP III — lui a accordé une faveur absolument unique dans toute l’histoire de l’Égypte (qui court quand même sur 3000 ans) : il lui permet d’édifier son Temple-Mémorial funéraire sur la rive Ouest de Karnak, le lieu saint de l’Égypte par excellence, au Nord de Thèbes. On trouve dans ce vaste espace les plus grands Temples d’Égyptes, notamment celui dédié à AMÔN-RÊ. En attendant, rendez-vous compte de l’itinéraire ! Lui qui venait d’un tout petit clan du Mitanni qui comptait moins de 70 personnes, nous dit Gn 46,27, voilà qu’il est reconnu, à sa mort, comme l’égal des Pharaons !

Alors posons-nous la question : qu’est-ce qu’un Temple-Mémorial ? Ou un Temple funéraire, c’est la même chose. C’est la question qui va principalement nous occuper aujourd’hui, parce qu’elle nous donne de nombreuses clefs pour comprendre la suite de l’histoire.

Un Temple-mémorial, c’est une construction édifiée près des tombes royales par les Pharaon les plus prestigieux — entendez par là dont le règne fut assez long pour mener à bien un tel projet —, afin de commémorer éternellement son règne après sa mort. On appelait ces sanctuaires : les « Temples des millions d’années ». On en trouve près des pyramides, pour l’Ancien et le Moyen Empire ; et à partir du Nouvel Empire, ces temples mémoriaux se retrouvent évidemment à proximité de la vallée des Rois, à Karnak, ou encore plus au sud à Abu Simbel : le Temple des millions d’années du fameux Ramsès II. On établit dans ces Temples-funéraires un culte du Pharaon associé à celui des dieux qu’il vénérait. Sur les colonnes et les murs, on trouve les récits des conquêtes, les œuvres du Pharaon, celles de ses ancêtres, etc.

Aux sanctuaires, quels qu’ils soient, est toujours allouée une donation du Pharaon en terres, en troupeaux, en serviteurs, pour permettre au clergé de faire vivre le culte, de subvenir à leurs besoins et d’entretenir les édifices. Ces Temples pouvaient être gigantesques ! De véritables mégapoles : on sait par exemple que plus de 80 000 personnes étaient nécessaires au fonctionnement du Sanctuaire fondé par RAMSÈS III, qui possédaient des étendues de terres phénoménales, sans compter les flottes de navires !

Donc vous voyez qu’en parlant de la fondation d’un Temple-Mémorial pour Joseph-Aménophis, on ne parle pas d’un vague sanctuaire symbolique voué aux visites touristiques comme le Panthéon à Paris. Ce serait plutôt des fondations du style, enplus discret, des Temples Franc-Maçon d’aujourd’hui, avec toute une administration, des réunions cultuelles, des banquets, des adoubements, des secrets gardés par les grands-maîtres. Avec un lobbying très actif au plus haut sommet de l’État, plus ou moins important selon les obédiences. La ressemblance est d’autant plus pertinente que les Franc-maçons d’aujourd’hui vouent véritable passion pour les cultes égyptiens de l’Antiquité.

Bref. Quoi qu’il en soit, établir une fondation pour Joseph alors même qu’il n’est pas, lui-même, Pharaon, c’est lui conférer, une fois mort, une autorité éternelle dans la vie politico-religieuse de l’Égypte. C’est signifier par là que sans Joseph-Aménophis, l’Égypte ne serait pas la puissance qu’elle est devenue et qu’elle entend rester grâce au culte rendu à cet incomparable personnage. Non qu’on en fasse un dieu — il sera divinisé bien plus tard, à l’époque des Ptolémées —, mais c’est plutôt une sorte d’intercesseur auprès des divinités qu’il vénérait, en particulier l’Horus KHENTII-KHATT-TII et la déesse MA’AT, la déesse de la vérité et de la justice. C’est elle qui garantissant la puissance morale de l’Égypte. Elle était la Loi, et aux dire mêmes du grand Scribe, c’est elle qui l’avait guidé toute sa vie.

Les statues de ces dieux étaient élevées au cœur du Sanctuaire auquel on accédait par des parvis successifs :

– On entrait d’abord dans le sanctuaire par un premier et vaste parvis orné d’arbres et d’un étang ;

– Puis dans un second parvis par lequel on accédait aux chapelles couvertes de fresques exaltant, non pas ici les batailles, mais le génie de Joseph-Aménophis ;

– Et enfin un troisième parvis, le « Saint des saints » en quelque sorte, où se trouvaient le sanctuaire proprement dit, avec les divinités.

Il n’est pas nécessaire d’être grand clerc pour reconnaître la disposition du Temple de Jérusalem. On n’en est pas encore là, mais cela mérite d’être mentionné. On y reviendra.

Alors maintenant, qu’est-ce qui se passait dans ce Temple funéraire ? Eh bien, d’abord, vous aviez tout un clergé chargé d’accompagner le KA, c’est-à-dire l’âme pétrifiée éternelle de Joseph-Aménophis vers l’idéal spirituel représenté par les divinités qu’il vénérait officiellement — sachant qu’officieusement, la Bible nous dit bien qu’il était resté attaché au Dieu de ses pères Abraham, Isaac et Jacob. Il y avait donc comme un secret attaché à la mémoire de Joseph-Aménophis. Or  comment transmettre ce secret, sinon en en confiant la garde aux scribes de sa propre famille ? Et en particulier à cette branche qui sera expressément chargée par Pharaon de garder son sanctuaire : les fils de HEBY. Je vous rappelle que HEBY est l’un des trois frères de Aménophis, Fils de Hapou, connu de l’historiographie égyptienne, avec YOUYIA et NEBY. Tous les trois devinrent de hauts dirigeants de l’Égypte.

Le  clergé qu’on trouve dans ces temples était organisé en collèges qui se relayaient chaque mois pour servir les divinités, avec chacun ses spécialités : vous aviez le Grand-Prêtre ; les prêtres chargés de lire les glorifications lors des cérémonies ; les prêtres astronomes qui déterminaient le calendrier des cérémonies ; les prêtres hémérologues, c’est-à-dire chargés du calendrier pour discerner les jours fastes et néfaste de l’année. Les prêtres au rouleau chargés des protocoles ; les prêtres scribes ; Les prêtres exorcistes ; les prêtres médecins, etc, etc. Et tout en bas de l’échelle, on trouvait les prêtres-ouâb, c’est-à-dire les prêtres purs, qui avaient pour charge la propreté de leur propre corps afin de pouvoir habiller le dieu chaque jour sans le souiller et de procéder aux purifications des objets du culte…

Ces prêtres étaient assistés de clercs, qui étaient les purificateurs chargés de préparer la nourriture offerte au dieu, mais aussi les musiciens ou les chanteurs voués à sa distraction du dieu et à sa glorification lors des cérémonies et des processions. Et lorsqu'ils n’étaient pas en service, les prêtres administraient les domaines de la fondation.

Le culte était journalier. Les prêtres prenaient à leur réveil un bain rituel purificateur. Puis ils se dirigeaient en procession vers le sanctuaire pour réveiller les dieux qui sommeillaient. Sous la conduite du grand prêtre, le rituel commençait au moment où le soleil pointait à l'horizon. On brisait le cachet d'argile qui scellait la porte chaque soir, et on ouvrait grand les battants. Le grand prêtre levait ses mains vers la statue pour « rendre son âme » au dieu et prononçait une formule consacrée : « Éveille-toi, grand dieu, éveille-toi en paix ! ». On disposait alors devant le dieu principal les offrandes de nourriture qui lui avaient été préparées : du pain, des oignons, des salades, de la viande de bœuf — la viande de porc était interdite —, de la bière et du vin. Et lorsque le dieu avait consommé la matière invisible des aliments, ceux-ci étaient répartis entre les autres dieux du temple, puis consommés par les prêtres.

À cette cérémonie quotidienne s'ajoutait les « rendez-vous » avec le dieu, à midi et le soir, qui étaient constitués de gestes rituels, d’aspersions d'eau et fumigations d'encens pour honorer le dieu. Et tout cela composait un rituel quotidien très bien huilé, sencé maintenir l’harmonie de l’Égypte.

Voilà. Si je vous raconte tout ça, c’est parce que nous allons retrouver des déterminations semblables dans le culte que Moïse va mettre sur pied dans le désert. Donc on est là à la racine du culte d’Israël ; non que ce soit une simple copie, mais à tout le moins, cet agencement va servir de base au service du culte spécifique des Fils d’Israël, avec évidemment un sens complètement revisité à la lumière du projet du DIEU de l’Alliance. Nous y reviendrons, mais essayez de garder tout cela dans un coin de votre mémoire.

Alors maintenant, il faut imaginer que pour le Temple-Mémorial de Joseph-Aménophis, on avait exactement le même rituel. Ce Temple-mémorial était d’une dimension honorable : on estime qu’il pouvait compter environ 20 000 officiants et esclaves ! Mais alors que sur les murs des fondations des Pharaons étaient inscrites d’immenses fresques rapportant les haut-faits du roi défunt, ici, vous aviez de la même manière d’immenses fresques où étaient inscrits les moindres détails de la vie d’AMENOPHIS, FILS DE HAPOU : ils formaient une gigantesque bibliothèque, répartie en différentes chapelles ; une bibliothèque qui glorifiait son génie scientifique, ses créations, ses découvertes dans tous les domaines, y compris médicales ; ses constructions monumentales, etc. Dès lors, on envoyaient les jeunes scribes se former au Sanctuaire d’Aménophis pour qu’ils se mettent à l’école de ce maître exceptionnel, sous la houlette des fils de HeBy.

Voilà donc le cadre qui se présente à nous après la mort de Joseph-Aménophis. Normalement, tout aurait du aller pour le mieux dans le meilleur des mondes, mais nous verrons que peu de temps après sa mort, AMENOPHIS IV, le futur et célèbre AKHENATON, va faire vaciller le grand édifice religieux, plurimillénaire de l’Égypte… Ce ne sera pas sans conséquences pour la suite de l’histoire. C’est ce que nous verrons la prochaine fois.

Je vous remercie.