05-11-2014

[Gn] 4 - Abraham et les nations

Genèse 13:1-14:23 par : Père Alain Dumont
Quelle est la nature de la relation d'Abram avec les nations ?
Rubrique :Abraham
Duration:9 minutes 49 secondes
Transcription du texte de la vidéo :
(Voir la vidéo : http://www.bible-tutoriel.com/abraham-et-les-nations.html )
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Pour une citation, mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutorielhttp://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article

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Bonjour,

13.

Retour à Bethel au chapitre 13,

séparation d’avec LOT pour une querelle de bergers :

Tout cela, ce sont des souvenirs d’histoires de CLANS mais qui font mémoire d’une origine commune ; la mémoire a conservé cette relation, en même temps que la séparation.

On vous dit qu’Abram est béni : prolifération des troupeaux.

D’où contestation : quand l’argent est quelque part, il y a toujours des conflits ! Sinon entre les propriétaires, du moins entre les salariés. La question ne date pas d’hier.

Alors on procède par délocalisation : LOT se dirige vers l’EST sur les bords de la Mer Morte : Sodome, ville du SUD.

Abram s’établit à Hébron, dans le Néguev : terre aride, désertique, chaude.

Où il faut se battre pour survivre.

Les temps sont durs !

14.

Voilà qu’une guerre éclate : des rois du Nord viennent faire la guerre aux rois des villes du sud de la Mer Morte, notamment Sodome et Gomorrhe. Sans doute un des récits les plus anciens : les noms ont changé : « la vallée de Siddîm, c’est-à-dire la Mer de Sel ». Vieille histoire : les fouilles archéologiques n’ont pas décelé d’habitation après le vingtième siècle, donc bien avant Abraham, que certains placent vers 1850 avt JC, ou 1650 avt JC ce qui est plutôt mon cas.

Voyez : on ne fait pas de l’histoire historicisante.

Cela nous choque, mais nous ne devrions pas.

Encore une fois, le but de la Bible n’est pas de faire de l’histoire critique, mais de rassembler, d’unifier.

Or il n’y a qu’une seule manière de rassembler : c’est de raconter l’histoire de l’intérieur. C’est ce qu’on appelle un mythe : « J’y étais ! ».

Comme un professeur d’histoire qui raconte une élection présidentielle : 1981, élection de François Mitterrand… les élèves sont plus ou moins attentifs : pour eux, toute l’histoire comprise entre leur naissance et le pléistocène ne fait qu’une seule et même masse informe ! Que Clovis ait vécu après ou avant Napoléon leur est totalement indifférent. SAUF… si en racontant l’histoire de l’élection, le professeur ajoute : « J’y était ! », ou, parlant de la guerre de 14 : « mon arrière grand père a été un poilu »… Tout à coup, on rentre, non pas dans l’histoire critique, mais dans l’histoire mythique, parce que personne ne songe à ce moment-là à aller vérifier si ce que raconte ce professeur est vrai ou non : et dans le fond, cela importe peu. Peut-être n’était-ce là qu’une manière pédagogique d’amener ses élèves à s’éveiller, s’intéresser et découvrir que pendant la guerre de 14-18, des hommes ont été capable de mourir pour leur patrie. Cela ne se comprend pas dans les archives, mais cela se comprend dans la rencontre des hommes.

Allons plus loin : le professeur raconte l’histoire de Marignan, et il ajoute : « J’y étais ! » Tout le monde sourit, mais quand il commence à raconter comme s’il y était, tout le monde écoute comme si c’était vrai. Et à la fin du cours, on est bien parce qu’on sent qu’on a vécu ensemble une véritable aventure. La classe s’est, pour un instant, soudé. Parce qu’on était tous avec le professeur qui s’était projeté en 1515. 1515 n’est plus seulement une date fétiche, on l’a tous vécu ! On est tous des enfants de François Ier !

Alors appliquons cela à la Bible. Une tradition rapporte le conflit de ces rois qui a eu lieu dans la vallée de la Mer Morte. Cette mémoire est commune au clan d’Abraham et celui de Lot. Leurs descendants racontent cet événement. Pourquoi ? Parce qu’ « ils y étaient ». Et si aujourd’hui, les deux clans se soutiennent, c’est bien parce qu’il y a eu un événement qui les a soudés ! Est-ce le moment de faire de la critique historique ? NON. C’est le moment de faire mémoire. Pas de « faire de l’histoire ».

Le Goff et Duby ont créé l’école des annales pour expliquer qu’en fait, ce ne sont pas les personnages qui ont fait l’histoire : les contingences économiques, sociales, voilà ce qui a fait ces hommes. Sauf que, dans ce contexte, dans ce flot, certains hommes ont su être là. La Révolution française a coûté cher à la population française : division, exécutions sommaires, terreur… Un homme, qui était dans cette histoire socio-économique, a saisi l’instant pour monter au créneau : voilà le héros. Ça aurait pu être un autre… mais non. Ce fut lui.

Il faut ajouter qu’à l’époque où se compose le récit biblique, on a cure des questions de date : on ne les connaît pas. Ce qui s’est passé au XXe s. avant JC est dans le même paquet que ce qui s’est passé en 1650 avt JC. On sait qu’il s’est passé quelque chose dans cette vallée de sel : la mémoire l’atteste. On sait d’autre part qu’un lien existe entre nos deux clans qui remontent à un événement où l’un est venu au secours de l’autre. Alors on rassemble les deux fait : la mémoire de cette guerre, et la mémoire des ancêtres : « J’y étais ! ». Et le fruit, c’est que ça nous permet de vivre ensemble dans la paix et la solidarité. Ce n’est pas l’histoire des annales ? Et alors ? Après, on ira voir, étudier, critiquer. Mais avant, on aura vécu quelque chose. Ne faire que de l’histoire des annales, c’est dans le fond très stérile. Il en faut, mais pas trop. C’est comme l’administration.

L’homme est un être grégaire. C’est un être de fratrie. Toute famille se construit sur un mythe. Détruisez ce mythe, et vous détruisez la famille. D’accord, vous savez ce qui s’est réellement passé par croisement des sources. Sauf que votre famille a explosé. L’histoire de la famille n’est pas nécessairement très belle : il y a eu des maladresse, des jalousies, des mensonges, en même temps qu’il y a eu des réconciliations peut-être, des actes héroïques… Si vous racontez tout, vous bousillez votre famille. Vous croyez être dans la vérité, mais vous êtes dans le chaos. Ben sûr qu’il y a eu des choses pas belles, mais au milieu de tout ça, il y a eu des héros. Et ce sont ces héros dont on a envie de se souvenir : ils ont rendu cette histoire familiale humaine, tout simplement.

C’est la même chose pour la Bible. C’est la même chose pour l’histoire de l’Église. Bien sûr qu’il y a eu des moments pas très glorieux. Mais il y a eu des saints, au milieu de ce marasme. Ceux qui veulent casser l’église feront de l’histoire historicisante : ils iront tout décortiquer. Résultat : ils auront cassé, au moins pour eux même, l’esprit de famille. D’autres, conscients que tout n’est pas rose, préféreront se souvenir des saints. Ils feront l’histoire de la famille de l’intérieur. Ils n’auront pas tout décortiquer, mais ils vivront un véritable aventure, et à leur tour, essayeront d’être des saints dans un monde pas vraiment drôle. Alors ils pourront dire : « J’y étais ! », plutôt que de dire simplement « Un tel a fait ça, un autre a fait ceci… » pour rester sur la touche et se faire le juge sans complaisance d’une histoire que, dans le fond, ils ne vivront plus…

Donc Lot est fait prisonnier. Abram va le sauver. Ils ont la même origine : UR. Ils sont solidaires.

Loyauté d’Abram : il vole au secours de son neveu,

et bien sûr, il le libère.

Est-ce possible ? Comment un petit clan pourrait vaincre des armées de plusieurs centaines d’hommes ? Et pourquoi pas ? L’histoire est faite de ces petit groupes qui, par leur ingéniosité, on su déjouer des armées entières. Et pourquoi pas ? Il y a eu un événement dont on fait mémoire, et cet événement, on l’a placé à ce moment où on se souvient d’une guerre ancienne dans la Vallée de Sel. Donc oui, « j’y étais ! », et depuis, les clans d’Abram et de Lot sont solidaires. Aujourd’hui, nous vivons en paix. C’est dans le fond le plus important. On ne fait la paix que sur une mémoire commune.

Et le récit continue. Abram revient de la mer de Sel, passe par la vallée du Roi. Le roi de Sodome vient à lui.

Et voilà que survient un personnage dont on ne sait rien : MELKHISEDECQ. On ne sait rien de lui. Il apparaît d’on ne sait ou, et disparaît pour toujours… Il y a quelques personnages comme cela dans l’histoire d’Abram. On va le voir dans quelques temps.

ROI DE JUSTICE… Melekh / Sedaqa.

Il est différents des autres rois, venus faire la guerre : lui sort à la rencontre d’Abraham pour faire la paix : Shalom. Il habite SHALEM. On sait que dès le IIe millénaire, une ville est connue des égyptiens sous le nom de URUSALÎM : ville de la paix.

Donc Abram n’est pas en opposition avec toutes les nations ! OUF !

Et même, ce roi vient le bénir : IL EST LE PREMIER ROI DES NATIONS À ENTRER DANS L’ÉLECTION.

Il signifie que, dès le début, les nations sont choisies par Abram.

Abram lui donne la dîme : il fait allégeance.

Donc le but d’Abram, de l’élection d’Abram n’est pas de passer au-dessus des nations !

Le but du juif n’est pas de surplomber les Nations.

La vocation juive est de porter la lumière du vrai DIEU au milieu des Nations.

Ce n’est pas la même chose.

Et là où il passe, le juif, comme le chrétien d’ailleurs, fait allégeance aux politiques.

Reste que Melkhisedeq est ROI et PRÊTRE, comme toujours dans l’Ancien Orient.

Et son DIEU est le même que celui d’Abram ! Le DIEU Très Haut, El ‘Elyôn, que le v.22 assimile au DIEU d’Abram.

Comment bénit-il Abram ? En offrant le pain (accueil) et le vin (boisson des sédentaires ? nomades).

pain et vin distingue l’homme des Animaux = viande et fruit naturels.

recevoir le pain, c’est se rassasier.

boire le vin, c’est s’entendre dire : tu es chez toi là où fructifie cette vigne. Tu es arrivé. Cette terre est bénie pour toi, elle fructifie pour toi.

1ère validation par les Nations de la vocation d’Abram.

Ce signe reviendra dans les psaumes : Tu es prêtre à jamais selon l’ordre du Roi Melkhisedeq !

C’est-à-dire depuis Jérusalem.

Un sacerdoce antérieur à celui des lévites, et pourtant en lien avec la protohistoire d’Israël : originel.

Donc nous apprenons dans ce chapitre qu’Abraham est solidaire de sa famille au milieu des nations injustes.

Mais en même temps, Abram n’est pas l’ennemi des nations.

Il ne fait pas la guerre pour avoir le pouvoir.

Et quand il rencontre un roi juste, celui-ci se reconnaît, parce qu’il bénit Abram.

Et bien : ce discernement entre les nations justes et les nations injuste sera toujours le même critère.

Les Nations injustes sont celles qui, par soif de pouvoir, s’opposeront aux descendants d’Abram.

Les nations justes sont celles qui bénissent Abraham,

se reconnaissent du même DIEU que lui.

Alors ces nations se savent choisies, élues de DIEU.

Elles grandiront sous la lumière de DIEU.

Elles ne se confondent pas avec le peuple d’Abram,

mais elles procéderont désormais d’un sacerdoce et d’une royauté du même ordre que celui de Melkhisedeq.