26-02-2015

[Ex] 9 - Quand DIEU se fait Parole

Exode 3:1-4 par : Père Alain Dumont
Moïse s'approche du Buisson Ardent pour voir, et voici qu'il se met à entendre ce qu'il voit...
Duration:18 minutes 25 secondes
Transcription du texte de la vidéo : https://www.bible-tutoriel.com/index.php?option=com_preachit&view=study&id=99:1-quand-dieu-se-fait-parole&Itemid=829
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Citation : mentionner : © Père Alain Dumont, La Bible en Tutoriel, http://www.bible-tutoriel.com/ + titre de l'article
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Bonjour,

Nous ouvrons aujourd’hui de ch.3 du livre de l’Exode. Moïse est devenu berger, et donc, de Grand d’Égypte qu’il était sans doute, comme nous le donne à penser l’historiographie ; de Grand Administrateur d’un Sanctuaire-Mémorial parmi les plus importants du pays, le voilà berger, après avoir été, d’après la tradition orale, jeté en prison. Donc voyez : Moïse a suivi le même chemin initiatique que Joseph ; qui sera le chemin initiatique de tous les élus jusqu’au Christ Jésus, et que ce dernier résumera de façon lapidaire : « Qui s’élève sera abaissé, qui s’abaisse sera élevé ! » Ici, il faut connaître une petite subtilité de la langue biblique : quand on a comme ça des formules au passif, c’est une manière d’exprimer que c’est DIEU qui agit, tout en évitant de prononcer son NOM très Saint. Donc que dit Jésus ? Il dit, en clair : Qui s’élève par lui-même sera abaissé par DIEU ! Et qui accepte de s’abaisser sous l’injonction de DIEU sera élevé par DIEU. Et quand on est élevé par DIEU, c’est toujours pour aller infiniment plus loin que là où nous serions allés par nos seules forces ! Cet abaissement nous a fait abandonner tout orgueil, toute présomption, toute vanité. Dès lors, notre vie devient une vie de qualité, à la fois humainement et divinement féconde !

Et donc tous ceux qui sont passés sur ce chemin appartiennent, pour ainsi dire, à la même confrérie ! La confrérie des humbles, MAIS attention : des humbles qui font avancer le monde, qui deviennent les bergers de l’humanité ; comme quoi, être humble ne signifie pas simplement avoir les mains jointes et la tête penchée. En affirmant que Moïse fut le plus humble que la terre ait porté, le livre des Nombres au ch. 12 ne dit pas qu’il a été un brave homme, mais un meneur ! Un leader ! Le plus grand leader que la terre ait porté ! Si seulement nos gouvernants voulaient comprendre ça…

Bref. Quoi qu’il en soit, en s’appuyant sur l’histoire de Joseph qui a été abaissé avant lui, on comprend donc que cette situation de berger est réellement prometteuse d’un avenir ; un avenir que Moïse, à présent, est prêt à assumer. Auparavant, rappelez-vous, devant la détresse de ses frères, sa gestion des affaires en tant que Grand d’Égypte avait plutôt été un vrai fiasco : ça n’avait réussi qu’à monter Pharaon contre lui et contre son peuple. Maintenant qu’il est un simple berger, il est peut-être plus en situation d’écouter ce que seuls les humbles savent entendre… Et il n’est pas au bout de ses surprises !

Vous remarquerez par ailleurs que le texte ne nous parle d’aucune brebis qui s’égare : cette précision appartient encore une fois à la tradition orale. Il est simplement dit, dans la Torah écrite, que Moïse mène le troupeau de son beau-père. Ce qui signifie au demeurant qu’il n’a pas même de troupeau à lui, comme Jacob dans les 14 premières années de son exil. Et le récit nous dit que Moïse mène le troupeau « par-delà le désert », jusqu’à la Montagne de DIEU, le ‘HoReB, qui est l’autre désignation du Mont Sinaï. Quand on parle du Mont Sinaï, cela signifie tout simplement la montagne qui est dans le désert du Sinaï ;  Ou peut-être y-a-t-il un jeu de mot avec l’hébreu SeNèH, qui signifie BUISSON, en particulier dans ce passage de l’Exode : à ce moment-là, le « Mont Sinaï » pourrait tout simplement signifier : le « Mont du Buisson ». Quoi qu’il en soit, ici, le Mont est appelé ‘HoReB, du verbe ‘HaRaB qui signifie « être sec ». Donc ‘HoReB, c’est simplement une « montagne sèche, aride », dont on perdra, avec le temps, le souvenir de sa localisation exacte. Tout ce dont on se souvient, c’est qu’un jour, sur une montagne sèche, il s’est passé un événement qui a bouleversé l’histoire religieuse du monde… Où est-elle ? Nul ne le sait, et quelque part, c’est tant mieux. Cela permet que l’homme ne mette pas la main sur cet événement. On reste dans l’ordre de l’humilité.

Alors c’est vrai qu’aujourd’hui, le Mont Sinaï est localisé traditionnellement dans la péninsule du Sinaï comme le DJEBEL MOUSSA, le « Mont de Moussa » = de Moïse ; mais c’est un site a été choisi au IVe siècle après J.-C. parce qu’il est imposant… Et c’est sûr que quand vous êtes au sommet, surtout le matin au lever du soleil roujoyant ; si en plus vous avez vu « Les 10 commandements » avec Yul Briner et Charlton Eston, vous ne pouvez que vous persuader que c’est le vrai lieu ! Sauf que c’est du pur imaginaire Holywoodien ! Par ailleurs, d’autres endroits sont possibles : comme le ‘HaR KaRKoM, le « Mont du Safran », découvert par le professeur Emmanuel Anati à la fin du XXe siècle, qui semble montrer que l’itinéraire du peuple qui marche avec Moïse suit les anciennes routes de l’âge du bronze à travers le Negev. Mais encore une fois, ce qui est important n’est pas de localiser à tout prix le Mont ‘HoReB. Ce qui importe, c’est ce qui s’y est passé et qui a bouleversé le cours de l’histoire de toute l’humanité, ce qui n’est pas rien !

Voyons maintenant comment cette expérience est rapportée dans la Bible. D’abord, elle court quasiment sur deux chapitres entiers, les ch. 3 et 4 du livre de l’Exode, ce qui montre bien son importance. On nous dit au v. 2 que celui qui intervient est « un ange du Seigneur », MaL’aKh, c’est-à-dire un messager. Entendez par là, non pas un bonhomme à plumes, mais le feu lui-même, comme une icône de DIEU. Et là, Moïse comprend vite : lui qui a été le Grand Administrateur du Sanctuaire-mémorial de Joseph-Aménophis dont le DIEU personnel, qui était pour lui la représentation “à l’égyptienne” pourrait-on dire, du DIEU de ses pères, était précisément l’Horus Khentti-Khatt-Tii, le dieu faucon surmonté de la couronne flamboyante. Donc que DIEU se présente dans un feu est explicite et va dans le même sens. Alors maintenant, pourquoi apparaît-Il dans un buisson ? On s’attendrait à un peu plus de faste ! Quand DIEU se révèlera à son peuple, ce sera à travers une théophanie plutôt tonitruante. En même temps, c’est ce qu’on pourrait appeler une « Révélation Privée »… Donc : au peuple la manifestation éclatante ; et à Moïse une manifestation à taille plus “humaine”, pourrait-on dire. Bon, il y a d’autres interprétations, mais nous n’en dirons pas plus en ce qui nous concerne.

Ce feu a néanmoins quelque chose d’étrange : il ne consume pas le buisson ! J’aime assez, personnellement, la tradition qui enseigne que non seulement le buisson ne se consume pas, mais plus il est enflammé, et plus il fleurit. Cela exprime assez bien les choses : de ce qui est le plus aride — et quoi de plus aride qu’un buisson du désert ? —, le feu de DIEU, c’est-à-dire sa Lumière, fait germer la vie. Il y a là quelque chose de très fort ! Car enfin, ce n’est rien de dire qu’Israël est dans un des moments les plus arides de son histoire. Et qui est DIEU sinon Celui qui va faire refleurir cette histoire ; Celui qui va faire porter du fruit à cette histoire !

Et voilà que Moïse s’approche… C’est surprenant, parce que le premier réflexe, à cette époque, ce n’est pas de s’approcher du surnaturel, mais plutôt de s’en éloigner par crainte… Seul les prêtres s’approchent du surnaturel. Mais non. Alors est-ce que sa position de Grand Administrateur de Sanctuaire, donc habitué de ces sanctuaires sacrés, lui donne cette audace, même devenu un simple berger ? Difficile à dire.

Quoi qu’il en soit, voilà qu’à présent, il ne se contente pas seulement de « voir », mais voilà qu’il « entend ». Il ENTEND CE QU’IL VOIT… Là, vous avez une image magnifique de la Thora ! Pourquoi ? Parce que lorsque vous lisez la Bible, vous la « voyez » ; c’est comme ça qu’on peut lire la Bible par affaire de culture… Mais quand vous la scrutez, quand vous cherchez ce qu’elle veut dire, quand vous venez à elle avec une question, tout à coup, vous l’ « entendez » ! Combien de jeunes, aujourd’hui, ont fait cette expérience qui a bouleversé leur vie ! Ils se sont mis à écouter, et leur vie a changé. Parce que la Bible n’est donnée que pour nous « parler », et nous parler au Nom de DIEU ! Non seulement cela, mais alors elle nous enflamme ! C’est une Torah de lumière, une Torah de feu qui embrase ceux qui l’écoutent, au sens où elle leur redonne vie ; et elle leur donne de donner la vie. Donc le buisson ardent, pour les rabbins, c’est une préfiguration de la Torah qui jaillit dans le désert ; c’est la Parole qui vient donner la vie là-même où menace la mort. C’est peut-être la raison pour laquelle « Désert », en hébreu, se dit « MiDBaR », le lieu d’où surgit une parole, DaVaR.

Mais vous voyez, le texte ici nous travaille. Il nous dit quelque chose de vraiment essentiel. Il s’agit pour nous, de nous mettre à l’école de Moïse afin d’entendre, à notre tour, ce que nous voyons… ENTENDRE CE QUE L’ON VOIT… Parce que voir ne suffit pas. Il faut encore que ce que l’on voit soit « parlant ». Le feu du buisson par lui seul ne l’est pas. Mais Moïse s’est approché ; il s’est approché avec une QUESTION : « POURQUOI ? Pourquoi le buisson ne brûle-t-il pas ? ». Et parce qu’il s’est approché avec une question, c’est alors qu’est advenue une parole. Inutile de parler s’il n’y a pas de question préalable ; si vous voulez éduquer un enfant, ou n’importe quel étudiant, il faut susciter chez lui un questionnement. Et donc, parce que Moïse s’approchait avec une question, alors a pu surgir une parole. Non pas une parole “à côté” du feu, mais le feu lui-même est devenu parole. De sorte qu’on peut vraiment dire que CE QUE VOIT MOÏSE, C’EST UNE PAROLE… Quel paradoxe ! Sauf que ce paradoxe n’est pas différent de ce que saint Jean dira à propos du Verbe de DIEU fait chair : « Ce que nous avons vu, ce que nous avons contemplé du Verbe de vie, nous vous l’annonçons ! » (Jn 1,1). Saint Jean s’inscrit directement dans la tradition de Moïse : en CONTEMPLANT cet homme Jésus, Jean a ENTENDU le Verbe de DIEU. Non pas une parole “à côté” de Jésus, comme au baptême dans le Jourdain, mais il a vraiment « entendu le Verbe ». Comment a-t-il fait ? Il a Contemplé. Contempler, c’est regarder avec attention ; c’est scruter, et c’est interroger. Et donc parce qu’il était dans cette attitude de questionnement, Jean a pu entendre, en Jésus, le VERBE de DIEU, la fameuse MeMRaH de DIEU.

J’aime souvent penser que l’expérience de Moïse rejoint celle de Pierre, Jacques et Jean au Mont ThaBoR, au moment de la Transfiguration. Les habits du Christ deviennent flamboyants, et la Parole surgit. D’autant plus, nous disent les Écritures, que Moïse est présent à cet instant. Il est le lien entre les deux montagnes : celle du ‘HoReB et celle du ThaBoR. Et donc, quand on est chrétien, il n’est pas interdit de lire que le feu que contemple Moïse au Mont ‘HoReB, c’est comme une sorte de vortex qui s’ouvre dans le temps pour lui donner de contempler mystérieusement le Christ en Transfiguration. Ce n’est pas de l’élucubration. C’est de la contemplation dans la plus pure tradition des Pères de l’Église.

Maintenant, pourquoi surgit cette Parole ? Parce que, de cette Parole, va apparaître un sens. Que voulez-vous, l’homme ne peut pas seulement se contenter de voir l’espace qui l’entoure, de le consommer, le conquérir ou simplement le quantifier. Il veut l’écouter, et pour écouter, il faut entrer dans le temps. On est ici dans l’essence même de ce qu’est la vertu de Religion. Car écouter, c’est entrer dans le temps où seul, DIEU se livre. Les yeux sont les organes de l’immédiat. Ils saisissent l’instant. Les oreilles, elles, sont les organes du temps. Je ne peux rien écouter dans l’immédiat pur, ou alors  ça reste un bruit.  C’est par le temps, et donc par l’écoute qu’advient une Parole, et qu’advient avec elle le SENS ; et avec le sens advient l’espérance ; et avec l’espérance advient l’histoire. Une histoire Sainte où une rencontre est désormais possible entre la Création et son Créateur !

Tout ça nous entraîne très loin ! Parce que ça nous dit que l’homme est précisément cette créature singulière rendue capable de discerner cette Parole, au bénéfice de TOUTE la Création. TOUTE la Création attend que soit révélé son sens ; TOUTE la Création attend que s’ouvre l’espérance que DIEU a inscrite dans son histoire, et ce n’est QUE par l’homme qui se met à l’écoute de DIEU que ce sens pourra être entendu. Ce sens, c’est que l’univers existe comme le fruit d’une parole créatrice ; une Parole, un Verbe qui l’a APPELÉ à l’existence. Mais cela ne suffit encore pas : cet univers a besoin de RÉPONDRE à cet appel, de dire OUI à cet appel, librement, et ce n’est que par l’homme qu’il PEUT le faire. C’est ce que saint Paul nous dit lorsqu’il écrit : « La création tout entière attend la révélation des Fils de Dieu ». Voilà : parmi toutes les créatures, l’homme est cet être qui donne à TOUTE la Création de pouvoir non seulement entendre cette Parole créatrice ; de pouvoir ainsi découvrir le sens qui habite la Création, mais aussi, et surtout, de pouvoir y acquiescer joyeusement par la vertu de l’espérance.

Et ce que nous apprend Moïse, c’est que cette Parole n’est pas seulement créatrice. Elle est aussi une Parole libératrice ! Une Parole par laquelle l’homme, et avec lui l’univers entier, va trouver le courage de tourner résolument le dos à l’esclavage ! À condition, évidemment, qu’il la reçoive et qu’il lui obéisse, et là, ce sera tout l’enjeu de la Torah !

Bref. Moïse voit et entend pour la première fois cette Parole divine, à la fois créatrice — la Parole des commencements ; et libératrice — c’est-à-dire une parole qui donne sens, qui révèle un chemin et inscrit l’espérance dans l’univers. Et qu’entend-il ? Il entend son nom… « Moïse, Moïse ! » C’est-à-dire : « Fils ! Fils ! » Moïse répond alors sur le modèle de ses pères. Souvenez-vous Abraham en Gn 22,11 lorsqu’il a ligaturé Isaac en vue du sacrifice que DIEU lui avait demandé : « Abraham ! Abraham ! — Me voici… » Déjà là, la Torah nous disait que, là où la mort pointait, c’est la vie qui allait triompher pour celui qui savait écouter la Parole ; écouter le Verbe. Et c’était aussi la réponse de Jacob à Bethel : « Jacob ! Jacob ! — Me voici… » Donc vous entendez ? Cet événement fait le pont avec ce qui avait commencé avec les Patriarches. C’est la MÊME histoire qui reprend, après la parenthèse, en quelque sorte, de l’Égypte. Une parenthèse qui n’est pas vaine, puisque c’est par elle que le clan des pères Abraham, Isaac et Jacob, est devenu un peuple. Voilà. À présent, la jointure est faite. Moïse ne peut plus reculer.

Je vous laisse méditer sur ces quelques versets 1 à 4 du chapitre 3 de l’Exode, d’une densité incroyable. Nous verrons la suite la prochaine fois.

Je vous remercie.
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